La
sonate n°32 en sol mineur (HobXVI.44), composée probablement en 1771-3 (1), fait partie d'une série comprenant en particulier la célèbre 31ème sonate en la bémol majeur (HobXVI.46) de 1768-70 et la 31ème sonate en ut mineur (HobXVI.20) de 1771, qui selon Somfai est "l'oeuvre pour piano seul la plus monumentale entre la mort de JS Bach et la mâturité viennoise de Mozart"(cité dans 1). Nous sommes alors dans la période "
Sturm und Drang" de Joseph Haydn qui vit éclore de magnifiques symphonies et quatuors pleines de feu et de passion. Le climat général de la sonate en sol mineur est
sévère et mélancolique.
Le premier mouvement,
Moderato, est basé sur un très beau thème qui, répété à la mesure 3, est orné par un contrepoint très expressif dans l'aigu de l'instrument. Le second thème au relatif majeur commence avec des arpèges et se poursuit avec une marche harmonique d'une grande plénitude sonore, remarquable par son
contrepoint baroque. Le développement, très long, utilise les deux thèmes. Un
climax est atteint à la fin du développement: en quelques mesures de contrepoint serré, la main droite accumule une
douzaine d'entrées du thème dans un mouvement ascendant irrésistible tandis que la main gauche plaque plusieurs accords massifs. La sonorité de ce passage grandiose m'évoque Schumann. La rentrée sera semblable à l'exposition nonobstant la transposition du discours musical en sol mineur et une improvisation se terminant par un point d'orgue, rappelant l'
opéra seria (2). Ce mouvement extraordinaire s'achève pianissimo dans les profondeurs du piano.
Le deuxième mouvement
Allegretto en sol mineur est un
Tempo di minuetto qui adopte une forme très originale (ABA'B') (1), sorte de compromis entre le
menuet (A) avec
trio (B) et le
thème varié, forme que Haydn utilisera très fréquemment dans ses oeuvres postérieures. Le morceau débute comme un menuet encadré comme il se doit par de doubles barres de reprise, suivi d'un trio en sol majeur. La reprise du menuet (en sol mineur) est en fait une
variation très élaborée, sorte de développement, sur le thème du menuet, elle est suivie par une variation (en sol majeur) sur le thème du trio. L'intérêt d'une telle forme est qu'elle évite les redites inhérentes à la forme classique du menuet avec trio et met en lumière la constante
inventivité de Haydn.
En somme nous avons là une magnifique sonate, digne de son
voisinage prestigieux: symphonies 44 en mi mineur (Funèbre), 45 en fa # mineur (Adieux), 46 en si majeur et 47 en sol majeur (pour ne citer que les plus connues) et les quatuors du Soleil de 1772 opus 20.
(1) Marc Vignal Joseph Haydn, Fayard, 1988.
(2)
http://www.musicologie.org/sites/o.html