L'
Olimpiade, musique de
Domenico Cimarosa, livret de
Pietro Metastasio, fut crée en 1784 au théatre Eretenio de Vicenza. A l'occasion du bicentenaire de la mort de Cimarosa, il fut représenté au Teatro Malibran di Venezia du 20 au 23 décembre 2001. La brillante distribution, avec
Anna Bonitatibus dans le rôle de Megacle,
Patrizia Cioffi dans celui de Aristea,
Luigi Petroni dans le rôle de Clistene et la direction musicale d'
Andrea Marcon, fit de ces représentations un événement exceptionnel (1).
Argument.
Megacle aime en secret
Aristea, fille du roi de Sicione,
Clistene, et est aimé d'elle.
Licida, fils présumé du roi de Crète, s'est concerté avec son ami Megacle, en vue des jeux Olympiques. Megacle combattra sous le nom de Licida; mais il ne sait pas que le prix désigné pour le vainqueur de la compétition est Aristea, fille du roi.
Argène, à qui Licida a fait des promesses matrimoniales, est évidemment très troublée; rencontrant Aristea, elle l'informe de la situation et cette dernière qui aime profondément Megacle, est anéantie par cette nouvelle. Megacle est effectivement vainqueur et Licida exulte. Aristea étonnée par la froideur de Mégacle lui demande des explications, ce dernier lui raconte tout et l'assure de son amour total mais il ne peut renier sa promesse et décide de partir au loin. Entre temps Clistene ayant compris que la situation n'est pas claire, demande des explications à Licida, ce dernier s'emporte et veut frapper Clistène de son glaive. Il ne poursuit cependant pas son geste jusqu'au bout, est saisi par les gardes et jeté en prison. On apprend d'abord que Megacle s'est noyé mais, à la stupéfaction générale, ce dernier reparait et Licida, condamné à mort, demande une grâce ultime, celle de revoir son ami. L'exécution de Licida va commencer quand une nouvelle extraordinaire survient: le vrai fils de Clistene,
Filinto que l'on croyait perdu, avait été recueilli à l'âge de trois ans et élevé sous le nom de Licida qui, de ce fait, devient le frère d'Aristea. Clistène se lamente car l'exécution de son fils est programmée et ne peut être remise. Nouveau coup de théatre, vingt quatre heures sont passées et Clistène n'est plus gouverneur d'Olympie. La condamnation à mort est devenue caduque et Licida est gracié par le peuple. De grandes réjouissances saluent l'union d'Aristea et Megacle et celle de Licida et d'Argène.
Un beau livret dans lesquel les situations dramatiques abondent et couvrent une palette étendue de sentiments. Ce livret inspira sans doute Cimarosa qui composa une oeuvre très ambitieuse et très spectaculaire (1).
Style. Cimarosa ignore les réformes effectuées par
Gluck et
Calzabigi d'une part et
Tommaso Traetta d'autre part qui consistent à s'inspirer de la tragédie lyrique française en incorporant choeurs et ensembles à l'action dramatique. En fait l'
Olimpiade est une suite de récitatifs et d'airs qui au premier acte se conclut par un duetto et au second acte par un court
concertato dans lequel interviennent presque tous les protagonistes. On peut donc dire que l'
Olimpiade est aux antipodes d'une oeuvre comme
Idomeneo de
Mozart qui possède de nombreux ensembles et où le choeur est omniprésent et également de
Gli Orazii ed i Curiazii de Cimarosa dont la structure d'ensemble est très voisine de celle d'Idoménée avec toutefois un choeur se mélant encore plus intimement à la substance de l'oeuvre.
Chez un autre que Cimarosa, cette suite d'arias pourrait sembler monotone. Ce n'est pas le cas ici et le maestro nous fait vibrer par les accents les plus touchants et les envolées les plus passionnées. Les airs sont de deux sortes, les uns de style napolitain avec des vocalises impressionnantes, ces airs regardent vers le passé et notamment l'opéra baroque napolitain mais aussi l'avenir car certains traits, certaines tournures vocales sont quasiment "Belliniennes". D'autres airs sont beaucoup plus simples, très courts, dépourvus de vocalises et centrés sur la beauté mélodique. En général, la musique est plus complexe que dans les oeuvres précédentes et les modulations bien plus audacieuses.
Hits. Acte I. L'air de Megacle scène 2 "
Superbo di me stesso...". La mélodie de cet air sera reprise dans
Gli Orazii ed i Curiazii. Il donne lieu à de superbes vocalises et des intervalles périlleux.
Anna Bonitatibus s'y montre admirable d'aisance et de sensibilité.
Air d'Aristea scène 6 "
Tu di saper procura..."Air très gracieux remarquable par ses vocalises acrobatiques.
Air d'Argene. scène 7. "
Fra mille amante un core..." Très court, très simple sans vocalises ni virtuosité mais d'une très grande séduction mélodique. Une pure merveille, qui suit un air du même type basé peut-être sur un chant populaire napolitain "
O care silve..." (scène 4).
Recitatif et duetto Megacle et Aristea scène 9 "
Megacle, O ma Speranza...". Très beau duo de Megacle e Aristea, avec de magnifiques envolées lyriques, de très belles modulations et Aristea qui plane dans les hauteurs.
Acte II. Aria d'Aristea scene 3 "
Grandi è ver, son le tue pene..." Air très simple, très émouvant , dépourvu de vocalises. L'émotion à l'état pur.
Air de Megacle scène 8 "
Misero me" Magnifique récitatif accompagné: Megacle fidèle à sa promesse décide de s'effacer pour laisser Licida épouser Aristea. "
Se cerca, se dice..." Air superbe très "Bellinien" par sa splendeur vocale, sommet dramatique de l'opéra..
Air d'Aristea avec hautbois obligé scène 14 "
Mi sento O Dio nel core..." Fantastique solo de hautbois mais Aristea rivalise avec ce dernier et même le surclasse en grimpant vers les hauteurs les plus éthérées. C'est certainement le point culminant de l'opéra.
La Ciofi est tout simplement époustouflante!Air d'Argène, scène 15. "
Spiegar non posso appena". Etonnant Aria en mi mineur, très
Sturm und Drang, très Haydnien (2), construit comme un morceau de sonate, à deux thèmes, second thème au relatif majeur, développement, et lors de la réxposition, transposition du discours musical en en mi mineur.
Air de Megacle scène 17 "
Nel lasciart!, o Prence amato".
Le plus sublime et le plus moderne de tous les airs de cet opéra.
Anna Bonitatibus (Argène) et
Patrizia Cioffi (Aristea) sont exceptionnelles.
Luigi Petroni (Clistene) est très bon. Direction d'orchestre nerveuse et incisive d'
Andrea Marcon.
(1) A l'occasion de la représentation du Teatro Malibran, un dossier consacré au livret de Metastasio a été publié:
http://www.teatrolafenice.it/public/libretti/16_8550olimpiade_dc.pdf(2)
Joseph Haydn a mis en scène et a dirigé treize opéras de Cimarosa à Eszterhàza.
Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988, pp. 1039-45.