Dialogues des Carmélites
Francis Poulenc Musique et livret d'après un texte de Bernanos
Olivier Py Mise en scène
Jérémie Rohrer Direction Musicale
Théâtre des Champs Elysées, le 17 décembre 2013.
Synopsis. Le livret décrit, à travers l'histoire personnelle de Soeur Blanche de la Force, le martyre de carmélites pendant la Terreur. Ces religieuses, refusant de se plier aux injonctions des révolutionnaires, vont en effet mourir sur l'échafaud.
Mise en scène. Passionnante de bout en bout, elle s'éloigne toutefois peu du livret et ménage des temps forts alternant avec des passages plus détendus. Un climax est atteint dans le dernier tableau de l'acte I, scène d'une violence parfois insoutenable. Py fait mourir la mère supérieure au cours d'un tableau que l'on peut voir de deux manières :
-dressée sur une chaire à prêcher, avec l'autorité que lui confère sa charge, madame de Croissy s'adresse aux religieuses;
-couchée dans un plan perpendiculaire à celui de la scène, celui de la croix sur laquelle elle étend ses bras au moment de mourir, elle reproduit le signe du sacrifice ultime. Selon Bernanos (et peut-être Poulenc) l'on ne meurt pas pour soi mais pour les autres. La mort affreuse de la mère supérieure signifierait qu'une mort « douce » pourrait être donnée à une autre personne.
L'exécution des religieuses est traitée de façon décalée. La didascalie indique qu'elles montent sur l'échafaud en chantant le Salve Regina. Olivier Py les a groupées toutes face au public et quand le couperet tombe, indiqué par un coup metallique des percussions, chaque suppliciée tourne le dos à ses compagnes et s'anéantit dans un ciel étoilé. Le choeur d'abord très fourni et puissant s'étiole peu à peu. A la fin il ne reste plus que Blanche de la Force, sœur de l'Agonie du Christ, qui disparaît à son tour. Cette symphonie des Adieux est émouvante et belle.
Autres temps forts les quatre pantomimes, véritables tableaux vivants, représentant successivement l'Annonciation, la Nativité, la Cène et la Crucifixion, images d'une harmonie admirable assemblées à partir d'attributs ou de figures symboliques en bois découpé : la Colombe, l'Agneau Pascal, la Croix...
Direction musicale. L'orchestre étonnament discret ne couvre jamais la voix des personnages, il joue piano, voire mezzo forte presque tout le temps sauf dans les interludes. Cette austérité, cette retenue m'ont impressionné surtout si on la compare avec la véhémence d'autres versions (Ricardo Muti par exemple) beaucoup plus extraverties. Cette attitude n'aurait pas déplu à Poulenc qui manifeste dans cette partition un parti-pris de sobriété comme le montre l'accompagnement orchestral des trois sublimes prières chorales Ave Maria, Ave Verum Corpus et Salve Regina. La sonorité du Philarmonia Orchestra est magnifique (clarinettes remarquables).
Interprétation. Rosalind Plowright est une madame de Croissy exceptionnelle. Anne Catherine Gillet colle idéalement avec le personnage de Soeur Constance dont elle traduit parfaitement l'enthousiasme juvénile d'une voix claire et pure. Patricia Petitbon est une Blanche idéale, Véronique Gens (Madame Lidoine) incarne parfaitement une Mère supérieure d'une grande humanité, presque maternelle. Sophie Koch (Mère Marie de l'Incarnation) campe avec autorité un rôle complexe car celle qui fait voter à l'unanimité le sacrifice est la seule à s'y dérober. Du côté des hommes, j'ai bien aimé Topi Lehtipuu, le Chevalier de la Force, dont j'ai trouvé l'interprétation excellente et en plein accord avec ce personnage. François Piolino (le Père confesseur du couvent) a une belle voix bien projetée.
Ce texte est une version allongée d'un bref compte rendu publié dans Odb-opéra et dans Ron3.