La
sonate n°29 en mi bémol (HobXVI.45) et la sonate n° 30 en ré majeur (HobXVI.19) sont généralement groupées avec les sonates "
Sturm und Drang", n° 28 en ré (1768), n° 31 en la bémol (1768-70), n° 33 en ut mineur (1771), et n° 32 en sol mineur (1773). Cela résulte plus de leurs proportions bien plus vastes que leurs devancières et de leur esprit novateur que de leur caractère passionné. Elles constituent donc un
jalon important entre les sonates antérieures "de jeunesse" et les sonates postérieures "Sturm und Drang". Le manuscrit autographe de la sonate n° 29 en mi bémol, appelée encore Divertimento, est daté de 1766 (1).
Le premier mouvement,
Moderato, est particulièrement
séduisant. Le thème initial est heurté avec ses notes piquées en imitations aux deux mains, il m'évoque un passage du début du troisième acte d'
Orlando Paladino, décrivant les affrontements à la fois comiques et pathétiques de Rodomonte, Orlando et Medoro. Le second thème est en fait issu du premier, il est accompagné par une basse d'Alberti (2) qui en change complètement l'esprit en le rendant beaucoup plus chantant. La suite de ce thème avec ses chromatismes inattendus est particulièrement
intense et expressive; elle représente pour moi l'idéal de la musique de la seconde moitié du 18ème siècle, à la fois élégante et pudique et que les orages et passions n'ont pas encore atteinte. Le développement est principalement bâti sur le second thème qui chante éperdument sur des basses d'Alberti très modulantes. Donner une idée de la
richesse et du charme de ce mouvement par des mots est une tâche impossible.
L'
Andante en la bémol majeur est remarquable par son écriture à deux voix et par la profusion de ses ornements, trilles et mordants à presque chaque mesure. Il possède de ce fait un caractère très baroque et fait parfois penser à une invention de JS Bach. Il déroule ses longues phrases musicales dans un ciel serein qu'aucun nuage ne vient voiler.
Le Finale, Allegro di molto, est une structure sonate joyeuse et débridée.
L'interprétation de John McCabe est particulièrement inspirée. Sa lecture du texte me semble particulièrement rigoureuse.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988.
(2)
http://www.musicologie.org/sites/l.html