La
sonate n° 19 en mi mineur (HobXVI.47bis) a comme source un manuscrit conservé à la Société des Amis de la Musique de Vienne et pourrait avoir été composée en 1765 (1).
Le premier mouvement est un
Adagio à 6/8 au rythme de sicilienne dont on retrouvera le style, une dizaine d'années plus tard, dans l'
Adagio en fa mineur de la sonate n° 38 en fa (HobXVI.23). Le thème comporte une interrogation piano à laquelle répond un menaçant unisson forte. Lorsque l'on atteint le relatif majeur avant les barres de reprises, le ton s'adoucit. Après les barres de reprises et un petit développement très pathétique, le discours musical est entièrement refondu et rendu encore plus
intense par sa transposition en mi mineur. L'
Adagio est enchainé à l'
Allegro suivant, schéma (un adagio dans un ton mineur enchainé à un mouvement rapide dans un ton majeur) qui sera utilisé maintes fois dans les sonates de la mâturité: n° 34 en ré, n° 39 en ré, n° 45 en la, n° 46 en mi, n° 50 en ré, n° 51 en mi bémol.
L'
Allegro en mi majeur a de vastes proportions et comporte 138 mesures. Pendant tout le mouvement, un rythme implacable se poursuit sans la moindre pause, dans un niveau sonore généralement
forte, une seule idée se maintient pendant toute la durée du morceau, le second sujet, comme dans la petite sonate n° 6 en ut (HobXVI.10), étant issu du premier. Pourtant aucune sensation de monotonie dans ce
morceau génial qui, pour moi, est l'équivalent au clavier du premier mouvement de la symphonie n° 88 en sol majeur.
Le
tempo di menuet en mi majeur est en fait une
structure sonate (3). Le thème unique est d'une
suprême élégance et d'une expression calme et réfléchie très séduisantes. Après les barres de reprises un développement contrapuntique renforce la perception de gravité et de profondeur. La réexposition, au lieu d'être une répétition textuelle de l'exposition comme dans un menuet, est en fait une variation continue sur les motifs de l'exposition. Ce mouvement possède un charme indicible.
Avec la sonate en mi mineur se termine
glorieusement la série des sonates de "jeunesse". Il faut maintenant évoquer la perte irrémédiable de sept sonates dont la seule trace se trouve dans l'Entwurt Katalog de Haydn. Ce dernier nous apprend que dans la liste figurait deux sonates dans un ton mineur. La découverte récente de la sonate n° 28 en ré (HobXVI.5a) nous fait toucher du doigt l'étendue de la perte, car ces sonates auraient fait le lien entre les sonates de jeunesse et les sonates n° 29 (1766) et 30 (1767) qui inaugurent la période "Sturm und Drang".
J'aimerais enfin rendre hommage à
John McCabe (2), particulièrement inspiré dans les sonates de jeunesse da Haydn. Sa lecture des ornements et ses improvisations discrètes sont particulièrement remarquables.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988.
(2) John McCabe, Haydn The piano Sonatas, Decca,
(3)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Structure_sonate