La Calisto de
Francesco CavalliChef d'orchestre
Christophe RoussetLes Talens lyriques
Metteur en scène
Mariame ClémentDécors, Costumes
Julia HansenLumières
Marion Hewlett~
La Calisto
Elena TsallagovaEternité/ Diana
Vivica GenauxJupiter
Giovanni Battista ParodiMercure
Nikolay BorchevEndimione
Filippo MinecciaDestino/Junon
Raffaella MilanesiLinfea
Guy de MeySatirino
Vasily KhoroshevSilvain
Jaroslaw Kitala
Nouvelle production 28 avril 2017
La Calisto, dramma per musica sur un livret de Giovanni Faustini, est créé le 28 novembre 1651, au teatro San Apollinare de Venise. Cavalli, élève de Monteverdi, emprunte le sillon tracé par son maître pour créer une œuvre originale. Il ne révolutionne cependant ni l'harmonie, ni les principaux codes de l'opéra baroque naissant. Son œuvre est foisonnante et mélange éléments comiques et dramatiques au gré des évènements surgissant dans le livret. Son style donne une place plus importante au bel canto ainsi qu'à la sensualité. La ville de Venise de mœurs bien plus libres que celles du reste de la Péninsule, fut pour cette raison, excommuniée par Rome.
Calisto, nymphe suivante de Diane, a fait vœu de chasteté pour servir la déesse. Jupiter, ayant aperçu la nymphe, a résolu de la séduire. Pour ce faire, il emprunte les traits de Diane, et sous cette apparence, arrivera à ses fins. Junon, épouse du plus puissant des dieux, est jalouse et pour se venger transforme Calisto en ourse. Jupiter, bien qu'ayant décidé à rendre forme humaine à la nymphe, ne peut aller contre le destin. Il donne à la nymphe en compensation l'immortalité sous la forme d'une constellation, la Grande Ourse.
Autour de cette trame mythologique, le librettiste tisse une histoire foisonnante de personnages variés et d'épisodes connexes : l'intervention des satyres, la romance entre Endimione et Diane, les amours contrariés de la nymphe Linfea etc...Aucun de ces épisodes n'est gratuit et s'intègre harmonieusement dans la trame de départ. Tous offrent au compositeur un canevas et une galerie de personnages propres à susciter son inspiration. Si le récitatif monteverdien est dominant, il y a plusieurs très beaux airs. Junon bénéficiera d'un air magnifique au troisième acte. Calisto aura aussi les plus beaux airs de la partition. Son terzetto avec Jupiter et Mercurio au cours duquel le plus grand des dieux lui révèle ce que sera sa destinée,
Al cielo s'ascenda. est un sommet de la partition, ce poignant terzetto est construit autour d'une superbe chaconne qui devait plaire à Cavalli car il l'a développée dans une remarquable sonata a tre, pour deux dessus et le continuo, contemporaine. Le comique est souvent présent dans le personnage de Mercure, entremetteur et organisateur des plaisirs de Jupiter ou encore dans ceux de Pan et Satirino. Ces derniers personnages sont ambigus et leur brutalité ne peut cacher leur frustration, très présente dans l'air de Pan :
Numi sevatici, custodii e genii.... Mis à part quelques épisodes comiques, c'est plutôt un vision en demi-teintes, élégiaque, voire mélancolique qui domine dans la musique comme le montre bien la scène finale, bien éloignée des réjouissances générales des opéras seria à venir.
La mise en scène de
Mariame Clément reste essentiellement fidèle au livret. Le décor de
Julia Hansen représente un zoo et plus particulièrement la fosse aux ours. Un cylindre en béton est présent au milieu de cette fosse. D'un côté un escalier mène vers une plate forme élevée qui permet d'observer le ciel, de l'autre se trouve un local, sorte de boutique aux destinations variées, allant de la demeure de Junon jusqu'au laboratoire où un vétérinaire sera chargé d'euthanasier l'ours. Les éclairages de
Marion Hewlett apportent les contrastes permettant une parfaite lisibilité du spectacle. L'ours, personnage silencieux malgré quelques grognements, joue un grand rôle, avant tout par ce qu'il va abriter pendant un temps l'âme de Calisto. C'est également un des animaux emblématiques de Diane. L'initiative la plus heureuse de cette mise en scène est d'avoir donné à Jupiter l'apparence, copie conforme, de Diane . C'est ainsi la même chanteuse qui incarne la vraie et la fausse déesse de la chasse, alors que dans d'autres mises en scènes, Jupiter est travesti en femme et chante avec une voix de fausset. L'initiative de Mariame Clément donne une bien plus grande vraisemblance à l'action. Calisto qui voue à Diane une adoration sans limites et refuse tout commerce avec un homme, peut en toute bonne conscience se laisser séduire par celle qu'elle croit être la déesse, en accord avec les relations saphiques présumées entre Diane et ses nymphes que suggèrent les textes mythologiques.
