Seconde de la série des trois sonates de 1784 dédiées par Joseph Haydn à la Princesse Marie Eszterhazy, la
sonate n° 55 en si bémol (HobXVI.41) est moins immédiatement accessible, moins extravertie mais plus discrète, voire plus secrète que la sonate précédente en sol majeur (HobXVI.40).
Le premier mouvement,
Allegro, est le seul de la série des trois à adopter la
structure sonate (1). Le thème initial consiste en un puissant accord suivi d'un motif saccadé descendant, sorte de pas cadencé. Lorsque la dominante (fa majeur) est atteinte, on s'attend à un retour du thème initial (chose fréquente dans les structures sonates de Haydn) mais c'est un thème tout nouveau dans la tonalité "haydnienne" de fa mineur qui apparait au dessus d'un accompagnement très expressif de triolets. Ce thème chante éperdument, module constamment et occupe la plus grande partie de l'exposition. Ce passage , à mon humble avis, constitue le
centre de gravité du mouvement car le développement, relativement court, n'a pas l'importance qu'il a très généralement chez Haydn. A la fin du développement, on remarque des imitations entre les deux mains de fragments de gammes chromatiques qui fugitivement évoquent Bartok! Lors de la réexposition, le second sujet est encore plus expressif du fait de sa transcription dans les hauteurs du clavier et le mouvement s'achève tout doucement.
Le finale,
Allegro di molto à 2/4, ne donne pas du tout une impression de vitesse malgré son tempo rapide. C'est une
pièce calme, réfléchie, sérieuse, un style que personnellement j'adore chez Haydn. La structure, identique au finale de la sonate en sol, comporte
trois parties: la première divisée en deux sous-sections, est encadrée de doubles barres de reprise. Le morceau débute par un thème, d'une grande énergie latente, à la main droite avec un contrechant à la main gauche. L'écriture à trois voix est serrée et la sonorité splendide surtout quand, dans la seconde sous-section, le thème est repris à la basse du clavier et le contre-chant passe à la main droite. La deuxième partie est un
intermède en si bémol mineur bâti essentiellement sur le thème initial et remarquable par ses pathétiques modulations. Est-ce une variation, un couplet de Rondo, ou bien un développement? Dans la troisième partie on assiste au retour du début comme dans une réexposition de sonate, il n'y a plus de barres de reprise, chaque sous-section est suivie d'une variation très libre, procédé déja utilisé dans plusieurs sonates antérieures et qui évite toute monotonie.
Dans ce finale de forme "indéterminée, Haydn s'amuse à brouiller les cartes mais qu'on ne s'y trompe pas, ce
finale est plus solidement construit, plus rigoureux que jamais!
(1)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Structure_sonate