Trouvé dans L'Esprit des journaux, françois et étrangers, Numéros 1-2 Par Société de gens de lettres - Valade, 1811
Pendant qu'Haydn était absent pour remplir une mission, le quartier qu'il habitait dans la ville d'Eisenstadt fut entièrement consumé par les flammes. Haydn y perdit, avec sa maison, tout ce qu'elle contenait. Le prince ordonna sur-le-champ de lui en faire rebâtir une pareille au même endroit, et il chargea M. Pleyel du soin de remplacer les meubles, le linge, les ustensiles, tout enfin ce que l'incendie avait dévoré, par des effets exactement semblables. Le disciple exécuta l'ordre avec autant d'activité que de zèle; et quand Haydn revint, instruit du désastre d'Eisenstadt, et désolé du sien, il crut un instant que sa maison avait été épargnée comme par miracle. La reconnaissance fit place à la surprise; mais l'unique partition de son Armide, qu'il préférait, avec raison, à tout ses autres opéras, avait péri, et rien ne pouvait le consoler de ce malheur, dont il n'osait pas même se plaindre, dans la crainte de paraître trop peu sensible à la générosité qui avait si noblement réparé toutes ses autres pertes. M. Pleyel, après avoir été l'agent des bontés du prince, devint à son tour le bienfaiteur de son maître. Par une infidélité heureuse, au moins dans le résultat, il avait fait copier furtivement toute la partition qu'Haydn ne communiquait à personne, et qu'il avait positivement refusé de lui confier. Cette faute, ou cet acte de prévoyance, rendit le bonheur à Joseph Haydn, dont le chagrin commençait à détruire la santé.