Messages : 213 Points : 81 Date d'inscription : 01/06/2008 Localisation : Bourg la Reine
Sujet: QUATUORS OPUS 50 Ven 13 Fév - 10:25
Le quatuor en si bémol majeur op. 50 n°1 est d'une étonnante modernité. Le début est extraordinaire. Ce démarrage en notes répétées sur lequel s'agrège à deux reprises une formule de six notes essentiellement rythmique et d'allure d'emblée conclusive est-il un motif thématique ? la réplique en triolets d'abord aimables puis de plus en plus énergiques n'est pas plus conciliante. Tout le mouvement sera construit à partir de ces trois matériaux élémentaires (noires répétées, motif de six notes, triolets), préfigurant des procédés beethovéniens, bien que l'expression n'appartienne ici qu'à Haydn. Dans le développement, Haydn va exploiter toutes les combinaisons et tout le potentiel expressif de ces trois éléments ; la formule de six notes va parcourir tous les registres en prenant un caractère mystérieux, plaintif, puis aventureux avant de laisser la place à un déluge de triolets qui avant la réexposition. L'adagio est un thème varié. Le thème a une expression à la fois aimablement méditative et quelque peu altière. Après une première variation où le thème est assez discrètement ornementé, survient le "minore" dans lequel le thème perd sa réserve pour montrer son vrai visage, beaucoup plus passionné. La variation 3 revient en majeur et confie de façon originale l'ornementation au violoncelle. Le mouvement se termine par une magnifique coda. Le troisième mouvement "poco allegretto" est-il un menuet ou bien un scherzo ("scherzo" signifierait en italien quelque chose comme "plaisanterie", qu'en pense Giuseppe ?) avec son rythme affirmé et ses descentes chromatiques grinçantes (mesures 13-14 et 29-30) en noires . Le trio est très humoristique avec sa fin en croches alternées entre les deux violons. Le finale renoue avec l'énergie du premier mouvement. Le thème initial dégagé et quasi insolent semble le refrain d'un rondo, mais il s'agit d'un mouvement de forme sonate monothématique. Après avoir exposé son thème Haydn va en extraire deux motifs, le rythme dactylique descendant de la première mesure, et les quatre doubles croches finales pour jouer avec et se diriger vers fa majeur, ton de la dominante, par un chemin semé de modulations, de surprises, de cadences rompues tout en donnant un caractère beaucoup plus "sérieux" aux fragments de son thème. Le développement est génial, modulant vers sol mineur sur un jeu avec le motif de la première mesure du morceau, utilisé avec son inversion mélodique, qui devient presque douloureux, puis s'alanguissant vers un point d'orgue qui précède une fausse réexposition, qui nous emmène vers la partie peut-être la plus intéressante du mouvement, Haydn déchaînant un jeu contrapuntique entre les éléments du thème principal. A la fin de la réexposition, survient un long silence suspensif avant une dernière reprise du thème. Le quatuor Angeles donne de ce quatuor et notamment du finale une interprétation de haut vol. Je suis moins convaincu par les Buchberger dont le jeu dévoile une option moins alerte et plus rustique intéressante mais qui à mon avis n'arrive pas à s'imposer pour toute l'œuvre, et notamment pour le finale.
Merci Jean Pierre pour ce compte rendu passionnant qui donne envie de réécouter ce quatuor opus 50 n°1. C'est chose faite maintenant, plutôt que la version du Tokyo String Quartett que j'ai en microsillon, j'ai préféré écouter par commodité la version du Buchberger Quartet.
La prise de son ne m'a pas paru optimale dans le premier mouvement Allegro, je trouve que les contrastes ne sont pas au rendez-vous, par exemple il y a peu de différences d'intensité entre les piano et les forte. Les si bémol répétés au violoncelle sont trop forts et perdent leur mystère. Le violoncelle me semble cotoneux et ce qui m'arrive aux oreilles est une bouillie. L'instrumentiste n'est pas en cause mais la prise de son.
Le menuet me plaît beaucoup. C'est un véritable scherzo (effectivement plaisanterie) car le côté danse cède le pas à un aspect plus fantaisiste causé en partie par les harmonies chromatiques que vous avez signalées. Ce côté scherzo se maintient dans le trio qui n'est pas du tout un laendler avec ses accents déplacés (on ne peut absolument pas le danser).
Mon mouvement préféré est le Vivace final. Tour de force contrapuntique indubitablement et toujours cet humour irrésistible (la pause de deux mesures mesure 222). Quel équilibre souverain avec une exposition de 78 mesures, un développement de 86 mesures et une réexposition de 82 mesures. Le Buchberger s'est bien débrouillé car ce morceau est périlleux.
Giuseppe
JPS1827
Messages : 213 Points : 81 Date d'inscription : 01/06/2008 Localisation : Bourg la Reine
Sujet: Re: QUATUORS OPUS 50 Sam 14 Fév - 19:23
Oui, mais là les Angeles sont bien meilleurs, il n'y a pas photo !
J'ai écouté le quatuor Los Angeles dans le quatuor en si bémol opus 50 n°1. Evidemment cette version est supérieure à celle des Buchberger.
Le finale est pris à un tempo nettement plus rapide, pari risqué car les séries de doubles croches piquées deviennent périlleuses. Le violoniste du quatuor LA s'en sort admirablement, quelle virtuosité, quelle légèreté.
Le Menuetto est également très beau. Dans la première partie du Poco Allegretto, j'aime beaucoup la reprise du thème par le violoncelle. Quelle netteté, quelle lisibilité.
