La scena di Berenice (HobXXIVa.10) fut écrite à Londres en 1795 pour la chanteuse Brigida Banti. Le texte est tiré de l'Antigono de Metastase. Cette grande scène dramatique comporte quatre parties: un récitatif "Berenice, che fai?", un air lent "Non partir, bell'idol mio...", un récitatif "Me, Infelice" et un air rapide "Perché, si tanti siete...".
Je me hasarde à faire l'hypothèse gratuite suivante: lors de son second séjour à Londres, Joseph Haydn, malgré la non représentation de son Orfeo ed Euridice au cours du premier séjour londonien, n'avait peut-être pas abandonné l'idée d'écrire un opéra et il aurait peut-être accepté avec joie une proposition nouvelle. En tout cas la scena di Berenice montre à l'évidence que son tempérament dramatique ne demandait qu'à s'exprimer avec la plus grande force.
Berenice, abandonnée par son amant Demetrio, exprime avec violence son désespoir et sa frustration. La musique est remarquable par sa hardiesse, on y remarque en particulier deux superbes modulations enharmoniques: l'une dans le premier récitatif et l'autre à la fin du premier air lent qui donnent à l'ensemble une chaude couleur romantique. Il est impossible de donner une tonalité principale aux trois premiers morceaux d'une grande instabilité tonale par contre la tonalité de fa mineur s'installe dans le dernier air comme il se doit lorsque Haydn veut exprimer la plus grande agitation de l'âme: fin de la cantate Arianna a Naxos (HobXXVIb.2), formidable air d'Orfeo "In un mar d'acerbe pene...", second mouvement, allegro du quatuor opus 55 n°2...
Ecoutez cette admirable cantate, vous ne le regretterez pas!