IL CONVITATO DI PIETRA (o sia
Il Dissoluto punito) de
Vincenzo RighiniVincenzo Righini est né à Bologne en 1756 et mourut dans cette ville en 1812. Sa carrière de compositeur d'opéras débuta à Prague en 1776 avec
il Convitato di Pietra, un dramma giocoso en trois actes, livret de
Nunziato Porta. En 1787, Righini devint maître de chapelle à la cour de l'Electeur de Mayence. En 1793, il devint maître de chapelle associé à la cour de Berlin où il resta jusqu'en 1811.
Un dossier très complet sur "Il Convitato di Pietra" et sur Righini peut être consulté sur le site
ODB-opera (1). Des données intéressantes figurent dans la notice rédigée par Fabio Maestri, Directeur de la production présentée en 2003 au théatre Kunstmin à Dordrecht, pour le CD édité par le label Bongiovanni (2).
Joseph Haydn (Directeur musical de l'opéra d'Eszterhazà) monta l'oeuvre en 1781, peut-être sous l'influence de Nunziato Porta, auteur du livret, qui de plus était à l'époque Directeur (administratif?) de l'opéra d'Eszterhazà. Rappelons que Nunziato Porta écrivit pour Haydn, les livrets d'
Orlando Paladino (1782) et d'Armida (1784). Il y a tout lieu de penser que Haydn effectua des modifications importantes à l'opéra en réduisant le nombre d'actes à deux, et en
substituant des airs de sa propre composition ou d'autres musiciens à certains airs de Righini qui ne lui convenaient pas. Il est difficile de réaliser l'étendue des modifications subies par l'opéra car le manuscrit originel de Prague est perdu (1,2). Un tableau synthétique décrivant les modifications hypothétiques subies par l'opéra figure dans la publication (1).
Ces dernières années un manuscrit a été découvert en Hongrie qui peut-être correspond à une étape ultime des changements apportés à l'oeuvre, intégrant ceux effectués par Haydn. C'est ce manuscrit qui est utilisé dans l'enregistrement effectué par Bongiovanni de la représentation de Dordrecht. Le Directeur de la production,
Fabio Maestri, a déploré que le matériel d'exécution, issu du manuscrit, n'ait pas fait l'objet d'une
étude critique.
Synopsis. Deux pêcheurs, Elisa et Umbrino, recueillent Don Giovanni et son valet Arlechino, dont l'embarcation vient de sombrer en mer. Don Giovanni, à peine remis de ses émotions, séduit la jeune fille en lui jurant de l'épouser. Don Alfonso, un grand d'Espagne, annonce au Commandeur que le Roi souhaite pour raisons politiques que sa fille Anna épouse le neveu du Roi. Anna se soumet (à contre coeur) à la volonté paternelle et aux dessins royaux. Don Giovanni s'introduit pendant la nuit dans la demeure de Donna Anna pour l'enlever; il est surpris par le Commandeur. Au cours du duel qui suit, le Commandeur est tué et Donna Anna jure de venger la mort de son père. Donna Isabella séduite et abbandonnée, par Don Giovanni médite sur la beauté extérieure factice et la vraie beauté intérieure. Donna Anna voyant Don Giovanni endormi sur la tombe du Commandeur, projette de le tuer, mais émue par les déclarations amoureuses du séducteur est prête à lui céder. Don Giovanni organise un banquet et invite le Commandeur à diner qui accepte l'invitation. Le Commandeur arrive au banquet et à son tour invite Don Giovanni à le suivre. Ce dernier dans une dernière bravade le suit aux enfers où les furies lui promettent un supplice éternel.
Une différence essentielle entre le présent livret et celui de Da Ponte tient au caractère de
Don Giovanni. Le personnage dépeint par Nunziato Porta est moins cynique, plus fâlot, plus hésitant que celui de Da Ponte; tourmenté par ses crimes, il ressent angoisses et appréhensions. Le fait que le rôle soit tenu par un
ténor et non un baryton a aussi son importance.
Sommets Acte I
La
sinfonia est remarquable et révèle un véritable talent de symphoniste, conforté plus tard par la superbe et puissante ouverture qui sert de portique à
Alcide al Bivio , un opéra seria de Righini datant de 1790.
L'air de Don Alfonso n°8, scène 5, avec trompettes et timbales, "
Come in un nobil petto" est martial à souhait. Don Alfonso promet de ramener Donna Isabella, "
sedotta e abbandonata" au bercail.
L'air de Lisetta, servante de Donna Anna, n°13, scène 8, "
Mi sento venir meno", exprime bien la terreur de Lisetta quand elle entend les pas de celui qui vient forcer le domicile de sa maitresse.
Le style de l'air de Donna Anna "
Tutte le Furie unite" n°19 évoque, à mon avis, la manière de Gluck.
Acte II
Air de
Donna Isabella, "
E folla chi crede", n°2, scène2. Les archives d'Eszterhazà révèlent que
Luigia Polzelli, maîtresse de Haydn, joua le rôle de Donna Isabella. Haydn avait généralement l'habitude de changer les airs destinés à Luigia et de les remplacer par des chants plus faciles et mieux adapté à ses capacités vocales. C'et air, à mon humble avis, est similaire, par son caractère populaire et son charme un peu naïf (ne cadrant pas du tout d'ailleurs, avec le personnage d'Isabella), à de nombreux airs écrits par Haydn pour des rôles de soubrettes. De plus il y a une ressemblance intéressante entre cette pièce vocale et un air de Créonte, père d'Euridice, dans l'
Orfeo de Haydn de 1791. Il me semble donc possible que
Haydn en soit l'auteur.
Air de Donna Anna, n°4, scène 3,"
Ombre del Padre amato". Cet air magnifique traduit bien l'angoisse et le désarroi d'Anna invoquant son père sur sa tombe. La partie de hautbois obligé est particulièrement expressive.
Air de Don Giovanni, n°7, scène 5, "
Perché dal cielo un fulmine", cet air révèle un Don Giovanni en proie au doute, à la peur: "il sent dans sa tête, comme un serpent, qui avec ses dents cruelles va lui lacérer le coeur."
Air de Donna Anna, "
Geme la Tortorella", n°21, scène 12. cet air charmant, accompagné par la flûte, le hautbois et le basson, est complètement hors sujet et peut-être destiné à mettre en valeur Matilde Bologna, la chanteuse la mieux payée d'Eszterhazà (1,3).
Choeur des furies, scène finale, "
Fra nere furie orribili". D'après plusieurs musicologues ou historiens de la musique, ce choeur serait une pièce rapportée car son allure archaïsante, penchant même vers le baroque, contrasterait avec le style général de l'oeuvre. Mais quel est finalement ce style? La réponse n'est pas évidente car cet opéra qui contient de très belles choses manque d'unité. Si on veut conaître un peu
Righini, mieux vaut écouter son
Alcide al Bivio (4), un opéra seria remarquable à tous égards.
(1)
http://odb-opera.com/modules.php?name=Content&pa=showpage&pid=91&page=2(2) Fabio Maestri, Il Convitato di Pietra, Incisione Bongiovanni, 2005
(3) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1788.
(4) Alcide al Bivio (Hercule à la croisée des chemins)
http://www.ron3.fr/phpBB2/viewtopic.php?t=2859&highlight=alcide++bivio