Dans l'Adagio non lento, l'avantage du LA quartett est moins évident. Je trouve même les Buchberger plus émouvants dans la variation mineure et dans les autres variations également.
Pour l'Allegro initial nouvel avantage au LA quartett. C'est beaucoup plus nuancé, les noires piquées du violoncelle sont plus mystérieuses et surtout le développement est mené de main de maître avec une remarquable tension de telle sorte que ce développement apparaît comme un tout organique et pas comme une juxtaposition de séquences.
La prise de son impeccable favorise beaucoup le LA quartett. La lisibilité de toutes les parties est telle qu'aucune imperfection ne serait pardonnée mais les instrumentistes de ce quatuor dominent techniquement leur sujet et n'ont donc rien à craindre.
JPS1827
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Sujet: Re: QUATUORS OPUS 50 Mar 24 Fév - 2:39
Le quatuor op. 50 n°2 en ut majeur comporte un Vivace initial à trois temps qui comporte deux thèmes. Le premier thème monte précautionneusement les degrés chromatiques à partir de la tonique avec un grand raffinement rythmique : élision du premier temps des mesures 2 et 4, suivie d'un énergique rétablissement de ce même premier temps mesure 6, alors qu'à la mesure 5 l'accent se retrouve décalé sur le 2ème temps. L'ensemble de ce thème évoque la démarche élastique d'un chat.
A la mesure 7 survient une descente en doubles croches qui annonce les figurations ascendantes rapides du pont qui module logiquement vers sol majeur, un second thème joyeux apparaît alors. La fin de l'exposition est déjà un développement du premier thème en le faisant moduler jusqu'à sol mineur avant de conclure en sol majeur. Après le développement qui fait appel aux deux thèmes et qui utilise l'inversion mélodique du premier thème, la réexposition se fait directement sur l'entrée du second thème. Par de nombreux aspects la forme de ce mouvement évoque celle des allégros des grands quatuors de Mozart L'adagio est une belle cantilène de forme lied chantée par le second puis le premier violon sur un accompagnement d'accords régulièrement égrenés, qui évoque une marche méditative dans un paysage ensoleillé. L'atmosphère est celle d'une belle journée. A la mesure 30 la cantilène se termine et l'atmosphère devient plus agitée sur un mouvant accompagnement du violoncelle, épisode qui ne dure que six mesures avant de laisser place à la reprise du thème principal, enrichie au premier violon, avant une coda très évasive. Le menuet est très captivant, à mon avis par le contraste entre une mélodie résolument diatonique faisant appel à des arpèges descendants, et un accompagnement contrapuntique plein de chromatismes humoristiques ; le trio en est une prolongation plus "innocente", avec des arpèges désormais ascendants beaucoup plus optimistes. Le finale est encore de forme sonate. Le premier thème, d'une grande énergie, est écrit de façon particulière dans la mesure où le motif principal est exposé par le second violon et l'alto et brutalement conclu par une incise du premier violon et du violoncelle.
Ce motif motorique domine tout le mouvement, et devient franchement rageur dans le développement avec des modulations qui font appels à des harmonies de septième diminuées très "sturm und drang". Encore un finale virtuose et impressionnant, plus rugueux que celui du quatuor précédent et qui laisse entrevoir une progression expressive au fur et à mesure des six quatuors de cet opus.
Merci encore Jean Pierre pour cette analyse pénétrante de ce quatuor opus 50, n°2 des Quatuors dédiés au roi de Prusse à qui Mozart dédiera ses trois quatuors "Prussiens" KV 575, 589 et 590 et Beethoven ses deux premières sonates pour violoncelle et piano.
Au fait la partie du violoncelle est loin d'être au premier plan dans ces quatuors contrairement aux quatuors Prussiens de Mozart, ici c'est le premier violon qui tient la vedette, et de quelle façon! Je suis sidéré dans cet opus 50 en ut majeur de la virtuosité de cette partie de premier violon dans tous les mouvements mais évidemment dans l'impressionnant finale. Quant à l'Adagio cantabile, un auditeur distrait pourrait le confondre avec un concerto pour violon. On se croirait revenu au temps où Haydn écrivait pour Luigi Tomasini, premier violon à Eisenstadt.
Mon mouvement préféré est le Vivace initial. Je trouve le développement vraiment génial. Le fugato très chromatique basé sur le thème initial me plait infiniment. J'adore ces glissements de demi-tons fuyants et les harmonies qui en découlent. On me dira peut-être: JS Bach a fait encore mieux dans ce domaine, c'est possible, mais ici il y a quelque chose d'unique dans la façon dont Haydn utilise les techniques des anciens maîtres sans donner la moindre impression d'archaïsme.
Le finale est un véritable tour de force, peut-être le plus endiablé à cette date chez Haydn. Bien avant d'avoir lu le livre de Marc Vignal, j'avais trouvé le second thème (mesure 60) très Mozartien et je suis content que JPS1827 cite Mozart également à propos de ce quatuor.
