Les Sept Dernières Paroles de Notre Sauveur sur la Croix

De façon un peu arbitraire j'ai choisi de parler des Sept Dernières Paroles du Christ dans la rubrique Oeuvres Vocales. Ce choix est logique dans la mesure où il existe une version oratorio de ce chef d'oeuvre. Toutefois ce choix pose également la question de savoir qu'elle est la version originale.

Voici ce que dit Marc Vignal à ce propos: "Après la mort de Haydn et jusqu'à la publication de la version originale pour orchestre en partition dans les JHW en 1959, l'oeuvre fut connue exclusivement dans la version oratorio de 1796 et surtout dans la transcription pour quatuor à cordes réalisée par Haydn en 1787; or dans l'esprit de Haydn, la version pour quatuor était destinée non pas à remplacer la version orchestre mais de permettre à des amateurs de jouer les sept Paroles.

La version originale pour orchestre fait appel à la formation suivante: deux flûtes, deux hautbois, deux bassons, quatre cors, deux trompettes, timbales et cordes.

Il existe aussi une transcription pour piano réalisée du vivant de Haydn et publiée par Artaria. Cette version ne fut qu'approuvée par Haydn."

En résumé:
La version pour orchestre est la première composée.
En 1787, Haydn effectue une transcription pour quatuor à cordes.
En 1787, Artaria publie une transcription pour piano.
En 1796, Haydn compose une nouvelle version Oratorio munie d'un choeur à quatre voix et il intercale un interlude nouvellement composé d'un modernisme étonnant.

Il me semble souhaitable de continuer la discussion autour de ce chef-d'oeuvre dans ce fil.

Voici comment Haydn présente les "Sept Paroles" à son éditeur Forster en 1787:

Une oeuvre toute nouvelle, musique purement instrumentale (1), faite de sept sonates dont chacune dure de sept à huit minutes, avec en outre pour commencer une Introduction et pour finir un "Terremoto" (Tremblement de terre). Ces sonates sont composées d'après les paroles que le Christ notre Sauveur a prononcé sur la Croix, et adaptées à elles.......
Chaque sonate, ou plutôt chaque texte, n'est exprimé que par la musique instrumentale, mais de façon à susciter l'émotion la plus profonde dans l'âme de l'auditeur même le moins averti (2)......

(1) En 1796, Haydn écrira une version Oratorio sur un texte de Friberth et Van Swieten.
(2) La lettre de Haydn est reproduite par Marc Vignal (Joseph Haydn, Fayard, 1988, pp 288-9)

En 1801 Griesinger rédige une préface pour la version oratorio des Sept Dernières Paroles du Christ en Croix d'après les propres paroles de Haydn:

Un chanoine de Cadix m'a demandé de composer une musique instrumentale sur les Sept Dernières Paroles du Christ en Croix. On avait alors l'habitude à la cathédrale de Cadix d'exécuter tous les an, durant le carême, un oratorio dont l'effet se trouvait singulièrement renforcé par les circonstances que voici. Les murs, fenêtres et piliers de l'église étaient tendus de noir, seule une grande lampe suspendue au centre rompait cette sainte obscurité. A midi on fermait toutes les portes et alors commencait la musique. Après un prélude approprié, l'évêque montait en chaire, prononçait une des sept paroles et la commentait. Après quoi il descendait de la chaire, et se prosternait devant l'autel. Cet intervalle de temps était rempli par la musique. L'évêque montait en chaire et en descendait une deuxième, une troisième fois, etc... et chaque fois l'orchestre intervenait à la fin du sermon. J'ai du dans mon oeuvre tenir compte de cette situation. La tâche consistant à faire se succéder sans lasser l'auditeur sept adagios devant durer chacun environ dix minutes n'était pas des plus faciles, et je réalisais bientôt qu'il m'était impossible de respecter les limites de durée qui m'avaient été fixées.

Préface tout à fait digne de foi à un détail près: les Sept Paroles ne furent pas destinées à la cathédrale de Cadix mais à l'église paroissiale de Santa Cueva, construite à l'intérieur d'une grotte sous l'église paroissiale du Rosario.

Textes tirés de Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988, pp 284-5.

