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Opera Seria : opéra sérieux entièrement chanté en italien, à sujets nobles puisés dans la mythologie ou l'histoire" (1).
Certains musicologues (G. de Saint Foix en particulier) n'hésitent pas à écrire qu'à l'époque où La Clémence de Titus de Mozart ou l'
Anima del Filosofo de Giuseppe Haydn furent composés, c'est-à dire aux alentours de 1791, l'
opéra seria était un genre moribond. La connaissance des archives des différentes places théatrales nous montre en fait qu'un grand nombre d'opéras seria furent représentés dans diverses capitales européennes jusqu'à la fin du 18ème siècle: Venise, Bologne, Cremone, Rome, Naples, Madrid, Lisbonne, Londres et évidemment
Eszterhazà. Les titres suivants:
Giulio Sabino, L'Olimpiade, Cajo Mario, Il Disertore francese, Alessandro nelle Indie, La vendetta di Nino, Aci e Galatea, Antigona, La Didone abbandonata, Ifigenia in Tauride, Armida, etc... seront en effet donnés à Eszterhazà sous la direction de
Giuseppe Haydn, surtout à partir de 1780 et jusqu'à la fin de 1790, date du décès du Prince Nicolas Eszterhazy. Le site
http://www.operone.de/publie les listings des opéras de tous les compositeurs. Il est facile de constater que la proportion relative d'opéras seria composés pendant la période comprise entre 1750 et 1800 ne faiblit pas quand on progresse vers la fin du 18ème siècle.
L'exemple d'
Alessio Prati (1750-1788), un compositeur dont
Haydn dirigea quelques opéras, est particulièrement significatif. L'essentiel des oeuvres de ce compositeur écrites entre 1780 et sa mort sont des opéras seria. Il en est de même pour
Vincenzo Righini (1756-1812).
Domenico Cimarosa (1749-1801), qui par ailleurs triomphe dans le Buffa n'hesite pas à signer quelques oeuvres majeures de l'opéra seria dont voici un court aperçu:
L'
Olimpiade (Vicenza, 1784)
La Vergine del Sole (Saint Petersburg, 1788)
Cleopatra (Saint Petersbourg, 1789)
Gli Orazii ed i Curiazii (Venezia, 1796)
Artemisia Regina di Caria (Napoli, 1797) etc...
Giuseppe Francesco Bianchi (1752-1810) connait le succès à Venise puis à Londres avec une série d'opéras seria écrits en collaboration avec son complice
Lorenzo Da Ponte.
Joseph Haydn, un des meilleurs spécialistes de son époque de l'opéra italien, à la fois en tant que compositeur et directeur d'opéra, dirigea à Eszterhaza plusieurs opéras de Bianchi dont l'
Olimpiade. Il assista à Londres en 1795 à la représentation d'
Aci e Galatea du même Bianchi.
Giuseppe Sarti (
Giulio Sabino, 1781;
Enea nel Lazio, 1796),
Pasquale Anfossi (
Zenobia in Palmira, 1791),
Vincenzo Righini (
Alcide al Bivio, 1791),
Luigi Caruso (
La Lodoiska, 1798),
Giovanni Paisiello (
Fedra, 1788;
Catone in Utica, 1789;
Il Ritorno d'Idomeneo, 1792;
Didone abbandonata, 1794....) ne sont pas en reste et s'illustrent dans ce domaine.
Conclusion: l'opera seria était un genre très vivant et dynamique à la fin du 18ème siècle. Comment se situent les opéras que nous avons cités par rapport aux
réformes de Calzabigi, Glück, Traetta, qui consistent à intégrer, dans la suite parfois monotone d'airs et de récitatifs, des ensembles et des choeurs dynamisant l'action dramatique?
On constate que la position des compositeurs d'opéras en ce dernier quart du 18ème siècle est très variable vis à vis de ces réformes.
Giuseppe Sarti les ignore superbement dans
Giulio Sabino (1781). Il en est de même avec l'
Armida (1784) de
J. Haydn qui suit à la lettre le plan de Sarti. Par contre dans
Orfeo ed Euridice (1790) du même Haydn, le choeur tient la vedette. Avec
Idomeneo, re di Creta (1781), Mozart signe peut-être le plus bel opera seria
réformé de tous les temps.
Si l'
Olimpiade (1784) de
Cimarosa est relativement peu réformée,
Gli Orazii ed i Curiazii (1796) du même compositeur est l'
archétype de l'opéra réformé avec des ensembles et des choeurs magnifiques qui envahissent complètement la substance de l'oeuvre. De facture très moderne
cette oeuvre magnifique annonce l'avenir.
De toutes manières les compositeurs et les librettistes devaient s'adapter aux goûts de leurs commanditaires. Il semble que Catherine de Russie aimait l'opéra seria traditionnel et qu'elle ne disposait pas de choeurs ni des grands effectifs requis dans l'opera seria réformé..
(1) On peut lire une intéressante discussion sur l'opera seria dans:
http://www.ron3.fr/phpBB2/viewtopic.php?t=530&postdays=0&postorder=asc&highlight=opera+seria&start=0[/b]