JPS1827
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Sujet: Re: QUATUORS OPUS 50 Ven 3 Avr - 1:39
L'allegro initial du quatuor opus 50 n°3 en mi bémol majeur est construit sur un unique thème à 6/8 en deux parties, la deuxième opposant des figurations descendantes à l’unisson à la montée sautillante du début :
La première partie sert d'ossature également aux thèmes du menuet et trio et à celui du finale. Après une première exposition se terminant sur un point d’orgue, le thème reprend en s’enrichissant d’éléments nouveaux, mélodiques ou humoristiques, qui rendent la partie de premier violon assez virtuose. A la fin de l’exposition survient un appel en notes répétées, à quatre reprises, très caractéristique :
Le développement est un moment de contrepoint utilisant les deux parties du thème principal de façon très expressive, passant par diverses tonalités agencées autour d’ut mineur, relatif de mi bémol majeur. Une fausse rentrée permet à Haydn d’inverser les propositions de l’exposition, le thème n’étant réexposé dans sa forme initiale qu’à la fin. Le second mouvement est encore un thème varié. Le thème est en deux parties de 8 puis 16 mesures, chacune étant reprise, et a un aspect carré. Dès la première variation Haydn nous surprend par la tonalité de si bémol mineur. Dans la deuxième survient une première irrégularité puisque la deuxième partie n’est pas reprise. La troisième fait d’abord entendre un saut humoristique de deux octaves descendantes au violon. La deuxième partie de cette troisième sort du cadre en reprenant les éléments du thème dans le désordre sur des accompagnements de triolets de doubles-croches, prenant un aspect de plus en plus guilleret, avant un rappel du thème principal au violoncelle, puis l’éloignement final. Le menuet fait entendre une phrase ascendante sur les degrés de l’arpège de mi bémol suivie d’une réponse du premier violon dans l’aigu. La seconde section est très modulante s’aventurant vers la lointaine tonalité de sol bémol majeur. La fin de cette section, après la reprise du thème initial, est marquée par une cadence rompue donnant lieu à deux remarquables accords de septième sans fondamentale sur une progression chromatique du violoncelle, avant la conclusion. Le trio est construit sur le même motif d’arpège ascendant, accompagné par des figurations en croches, qui donnent l’impression d’une vielle, procédé assez fréquent chez Haydn :
Le Presto final est un vigoureux mouvement de forme sonate à un seul thème, solidement charpenté en deux périodes de douze mesures, repris ensuite de façon plus animée et virtuose, avec des traits de doubles croches au violon et des périodes devenant asymétriques. Après cette allégresse bourrue, le thème rentre à nouveau dans le ton de la dominante, le registre aigu lui donnant un caractère victorieux. Après un surprenant retard sur la dernière note de l’exposition, le développement reste très proche du thème principal, auquel les modulations donnent un caractère endiablé. C'est un développement qui préfigure déjà ceux de Beethoven. La réexposition est marqué par une variante rythmique syncopée encore plus tendue, avant une coda d’abord explosive, puis qui, contre toute attente, s’éloigne progressivement pour s’évanouir pianissimo.
Dans ce quatuor encore, c'est le violon est utilisé de façon spectaculaire, le violoncelle, instrument du dédicataire n'apparaissant que de loin en loin. L'interprétation des Los Angeles, faite de rigueur et d'équilibre, culmine dans le finale qu'ils jouent de façon magistrale. Les Buchberger, d'un accent plus rustique mais tout aussi convaincant dans les trois premiers mouvements, me paraissent moins à l'aise dans le finale.
C'est vraiment avec plaisir que j'écoute de nouveau ce quatuor en mi bémol opus 50 avec votre commentaire en toile de fond, Jean Pierre.
Un quatuor dynamique, musclé et joyeux sans aucun doute.
J'aime tout particulièrement l'Andante et le Presto final.
Les thèmes variés de Joseph Haydn sont toujours construits à partir d'une très belle mélodie. Cette dernière est utilisé un peu comme un cantus firmus dans les variations successives du présent quatuor et c'est soit l'harmonisation (superbe variation 2) qui apporte la nouveauté ou alors un accompagnement plein de fantaisie (triolets de doubles croches de la variation 3).
Le Presto final est d'une virtuosité étincelante et d'une grande difficulté d'exécution (je pense au plan rythmique surtout) mais ceci est vrai pour le quatuor entier (vétilleux rythmes lombards de la mesure 30 du premier mouvement). Les passages spiccato sont très nombreux, les notes doivent être bien détachées mais il faut rester léger!
JPS1827
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Sujet: Re: QUATUORS OPUS 50 Ven 10 Avr - 1:28
Le quatuor op 50 n°4 en fa dièse mineur commence de façon beaucoup plus dramatique que les précédents. Le thème principal fait appel à une cellule rythmique de trois croches répétées qui seront inlassablement répétées au cours de ce mouvement sérieux et concentré. Ce thème commence par un unisson belliqueux des quatre instruments, auquel répondent d'abord le violon, puis tous les instruments en imitation.
Après le pont, une variante du thème reprend en la majeur, modifiée par un accompagnement de batteries en doubles-croches. A la fin de l'exposition Haydn garde le rythme principal en étalant ses notes sur des formules arpégées plus conciliantes. Le développement commence en ré majeur, avec une exaspération de la deuxième proposition du thème, marquée par des batteries de doubles croches durement talonnées par le rythme principal, modulant jusqu'à un accord de septième de dominante de mi majeur. Le violoncelle répond alors par la première proposition du thème reprise dans un contrepoint sévère qui va s'adoucir peu à peu jusqu'à la réexposition.
