La Molinara o l'Amor contrastato (La meunière ou l'amour contrarié) de
Giovanni Paisiello est l'un des derniers opéras italiens montés et dirigés par
Joseph Haydn à Eszterhaza en 1790 avant la mort du prince Nicolas le magnifique. Cet oeuvre fut crée à Naples en 1788 au Teatro dei Fiorentini.
Synopsis. Le spirituel livret de
Giuseppe Palomba met en scène les principaux acteurs du corps social de l'ancien régime: le tiers-état en la personne de la Rachelina (la meunière), la bourgeoisie (le notaire Pistofolo et le gouverneur Rospolone) et la noblesse (le baron Don Calloandro). La belle Rachelina est courtisée par le notaire, le gouverneur et le baron. Au terme d'amusantes péripéties, elle met à l'épreuve les trois prétendants en testant leur aptitude à moudre le grain. C'est finalement le notaire qui l'emportera. En filigrane le livret se livre à une satire mordante de chaque catégorie sociale en dénonçant la fatuité et l'inculture du noble, la morale sélective du notaire et les abus de pouvoit du gouverneur. La Rachelina n'a pour armes que sa beauté et un solide sens pratique; elle est la soeur de Serpina, la "Serva Padrona" (Servante maitresse) de Pergolèse (et Paisiello).
La musique est ravissante. Loin des profondeurs mozartiennes et haydniennes, le talent mélodique de Paisiello fait merveille.
Les Sommets. Le 1er acte est un chef-d'oeuvre de dynamisme et de concentration.
On notera l'air délicieux de la Rachelina (
La Rachelina molinarina...), une présentation subtile du caractère du personnage.
Le quatuor vocal
Dite in grazie... est une merveille d'écriture contrapuntique, les quatre parties vocales dessinent des imitations sur les paroles "
Ansioso e curioso...", tandis que le hautbois, le basson et les cordes jouent un motif tout différent en imitations à trois voix. J'imagine que ce passage dut plaire à
Haydn.
Dans les 2 ème et 3 ème actes d'une écriture moins raffinée, à mon humble avis, on remarque le célèbre duo Rachelina Caloandro (
Nel cor più non mi sento...), un vrai "tube' à l'époque de sa composition, repris par
Beethoven dans ses variations pour piano (WoO 70, 1796).
Le charmant quintette (
Quant'e bello l'amor contadino...) où les cinq protagonistes dansent au son du tambourin.
L'air de Caloandro (
Dunque la Rachelina...), satire de l'opera seria. Dans le récitatif accompagné qui précède l'air, le baron s'identifie au Roland furieux de l'Arioste et veut en découdre avec son rival Medoro (Cf
Orlando paladino de J.Haydn, 1782).
L'oeuvre entière témoigne d'une sensibilité nouvelle par son langage simple et naturel influencé par le chant populaire napolitain, l'absence complète de virtuosité vocale. Quelques mois plus tard Paisiello partira à la conquête d'un monde nouveau avec la création de "
Nina o la Pazza per amore" (Nina ou la folle par amour), une oeuvre très inventive qui par certains aspects annonce de loin l'opéra vériste.
Piero Mioli,
La Molinara o l'Amor contrastato, Incisione Cetra, 1994
http://www.operanapolitain.com/index.htm