La
sonate n°44 en fa majeur HobXVI.29 est la seule de la série HobXVI.27-32 à être datée avec précision, le manuscrit porte en effet la date 1774. De plus elle est la seule à adopter la coupe classique en trois mouvements avec un
Moderato et un
Presto encadrant un imposant
Adagio. Dans les deux sonates qui suivent en la majeur (HobXVI.30) et en mi majeur (HobXVI.31), le mouvement lent était un court prélude enchainé au finale. Quant à la sonate en si mineur (HobXVI.32), elle revenait au patron des deux premières sonates en sol (HobXVI.27) et mi bémol (HobXVI.28), avec un menuetto et trio tenant place de mouvement lent central.
Le premier mouvement,
Moderato, de la sonate en fa, est très original. Le début du thème avec ses accords massifs a une allure solennelle que dément la suite, une délicate broderie à la main droite du pianiste. La suite du second sujet, particulièrement étrange avec ses
croches puis doubles croches alternées aux deux mains, devint la cible des commentateurs musicaux de l'époque qui furent décontenancés par les audaces de ce mouvement. Toute cette exposition brille par sa délicatesse d'écriture aux multiples nuances (six piano, forte, alternés dans une seule mesure) et surtout par son humour. Le développement est d'abord axé sur le thème principal, sur les accords massifs du début puis sur leur réponse très ornée, ensuite sur les arpèges du second thème et leur suite si originale.
Si on ne connaissait pas avec certitude la date de composition de cette sonate, on pourrait penser que le bel
Adagio avait été écrit à une époque postérieure, celle de la "haute mâturité de Haydn" par exemple (1). C'est une émouvante cantilène très ornementée, à la main droite du pianiste. Plus loin, un second thème est richement accompagné par une basse d'Alberti (2) tandis que la main droite dessine des
extensions syncopées très intenses.Après un court "développement" basé sur le second thème, la rentrée est presque identique à l'exposition sauf que l'extension syncopée du second thème est encore plus expressive et émouvante.
Le
Tempo di minuetto final est un compromis de
menuet avec trio et de
thème varié. Il débute comme un menuet classique, l'écriture en contrepoint à trois voix lui donne un tour sérieux très attachant. Le trio en fa mineur est assimilable à une variation mineure. La reprise du menuet, considérablement modifiée, peut être considérée comme une deuxième variation. Enfin une troisième et dernière variation met un terme à cette remarquable sonate.
Nous voilà arrivés au terme de cette fabuleuse série de sonates, une fois de plus, Haydn nous promène dans des terres nouvelles engendrées par son inépuisable imagination.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988
(2)
http://www.musicologie.org/sites/b.html