A la fin, après une progression chromatique menaçante, la seconde proposition thématique arrive de façon spectaculaire mais pourtant parfaitement régulière en fa dièse majeur, ce qui éclaircit la fin de ce mouvement dramatique et lutteur. L'andante en la majeur est encore un thème varié en deux sections. Le sage thème est un moment de repos tranquille, dont la deuxième section introduit cependant une expression plus lumineuse. La première variation passe d'emblée en mineur comme dans le quatuor précédent, et prend un aspect beaucoup plus sombre. La deuxième variation, de nouveau de caractère aimable, introduit dès la reprise de la première section des arabesques en triolets, desquelles on entend émerger discrètement le thème principal. Retour au dramatique la mineur pour la troisième variation, initiée par une batterie de seconde de quatre triples croches du violoncelle qui va devenir l'élément principal, omniprésente dans la deuxième section où le 1er violon et le violoncelle se répondent.
La quatrième et dernière variation reprend le thème dans sa simplicité bon enfant, en y adjoignant des éléments rythmiques des variations précédentes. Ce thème et variations fait alterner, de façon assez rare, majeur et mineur comme deux faces d'un thème, l'une conciliante et assez peu caractérisée, l'autre dramatique et frémissante. Le menuet est marqué par la répétition incessante d'un gruppetto qui sert d'anacrouse et donne son élan au thème principal.
On remarque au début la répétition de l'intervalle de quarte ascendante du début du premier mouvement, le gruppetto prenant dans tout le mouvement la même fonction que les trois notes répétées du premier mouvement. Dans le trio Haydn continue à s'amuser avec le même gruppetto sans véritable opposition de caractère. Pour le finale, Haydn revient à la fugue qu'il avait délaissée depuis les quatuors de l'opus 20. Cette fugue avec ses quatre entrées immédiates et son contre-sujet rudimentaire ressemble d'abord à un simple canon.
Le sujet, qui est construit comme de nombreux sujets de fugues de Bach, comporte une mesure descendante avec un intervalle de sixte (quinte dans la réponse) et une mesure qui monte en degrés conjoints, dont les temps 2 et 5 en doubles croches vont jouer un grand rôle dans l'animation du propos, qui devient de plus en plus fébrile jusqu'à un arrêt sur l'accord de septième de dominante de fa dièse mineur. La fugue reprend alors comme au début, mais sous forme de strette, les entrées se faisant toutes les mesures. La strette s'anime encore en réduisant le sujet à sa première mesure descendante puis à son premier temps avant d'arriver au sommet expressif de la fugue juste avant la coda dans laquelle le sujet se réduit à un motif de trois notes descendantes en degrés conjoints, le thème ne réapparaissant que dans les quatre dernières mesures. Ce quatuor est plus dramatique et plus ambitieux que les précédents. Je reviendrai à la fin du commentaire de l'opus 50 sur la place qu'occupent ces six quatuors dans l'œuvre de Haydn, et sur leur succession.
Merci beaucoup Jean Pierre pour ce commentaire. J'aime beaucoup ce quatuor.
Le premier mouvement est à lui seul un chef-d'oeuvre. La concentration, la rigueur sont impressionnantes. Et pourtant aucune sècheresse, la musique semble couler de source avec une aisance et un brio confondants.
L'interprétation du quatuor de Tokyo est excellente. A la mesure 40 du premier mouvement les deux violons jouent à l'octave et le premier violon atteint le ré suraigu (dixième position!!). Ce passage est particulièrement acrobatique et exige une justesse absolue. Quid du Los Angeles quartett en attendant les Buchberger?
Le trio en fa # mineur du troisième mouvement me plaît aussi particulièrement. Le thème est à peu de choses près celui du Menuetto mais la tonalité mineure apporte une inquiétude et une tension nouvelles. Dans le menuetto je suis abasourdi par la brusque modulation f# majeur ré majeur à la mesure 13, sans aucune préparation, et fortissimo. C'est génial!
Pour une fois je ne suis pas d'accord avec Marc Vignal. Selon lui le premier mouvement serait ce que Haydn aurait écrit de plus Schubertien. Je ne trouve pas grand chose de Schubert dans ce mouvement! Ces considérations sont évidemment très subjectives!
Quant à la fugue finale, je lui trouve un petit côté humoristique comme si Haydn avait voulu se moquer "del Signor Contapunto..."à qui Mozart dédia une marche funèbre. Par contre la péroraison finale, sombre et passionnée nous renvoie au premier mouvement.
Cette série de commentaires dédiés aux quatuors Prussiens de l'opus 50 est vraiment passionnante. Merci beaucoup JPS 1827!
J'attends avec impatience votre analyse du quatuor n° 5 en fa. A bientôt, j'espère.
Piero
JPS1827
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Sujet: Re: QUATUORS OPUS 50 Ven 5 Juin - 1:46
Je me mets aux deux derniers quatuors dès dimanche, promis !
JPS1827
Messages : 213 Points : 81 Date d'inscription : 01/06/2008 Localisation : Bourg la Reine
Sujet: Re: QUATUORS OPUS 50 Ven 12 Juin - 9:18
Le quatuor opus 50 n°5 en fa majeur est surnommé "le rêve". Dans l'allegro moderato initial, Haydn affirme une grande maîtrise de la gestion des élément rythmiques. Le thème initial comporte un antécédent à l'unisson au rythme carré, auquel répond aussitôt un rythme pointé sous-entendant une question un peu hautaine.
Ce premier thème est repris, aussitôt coiffé par un contrepoint du violon. A la fin de la période apparaissent de virtuoses sextolets de doubles croches. Désormais, rythmes pointés, syncopes et rapides sextolets vont organiser toute la matière musicale du mouvement sur un ton énergique et frondeur. Au début du développement les appoggiatures confèrent un aspect ironique au contrepoint du premier violon.