J'ai écouté récemment la version pour piano (qui n'a été "qu'approuvée" par Haydn, selon Marc Vignal). Et là, j'avoue que l'oeuvre m'a parue longue. 50 minutes de piano lent, en effet, ça semble long.
La version que je préfère, c'est celle pour quatuor à cordes, elle m'en donne des frissons, et d'autant plus si on se réfère à la signification des paroles.
La version oratorio ne me fait pas cette impression, à l'exception de cet extraordinaire et génial interlude pour 12 instruments à vents en la mineur. Une page sublime et trop méconnue, tournée vers l'avenir, les Romantiques, et même plus loin à mon avis.

Depuis peu, il existe une transcription pour orgue des Sept Dernières Paroles du Christ réalisée et interprétée par Vincent Genvrin aux orgues Clicquot de Saint Nicolas des Champs. Vincent Genvrin explique son initiative dans un document passionnant:

http://clicquotdeschamps.free.fr/docs/concerts/2008-03-16_Programme.pdf


J'ai entendu plusieurs passages notamment le Terremoto lors d'un concert donné sur l'orgue Silbermann de l'abbaye d'Ebersmunster. Je ne sais pas s'il s'agissait de la transcription Genvrin mais en tous cas ce Tremblement de terre était impressionnant!

Joachim a écrit:

La version que je préfère, c'est celle pour quatuor à cordes, elle m'en donne des frissons, et d'autant plus si on se réfère à la signification des paroles.
La version oratorio ne me fait pas cette impression, à l'exception de cet extraordinaire et génial interlude pour 12 instruments à vents en la mineur. Une page sublime et trop méconnue, tournée vers l'avenir, les Romantiques, et même plus loin à mon avis.

Marc Vignal évoque à propos de cet interlude les symphonies pour instruments à vents de Stravinsky composées en 1920 à la mémoire de Claude-Achille Debussy.

Piero1809 a écrit:

Marc Vignal évoque à propos de cet interlude les symphonies pour instruments à vents de Stravinsky composées en 1920 à la mémoire de Claude-Achille Debussy.

Pourquoi pas ? Ces "symphonies" (appelées ainsi en référence aux "symphonies" baroques, rien à voir avec la symphonie telle que nous la connaissons actuellement) sont également une oeuvre d'esprit funéraire pour vents.
Mais le style de Haydn est infiniment supérieur (ce n'est que mon avis, évidemment).

J'ai écouté hier sur Accent 4 une retransmission d'un concert dans lequel une version nouvelle (pour moi en tous cas) des Sept dernières Paroles du Christ de Joseph Haydn était donnée.

Il s'agit d'une version pour quatuor à cordes et pour quatuors de solistes. En guise d'interlude on avait intercalé l'adagio du quatuor en ré majeur opus 76 n° 5.

J'étais assez dérouté par cette version qui m'a semblé différente de la version oratorio mais je n'ai pas pu en savoir plus sur son authenticité. L'interprétation était excellente:

Die sieben letzten Worte unseres Erlösers am Kreuze

Oratorio de Joseph Haydn

Version pour solistes et quatuor à cordes op. 51

Tatiana Zolotikova (soprano)
Simona Ivas (mezzo)
Jong-Hoon Ko (ténor)
Jean-Philippe Emptaz (basse)

Philippe Lindeker (violon)
Sylvie Brenner (violon)
Roland Cheney (alto)
Agnès Lindeker (violoncelle)

C'est sans doute une adaptation non prévue par Haydn. Je suppose qu'elle reprend la version oratorio en remplaçant l'orchestre par un quatuor à cordes et le choeur (mixte, donc s, a, t et b) par un seul représentant du choeur. Mais dommage que l'extraordinaire interlude soit ainsi éclipsé.

J'ai déjà dit, plus haut, que la version pour piano m'avait semblé longue.

Je pensais que ce serait encore pire, pour moi, avec cette version pour clavecin :



Eh bien, c'est tout le contraire, je ne me suis pas ennuyé une minute avec cette - presque - heure de clavecin.

Rien n'est précisé sur la pochette, mais je ne crois pas que Haydn ait connu cette version. C'est probablement une version ultérieure comme celle que tu as écoutée sur orgue, ou cette autre pour voix et quatuor à cordes.

Je dois avoir une dizaine de versions differentes de ces "Sept dernières paroles"... et je voudrais signaler ici la magnifique version pour double quatuor à cordes et contrebasse réalisée par l'ensemble Opus posth/ Gridenko chez "CCNC"...en 2006.