Opéra de travestis suggère Christophe Rousset ? Calisto, amoureuse d'une fausse Diane, est repoussée par la vraie tandis que Endimione, amoureux de la vraie Diane, est repoussé par la fausse. Voilà des situations propres à séduire les Vénitiens, amateurs de déguisements. L'amour sous toutes ses formes affirme Mariame Clément, de l'amour bestial des satyres à l'amour non charnel d'Endimione, un amour rarement payé de retour et que l'héroïne va payer cher. Double peine pour la nymphe, d'abord violée, puis enfermée à perpétuité dans la peau d'une ourse.
Excellente distribution.
Elena Tsallagova qu'on avait déjà applaudie dans La petite renarde rusée a réalisé une composition touchante du personnage de Callisto. Sa voix claire et pure a fait merveille dans les récitatifs et les airs notamment dans
Verginella, io morir vo'...
Vivica Genaux (Diana), chanteuse rompue au style baroque qui nous avait émerveillés dans Farnace de Vivaldi par sa virtuosité, n'avait pas d'airs de bravoure à savourer dans la partition de Cavalli mis à part des vocalises agiles dans le prologue :
Chi qua sale immortale..., la mezzo a cependant agrémenté son chant par d'élégants ornements.
Rafaelle Milanesi m'a fait une grosse impression dans le rôle de Junon, notamment dans son ait fameux du troisième acte où elle manifeste son humiliation d'être éternellement trompée par son divin époux :
Racconsolata, e paga....Giovanni Battista Parodi (basse) conféra au personnage de Jupiter toute la prestance nécessaire dans un rôle qui par certains aspects évoque Don Giovanni.
Nikolay Borchev (baryton) donna une interprétation très convaincante de Mercurio avec une voix brillamment projetée.
Filippo Minoccia (contre ténor) fut parfait dans le rôle d'Endimione. Avec sa voix au timbre enchanteur, il manifesta à Diana toute la tendresse et les marques d'un amour sincère.
Guy de Mey (ténor) fut une excellente Lincea dans un rôle difficile car le travestissement peut conduire à un comique hors sujet. Son air
L'uomo è una dolce cosa...fut remarquable.
Vasily Khorochev (contre ténor) donna à Satirino un grand dynamisme, rôle également ambigu comme d'ailleurs celui du dieu Pan interprété par
Lauwrence Ollworth-Peter.
Jaroslaw Kitala (basse) fut excellent comme à l'accoutumée dans le rôle deu dieu Sylvain. On remarqua aussi les costumes splendides des deux furies interprétées par
Yasmina Favre et
Tatiana Zolothikova.Christophe Rousset a tenu a enrichir l'instrumentation elliptique de Cavalli avec un continuo bien fourni. Sa vision de l'orchestre de Cavalli est celle d'un très petit ensemble de solistes, sans doublures, avec des sonorités douces et discrètes, bien éloignées du clinquant de certaines reconstitutions dotées de percussions intempérantes. Le résultat est magnifique. Cet ensemble sonne remarquablement et offre une parfaite lisibilité. Les deux violons baroques rivalisent de douceur, les deux cornets rivalisent de vélocité et tirent des sons purs et aériens d'un instrument bien difficile à jouer. Les deux flûtes à bec qui ont souvent fort à faire donnent beaucoup de plaisir. Le continuo (deux clavecins, un orgue positif, un luth, remplacé parfois par une guitare, un lirone, un violoncelle et un violone) donna aux récitatifs beaucoup de relief. Le tout sous la conduite magique du chef.
Ce texte est une version abrégée de mon compte rendu dans Odb-opéra:
http://www.odb-opera.com/viewtopic.php?f=6&t=18786&p=313855&hilit=Cavalli#p313855