Puis Haydn se déchaîne, modulant vers mi bémol majeur, sol mineur avant de s'immobiliser enfin sur la dominante du ton principal de fa majeur avant la réexposition Ce mouvement est remarquable par sa virtuosité, son caractère endiablé et sans concession et sa forte unité organique. L'adagio dont le quatuor tire son sous titre ("le rêve") nous met en présence d'une écriture raffinée. Comme nous l'avions signalé à propos de l'opus 33 n°1, on ne peut ici individualiser clairement mélodies et accompagnements. Chaque voix est tour à tour l'un ou l'autre dans un contrepoint qui semble faire se mouvoir des images à peines évoquées. Ecoutons comme le long fa tenu par le violon pendant les deux premières mesures semble progressivement métamorphosé par la mouvance des croches à la tierce des deux voix intérieures.
En fait, la mélodie des 12 premières mesures du premier violon n'est qu'un ornement de la trame continue et régulière tissée par les autres instruments ; elle n'a aucun sens en tant que telle, jouée seule elle n'existe pas. Puis le doux envol des triolets aboutit à une remarquable conclusion de la période par les quatre instruments jouant le même rythme en triolets.
Ensuite le mouvement reprend comme au début avec quelques variantes, conclu par une longue coda. Je suis incapable de dire pourquoi le menuet me plaît autant. La répétition obstinée du gruppetto initial (procédé déjà utilisé dans le quatuor précédent), l'arpège de septième descendant qui lui fait suite et s'arrête si curieusement sur le ré sforzando avant de se résoudre sur le do (dominante de fa), ces broderies chromatiques donnent un étonnant mélange d'écriture savante et de saveur folklorique, le menuet se terminant par des accords évasifs sur un rythme en hémiole (deux mesures à trois temps sont jouées comme si elles étaient notées sous forme de trois mesures à deux temps). Le trio ne comporte pas d'opposition de caractère avec le menuet. Comme dans le quatuor précédent, Haydn continue à s'amuser avec son gruppetto, reprenant exactement le motif du menuet, en fa mineur cette fois, mais pour se ruer aussitôt sur le relatif, la bémol majeur.
C'est seulement à la fin de la deuxième section que fa mineur s'affirme, en donnant au motif de base un caractère moins rustique et plus mélancolique avant la reprise du menuet. Le finale renoue avec la ligne vigoureuse et endiablée des finales des trois premiers quatuors de cet opus, danse sans répit, sans sous-entendu tragique, mais pas particulièrement enjouée non plus, que je trouve très caractéristique de Haydn. Encore une fois, bien que le thème principal fasse évoquer un rondo, il s'agit d'un mouvement de forme sonate monothématique, le passage à la dominante de l'exposition étant marqué par l'apparition de doubles croches dans l'accompagnement et un traitement contrapuntique du thème.
A la mesure 34, le Los Angeles Quartet joue une variante du texte que j'ai sous les yeux en remplaçant la blanche pointée du la aigu par six croches. Le développement verra l'exaspération des sextolets avant de se terminer âprement par l'affirmation du rythme à 6/8 en croches martelées. A la coda l'accompagnement du thème est modifié avec des groupes de doubles croches au second violon, accentuant le bouillonnement intérieur de ce motif. Tout le mouvement est d'une virtuosité étourdissante, exigeant instrumentalement pour le premier violon.
Je reparlerai après avoir vu le quatuor suivant, dernier de l'opus 50, de la place de ces quatuors dans l'œuvre de Haydn, et de l'unité remarquable de tout l'opus, malgré la diversité de ses thèmes.
Merci Jean Pierre pour cette brillante analyse du quatuor en fa majeur opus 50 n° 5. J'admire votre travail, moi qui ne sait pas comment on peut insérer des phrases musicales dans un texte.
J'aime beaucoup ce quatuor. Son Poco Adagio est vraiment une merveille.
Marc Vignal dit une chose étonnante: le manuscrit autographe de ce quatuor a été découvert en 1982. Alors que les éditions Eulenburg et Peters font suivre le menuet d'un trio en fa mineur, l'autographe révèle que Haydn n'intitula pas la partie centrale du mouvement "trio" et conserva la tonalité de fa majeur...(1). La modulation en la bémol majeur que vous signalez n'en prend que plus d'importance!
Comme vous l'avez souligné, je suis également très frappé par la difficulté technique de ces partitions, bien plus virtuoses que les quatuors précédents et même que beaucoup parmi ceux qui vont suivre: -dans le finale Vivace, le thème est joué sopra una corda d'abord la corde la puis la corde sol. -dans le même mouvement, tous les instrumentiste mais le premier violon particulièrement jouent des gammes de doubles croches périlleuses spiccato et staccato. Le quatuor de Tokyo joue les mesures 40-44 et 72-80 martellato avec une rare férocité.
Bien que ces quatuors sont dédiés au roi de Prusse, on peut toutefois se demander si Haydn ne pensait pas déjà à un célèbre violoniste!
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988, pp1172.