Lire le compte rendu très intéressant et enthousiaste des Sept dernières Paroles du Christ de Joseph Haydn données le 6 avril 2012 dirigées par Ton Koopman et retransmis par Radio France:

http://sites.radiofrance.fr/chaines/formations/concerts/FANTASTIQUE/?IDA=3553

Bonjour et je salue tout spécialement l'Administrateur Piero1809, qui est en Alsace.
Malheureusement, j'ai très peu de temps en général pour aller sur les forums. Mais étant moi-même à Strasbourg, je suis tombé par hasard sur cet intéressant forum parce que j'organise le 18 mars prochain à Strasbourg un concert avec les "Sept Paroles de Notre Sauveur en Croix", dans la transcription peu connue pour le pianoforte et datant de 1787. Elle n'a pas été faite par Haydn lui-même, mais il l'a vue et en a dit du bien.
Je serais heureux de faire connaissance avec Piero1809 à cette occasion, s'il peut venir.

Je peux bien sûr aussi envoyer des infos plus précises, mais étant nouveau venu sur ce forum, je ne veux pas commencer par balancer de la pub à peine arrivé, et je ne sais pas si c'est le genre de ce forum ! Si vous voulez que j'envoie ces infos, dites-le moi.

Bonjour Etienne,
Bienvenue dans notre forum.
Je suis très heureux de vous compter parmi les participants.
Il y a une rubrique prévue (Présentation du colistier nouveau) dans laquelle vous pouvez vous présenter mais ce n'est pas obligatoire.
Annoncer un concert n'est pas considéré comme de la publicité surtout s'il s'agit de Haydn! Alors n'hésitez pas car il y a une rubrique prévue à cet effet:
CD, DVD, Concerts, Evénements.

Je tacherai d'assister le 18 mars aux 7 dernières Paroles du Christ sur la Croix et serais heureux de vous rencontrer.
Piero

D'accord.
Mais comme les nouveaux membres ne sont pas autorisés à poster de liens externes ou des emails pendant 7 jours, j'attends un peu.
En plus votre sujet d'évènements s'arrête à 2012 …
A bientôt

Etienne Stoffel a écrit:

En plus votre sujet d'évènements s'arrête à 2012 …
A bientôt

Raison de plus pour l'étoffer un peu!
Bonne journée.
Piero

Bon je vais y aller pour poster les infos, mais alors il faudrait ôter le titre "2012" oour mettre "2013"à la place...

Etienne Stoffel a écrit:

Bon je vais y aller pour poster les infos, mais alors il faudrait ôter le titre "2012" oour mettre "2013"à la place...

Je m'en occupe tout de suite et le met en post-it.

J' avais acheté cette version insolite des 7DPNSCx, à l' orgue , que j' avais mise de côté jusqu' à présent et ...

...j ' ai été dérouté et la 1ère écoute ne m' a pas séduit du tout;je trouve que l' oeuvre et le répertoire d' orgue n' y gagnent rien.

La belle solennité, le charme des jeux d' orgue,notés par certains critiques enthousiastes, je ne les ai pas goûtés ainsi;je trouve la sonorité de l' orgue peu flatteuse;d' ailleurs, dans la pochette, il y a un appel au secours pour la rénovation de cet orgue français en mauvais état;en général je suis assez difficile sur la sonorité des orgues et je ne saurai dire si c' est l' instrument lui-même, l' interprétation ou la registration ( le jeu de hautbois fait pouet-pouet pour moi) qui contribuent à ma déception.

toutefois, y a -t-il quelqu' un qui a écouté cette version, avec un avis peut-être différent ?

Benoît a écrit:

J' avais acheté cette version insolite des 7DPNSCx, à l' orgue , que j' avais mise de côté jusqu' à présent et ...

...j ' ai été dérouté et la 1ère écoute ne m' a pas séduit du tout;je trouve que l' oeuvre et le répertoire d' orgue n' y gagnent rien.

La belle solennité, le charme des jeux d' orgue,notés par certains critiques enthousiastes, je ne les ai pas goûtés ainsi;je trouve la sonorité de l' orgue peu flatteuse;d' ailleurs, dans la pochette, il y a un appel au secours pour la rénovation de cet orgue français en mauvais état;en général je suis assez difficile sur la sonorité des orgues et je ne saurai dire si c' est l' instrument lui-même, l' interprétation ou la registration ( le jeu de hautbois fait pouet-pouet pour moi) qui contribuent à ma déception.