JPS1827
Messages : 213 Points : 81 Date d'inscription : 01/06/2008 Localisation : Bourg la Reine
Sujet: Re: QUATUORS OPUS 50 Dim 14 Juin - 11:33
Pour insérer des phrases musicales, ce n'est pas très difficile, mais la procédure est assez lourde et demande un peu d'entraînement avant de pouvoir le faire rapidement : il faut d'abord créer un extrait de la partition en pdf, avec Aperçu sur mon Mac (ou un logiciel équivalent dans Windows), puis l'enregistrer au format jpg. Ensuite il faut l'envoyer à un hébergeur d'images (le mien est http://www.photomaniak.com) puis récupérer le "lien" qui va vers l'image et insérer ce lien entre deux balises [IMG] dans le post qu'on rédige. Bon, c'est un peu fatigant…
JPS1827
Messages : 213 Points : 81 Date d'inscription : 01/06/2008 Localisation : Bourg la Reine
Sujet: Re: QUATUORS OPUS 50 Mer 24 Juin - 1:43
Le quatuor op 50 n°6 en ré majeur, surnommé "La grenouille", est à mon avis le plus beau des six, avec le n°4 en fa dièse mineur. Je trouve que son côté très élaboré, la richesse de son écriture, ses modulations dramatiques en font une des œuvres majeures de la littérature pour quatuor à cordes du 18ème siècle. L'allegro semble encore une fois avoir commencé avant le début du morceau, le mi initial introduisant une tension qui se résout par une cadence aboutissant au ré de la 4ème mesure.
De ce motif, très reconnaissable par la suite, semble s'échapper un élément mélodique très libre, auquel va répondre, sur un accompagnement syncopé, un remarquable motif du violoncelle qui aura un grand avenir dans le développement,
l'ensemble du thème principal durant 14 mesures. Commence alors un jeu contrapuntique avec le motif de la première mesure, à la fois savant et particulièrement expressif ; déjà tendu d'emblée, il est bientôt talonné par de menaçants motifs chromatiques du violoncelle
avant d'aboutir à la clarté de la majeur. Puis alors qu'on se dirige vers la fin de l'exposition, tout est interrompu par une extraordinaire cadence rompue qui nous emmène sur l'accord de fa mineur à la mesure 38, les dix mesures suivantes étant particulièrement tourmentées avant de parvenir à l'affirmation de la majeur à la mesure 48. Le développement qui suit reprend d'abord le jeu contrapuntique sur le motif initial, avec des frottement harmoniques particulièrement douloureux. On aboutit à une exaspération du motif du violoncelle puis à une pause sur un accord de do dièse majeur, dominante du fa dièse mineur endiablé qui suit. Ce passage virtuose va moduler vers ré mineur, ton dans lequel va reprendre le travail contrapuntique sur le motif initial, encore plus tendu et dramatique, de nouveau ponctué par des motifs chromatiques qui envahissent maintenant tous les registres, avant un relatif apaisement qui permet la réexposition. Tout le mouvement est marqué par l'ambiguïté majeur-mineur, et le contraste entre son caractère sévère et la tonalité de ré majeur, qui fut souvent la tonalité brillante du style dit galant (bien que Mozart l'eût déjà utilisée pour Idoménée), n'a pas dû échapper aux contemporains de Haydn. Le poco adagio en ré mineur qui suit est encore une forme sonate monothématique. L'exposition du thème en quatre mesures est aussitôt reprise et ornementée de façon bucolique, avec des accompagnements aux sonorités nasillardes des voix intermédiaires, puis une ornementation du violoncelle qui donne l'impression d'un basson.
Le thème reprend alors en fa majeur (relatif de ré mineur) se terminant par une descente en rythme pointé qui sera reprise dans le menuet ; puis les guirlandes de triples croches deviennent de plus en plus présentes jusqu'à la fin de l'exposition. Encore une fois le développement sera très modulant, commençant en ré bémol majeur, interrompu par un repos sur des accords de la bémol répétés avant une brusque modulation
qui va se diriger vers la majeur (via la dominante mi et la sous-dominante si). La réexposition, annoncée par une montée chromatique du premier violon, est régulière avec une seconde partie en ré majeur (au lieu de la majeur), le mouvement se terminant en majeur. Le menuet est lui aussi très développé. Le motif principal ne manque pas d'humour avec sa descente en rythme lombard (rythme iambique caractérisé par la succession d'une note brève puis d'une note plus longue). La seconde section module d'abord en mineur avec une riche progression harmonique qui donne au morceau un aspect nouveau. Le trio est (encore) basé sur un gruppetto. Sa deuxième section, après un passage modulant, revient à ré majeur puis s'amuse avec le gruppetto dont les appels sont entrecoupés de longs silences au caractère à la fois joueur et inquiétant. Le finale de forme sonate commence par par un effet violonistique qui fit donner son nom "La grenouille" au quatuor, la répétition du la en le jouant alternativement sur la corde de ré puis sur la corde de la à vide ayant évoqué une sorte de coassement.
Par ailleurs le thème accuse une ressemblance certaine avec celui du finale de la sonate en mi bémol Hob. XVI ; 52. Toute l'exposition affirme ce thème avec une vigueur rythmique peu commune et avec des frottements harmoniques surprenants. A l'affirmation de la dominante mesure 48 intervient un court second thème qui commence en fa dièse mineur et est un rappel du motif descendant initial du premier mouvement.
Avec le développement commence la partie la plus intéressante du morceau. Rudement talonné par des chromatismes sans concessions au violoncelle et à l'alto, avec des frottements harmoniques de plus en plus hardis et grinçants, le thème se lance dans une course folle qui prend des accents de plus en plus violents avant d'être emporté par la giration frénétique de l'argument technique initial (alternance d'une corde touchée et d'une corde à vide), qui, après pas moins d'une cinquantaine de mesures hallucinantes finit par s'immobiliser enfin pour reprendre brièvement son souffle avant la réexposition.