Je n'ai pas écouté cette version mais lors d'un concert donné par la Parlement de Musique (2009) consacré à Haydn et son contemporain Wagenseil à l'abbaye d'Ebersmunster, Martin Gester aux grandes orgues Silbermann a interprété quelques passages des Sept Dernières Paroles du Christ sur la Croix de Joseph Haydn, en particulier l'Introduction Maestoso et le Terremoto. J'étais frappé par la sonorité de l'orgue dans cette musique. Alors que précédemment l'organiste nous avait ravi avec des concertos pour orgue en ut et en fa de Haydn (Hob. XVIII, 8 et 7) absolument lumineux, d'une aérienne élégance dans leurs habits rococo, les 7DPCC m'ont paru lourdes avec des basses presque pataudes. Les déchainements du Terremoto étaient effrayants mais était-ce encore du Haydn? J'ignore quelle est la transcription que l'organiste a utilisée.

Etienne Stoffel a écrit:

j'organise le 18 mars prochain à Strasbourg un concert avec les "Sept Paroles de Notre Sauveur en Croix", dans la transcription peu connue pour le pianoforte et datant de 1787. Elle n'a pas été faite par Haydn lui-même, mais il l'a vue et en a dit du bien.
Je serais heureux de faire connaissance avec Piero1809 à cette occasion, s'il peut venir.

Je n'ai pas pu me rendre à votre concert du 18 mars car je participais à la même heure à la répétition générale d'un concert que nous donnons à Strasbourg le vendredi 22 mars (voir le fil:
https://haydn.aforumfree.com/t591-les-concerts-de-2013

Je serais heureux que vous fassiez un petit compte rendu de l'exécution des Sept Paroles de Notre Sauveur en Croix dans la rubrique les concerts 2013 ou bien celle présente.

Je suis en train d'écouter Les sept dernières paroles du Christ sur la Croix, version oratorio dirigée par Nikolaus Harnoncourt et Le Concentus Musicus Wien. Cette version est ancienne (1992 je crois) et les puristes y trouveront à redire.

Quelle splendeur! Une chorale exceptionnelle (Arnold Schönberg Choir) poussant l'art des nuances à son extrême limite sans sacrifier le moins du monde à l'émotion avec de magnifiques solistes notamment le regretté ténor Anthony Rolfe Johnson ou Margaretha Hintermeier contralto. Avec le prodigieux interlude en la mineur de 1796, on rentre presque dans le monde de Gustav Mahler!
Le tremblement de terre final est aussi impressionnant.

Dans le forum anglo-américain:
Haydn@yahoogroups.com

Le quizz suivant a été posé:
Quelle version des Sept Dernières Paroles du Christ préférez-vous:
1. La version originale pour orchestre
2. La version pour quatuor à cordes
3. La version chorale
4. La version pour piano seul.

C'est la version pour quatuor à cordes qui a triomphé, suivie de près par la version pour orchestre. Les deux autres font des scores négligeables.

Que pensez-vous de ce verdict?

Je mets à égalité les versions pour quatuor et pour orchestre. Le quatuor permet d'accentuer l'austérité du discours. La musique est mise à nu, sans flatterie. Mais je pense qu'elle exige un engagement sans faille des interprètes. La version pour orchestre est plus facile d'accès, c'est la version originale et elle correspond aux exigences des commanditaires de l'oeuvre et de son exécution dans une église. Le son convenablement réverbéré dans une petite église donne un résultat impressionnant.
La version pour piano ne me semble pas très intéressante, sinon pour l'interprète. La version oratorio est une extension habile de la version pour orchestre. L'ajout des choeurs et des solistes ne fait qu'amplifier l'effet de la version pour orchestre. Mais il y a le fabuleux interlude pour vents, qui à lui seul mérite qu'on acquière cette version. Je n'ai pas connaissance d'une interprétation ce la version pour orchestre à laquelle on aurait ajouté cet interlude.

Pour moi, c'est

1 quatuor à cordes
2 orchestre
3 oratorio
4 piano

en somme conforme au sondage. Mais je ne mettrai pas la version oratorio "loin derrière", mais "un peu après" la version orchestre, en grande partie à cause de cet extraordinaire interlude pour instruments à vents, dont j'ai déjà souligné l'importance, tourné vers l'avenir (romantisme et plus encore).