Puis, lors de la coda, les chromatismes de la basse deviendront furtifs en accompagnant le thème qui s'éloignera soudain pour finir dans un pianissimo ambigu. Ce véritable morceau de bravoure est une splendide conclusion de tout l'opus.
JPS1827
Messages : 213 Points : 81 Date d'inscription : 01/06/2008 Localisation : Bourg la Reine
Sujet: Re: QUATUORS OPUS 50 Mer 24 Juin - 9:41
Comme le fait remarquer Marc Vignal, les quatuors de l'opus 50, écrits en 1787, après les (en réponse aux ?) quatuors à Haydn de Mozart, donc six après l'opus 33, inaugurent une période créatrice exceptionnelle de Haydn en matière de quatuors, puisqu'il n'arrêtera pratiquement plus d'en écrire jusqu'à l'opus 77. Portant une dédicace à Frédéric-Guillaume, qui était violoncelliste, ils précèdent de deux ans le premier quatuor Prussien de Mozart. D'un caractère plus sérieux que ceux de l'opus 33, il sont marqués par des premiers mouvements monothématiques dans l'ensemble, rapides et souvent empreints d'une certaine violence, dont le climat général se rapproche de celui des allegros de sonate beethovéniens. Les troisièmes mouvements sont tous des menuets. Les finales, hormis la fugue du n°4, sont tous de forme sonate monothématique, avec cependant un thème principal qui n'est pas sans évoquer celui d'un rondo (Marc Vignal). Tous d'une grande difficulté d'exécution, d'un caractère brillant et souvent emporté, ces derniers mouvements donnent une grande unité d'ensemble à l'opus. Le style, enfin, par son élaboration contrapuntique, les mélodies voyant souvent leur expression transfigurée par des jeux d'imitations complexes, en fait des œuvres qui affirment, outre la personnalité de Haydn, l'individualisation d'une écriture spécifique au quatuor à cordes et contribue, avec les quatuors dédiés à Haydn de Mozart, à mener la forme du quatuor vers le niveau d'exigence auquel les compositeurs du siècle suivant continueront de se maintenir. Quel chemin parcouru depuis les quatuors de l'opus 1 ! On peut penser, que sans cette extraordinaire émulation entre Haydn et Mozart (cf un post de piero1809 que je n'arrive pas à retrouver), les quatuors ultérieurs, et notamment ceux de Beethoven, n'auraient pas eu la même puissance.
Dernière édition par JPS1827 le Mer 24 Juin - 21:05, édité 1 fois
Merci encore Jean Pierre pour cette analyse plus précise et rigoureuse que jamais de ce magnifique quatuor en ré majeur opus 50 n° 6. Je suis entièrement d'accord avec vous, ce quatuor est mon préféré avec le n° 4 en fa# mineur.
Je l'ai écouté interprété par le quatuor de Tokyo qui en propose une lecture impeccable. Le premier violon m'impressionne dans le Poco Adagio qu'il dramatise beaucoup à partir de la mesure 36 (votre deuxième exemple musical).
A propos du trio du menuet Allegretto, j'ai remarqué que les trois premières mesures de son thème (4 doubles croches et 6 noires) sont pratiquement identiques au début du menuetto du quatuor KV 575 de Mozart composé en 1789. Voilà, il me semble, un exemple supplémentaire de ces nombreux flux de thèmes entre les deux compositeurs.
Evidemment le finale est un morceau de bravoure. A ma connaissance, il s'agit du second exemple du procédé du bariolage (dont vous avez expliqué la nature) utilisé par Joseph Haydn, le premier étant le menuetto de la symphonie n° 28 en la majeur dont nous avons déjà parlé. Je ne peux m'empêcher de trouver un peu "vulgaire" ce procédé qui me fait penser aux glissandos un peu canailles* dont Gustav Mahler orne certains passages de ses symphonies ce qui me donne le plaisir de signaler une analogie supplémentaire entre les deux compositeurs. Evidemment le bariolage est utilisé de façon géniale dans le développement, on croit parfois entendre des quarts de tons!
*Chez Mahler certains chefs (Mengelberg) accentuent les glissandos, d'autres (Kubelik) pas, chez Haydn c'est pareil avec le bariolage et le quatuor de Tokyo ne se prive pas de rechercher des frottements particulièrements savoureux.
Dernière édition par Piero1809 le Mer 24 Juin - 23:21, édité 1 fois
JPS1827
Messages : 213 Points : 81 Date d'inscription : 01/06/2008 Localisation : Bourg la Reine
Sujet: Re: QUATUORS OPUS 50 Mer 24 Juin - 21:16
Je voulais revenir sur mon post pour donner un lien vers votre commentaire, dont je me souviens très bien, sur l'émulation entre Mozart et Haydn, mais impossible de le retrouver, que ce soit ici ou chez ron ! Pourriez vous nous donner ce lien ou publier à nouveau ce post ?
Pour la ressemblance entre le trio de ce dernier quatuor et le menuet du K 75, il est frappant d'entendre comme de petites modifications changent radicalement l'expression de cette formule rythmique.
Pour la ressemblance entre le trio de ce dernier quatuor et le menuet du K 75, il est frappant d'entendre comme de petites modifications changent radicalement l'expression de cette formule rythmique.
C'est exactement ce que je pensais mais je ne suis pas arrivé à le formuler. Merci Jean Pierre.
Mais vous en savez autant que moi sur la question!
JPS1827
Messages : 213 Points : 81 Date d'inscription : 01/06/2008 Localisation : Bourg la Reine
Sujet: Re: QUATUORS OPUS 50 Jeu 25 Juin - 1:15
C'est exactement ce post que je cherchais à citer à propos de l'émulation des deux grands compositeurs, mais je n'ai pas pensé à chercher dans le chapitre des quatuors !… Quant à en savoir autant que vous sur cette question, j'en suis loin, même après avoir passé un certain temps sur les quatuors de Mozart, car je n'ai abordé qu'assez récemment la musique de la fin du 18ème siècle, et il faut du temps…
Suite à la parution rapprochée de deux enregistrements des quatuors à cordes de l'opus 50, l'un par le quatuor Zaïde, l'autre par le London Haydn Quartet, Loïc Chahine a publié un commentaire très intéressant sur le deuxième enregistrement dont il souligne la très grande qualité. La comparaison à la version du talentueux quatuor Zaïde donne lieu à d'intéressantes considérations sur la musique de Haydn et la façon dont il convient de l'interpréter.
Messages : 166 Points : 86 Date d'inscription : 07/08/2007
Sujet: Re: QUATUORS OPUS 50 Sam 26 Mai - 17:25
JPS1827 a écrit:
Le quatuor op 50 n°4 en fa dièse mineur commence de façon beaucoup plus dramatique que les précédents. Le thème principal fait appel à une cellule rythmique de trois croches répétées qui seront inlassablement répétées au cours de ce mouvement sérieux et concentré. Ce thème commence par un unisson belliqueux des quatre instruments, auquel répondent d'abord le violon, puis tous les instruments en imitation. Après le pont, une variante du thème reprend en la majeur, modifiée par un accompagnement de batteries en doubles-croches. A la fin de l'exposition Haydn garde le rythme principal en étalant ses notes sur des formules arpégées plus conciliantes. Le développement commence en ré majeur, avec une exaspération de la deuxième proposition du thème, marquée par des batteries de doubles croches durement talonnées par le rythme principal, modulant jusqu'à un accord de septième de dominante de mi majeur. Le violoncelle répond alors par la première proposition du thème reprise dans un contrepoint sévère qui va s'adoucir peu à peu jusqu'à la réexposition. A la fin, après une progression chromatique menaçante, la seconde proposition thématique arrive de façon spectaculaire mais pourtant parfaitement régulière en fa dièse majeur, ce qui éclaircit la fin de ce mouvement dramatique et lutteur. L'andante en la majeur est encore un thème varié en deux sections. Le sage thème est un moment de repos tranquille, dont la deuxième section introduit cependant une expression plus lumineuse. La première variation passe d'emblée en mineur comme dans le quatuor précédent, et prend un aspect beaucoup plus sombre. La deuxième variation, de nouveau de caractère aimable, introduit dès la reprise de la première section des arabesques en triolets, desquelles on entend émerger discrètement le thème principal. Retour au dramatique la mineur pour la troisième variation, initiée par une batterie de seconde de quatre triples croches du violoncelle qui va devenir l'élément principal, omniprésente dans la deuxième section où le 1er violon et le violoncelle se répondent. La quatrième et dernière variation reprend le thème dans sa simplicité bon enfant, en y adjoignant des éléments rythmiques des variations précédentes. Ce thème et variations fait alterner, de façon assez rare, majeur et mineur comme deux faces d'un thème, l'une conciliante et assez peu caractérisée, l'autre dramatique et frémissante. Le menuet est marqué par la répétition incessante d'un gruppetto qui sert d'anacrouse et donne son élan au thème principal. On remarque au début la répétition de l'intervalle de quarte ascendante du début du premier mouvement, le gruppetto prenant dans tout le mouvement la même fonction que les trois notes répétées du premier mouvement. Dans le trio Haydn continue à s'amuser avec le même gruppetto sans véritable opposition de caractère. Pour le finale, Haydn revient à la fugue qu'il avait délaissée depuis les quatuors de l'opus 20. Cette fugue avec ses quatre entrées immédiates et son contre-sujet rudimentaire ressemble d'abord à un simple canon. Le sujet, qui est construit comme de nombreux sujets de fugues de Bach, comporte une mesure descendante avec un intervalle de sixte (quinte dans la réponse) et une mesure qui monte en degrés conjoints, dont les temps 2 et 5 en doubles croches vont jouer un grand rôle dans l'animation du propos, qui devient de plus en plus fébrile jusqu'à un arrêt sur l'accord de septième de dominante de fa dièse mineur. La fugue reprend alors comme au début, mais sous forme de strette, les entrées se faisant toutes les mesures. La strette s'anime encore en réduisant le sujet à sa première mesure descendante puis à son premier temps avant d'arriver au sommet expressif de la fugue juste avant la coda dans laquelle le sujet se réduit à un motif de trois notes descendantes en degrés conjoints, le thème ne réapparaissant que dans les quatre dernières mesures. Ce quatuor est plus dramatique et plus ambitieux que les précédents. Je reviendrai à la fin du commentaire de l'opus 50 sur la place qu'occupent ces six quatuors dans l'œuvre de Haydn, et sur leur succession.
Je crois que Beethoven n'est pas passé à côté de ce quatuor !
Tout à fait d'accord avec vous. Le premier mouvement est très beethovénien, en effet, de même que la fugue finale avec quand même toujours de l'humour.
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Sujet: Re: QUATUORS OPUS 50
QUATUORS OPUS 50
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