Sujet: Symphonie n°84 par Karajan Mar 17 Fév - 10:40
Chers amis,
Permettez-moi de vous recommander la 84e et son premier mouvement par Karajan (coffret DG des Parisiennes); un mouvement perpétuel, à la fois tranchant et totalement legato, d'une virtuosité inouïe: dans ce mouvement, même Bernstein CBS/Sony ne fait pas aussi bien, et pas seulement à cause de l'orchestre...
Sujet: Re: Symphonie n°84 par Karajan Mar 17 Fév - 21:34
Merci, Haydn2009, d'attirer notre attention sur la symphonie n°84 en mi bémol. Je n'ai malheureusement pas la version Karajan mais les versions Adam Fischer et Antal Dorati. Les deux chefs sont excellents sur cette oeuvre. Il est vrai que c'est une symphonie relativement intimiste possédant des séquences qui évoquent la musique de chambre, orchestration qui convient aux deux chefs hongrois.
La symphonie n° 84 en mi bémol majeur est la 3ème dans la numérotation officielle des symphonies Parisiennes. En fait elle fut composée en 1786 par Joseph Haydn, c'est à dire après la symphonie la Reine (n°85) composée en 1785. Il est donc hautement probable qu'elle est en réalité la quatrième des Parisiennes juste avant la symphonie en ré majeur (n°86) et la fameuse symphonie en ut majeur l'Ours (n°82), dernière du groupe.
Le premier mouvement Largo-Allegro est strictement monothématique. Malgré cet économie de moyens, cet ascétisme pourrait-on dire, ce mouvement est un des plus séducteurs dans l'oeuvre gigantesque de Haydn. L'introduction lente qui sert de portique au spirituel allegro est particulièrement émouvante.
Le mouvement lent, Andante, est un thème varié. Le thème, encadré par de doubles barres de reprises, a un grand charme mélodique. La deuxième partie du thème est particulièrement séduisante quand le début du thème est repris par les basses sous un merveilleux contrechant des violons. Après la dernière variation, il y a un passage magique: un sublime canon des bois accompagnés par les pizzicati des cordes qui se poursuit par un solo du premier violon. Ce passage qui joue un rôle de coda termine en beauté ce mouvement.
Le menuet et le trio sont rustiques et offrent une détente très agréable.
Le Vivace final a des dimensions et un tempo qui équilibrent parfaitement le premier mouvement. C'est une structure sonate monothématique munie d'un développement très élaboré. La réexposition est notablement variée et contient des modulations particulièrement expressives.
Bref une symphonie globalement joyeuse mais très solidement architecturée et particulièrement concentrée.
Pierre
Messages : 77 Points : 54 Date d'inscription : 10/06/2008 Age : 64 Localisation : Suisse romande
Sujet: Re: Symphonie n°84 par Karajan Dim 20 Sep - 19:05
Je souhaite compléter le débat par une remarque plus générale sur Herbert von Karajan.
Karajan a excellé dans l'interprétation de Beethoven. Mais cette grande connaissance de l'oeuvre du maître de Bonn lui a en quelque sorte «collé à la peau.» C'est du moins mon avis. Quand M. von K. dirige d'autres compositeurs, il le fait «à la Beethoven», en témoigne son tempo, son sens de la dynamique et des effets sonores.
Cette façon de procéder a un effet intéressant quand il s'agit de conduire la musique de Haydn. Elle nous montre combien le cadet est redevable de l'aîné.
Une remarque encore: Haydn n'aurait jamais pu entendre sa musique telle que Karajan nous la propose. Son orchestre est trop gros, trop massif, les tempi parfois un peu compassés. Mais tout s'entend et finalement - et c'est le plus important - l' «esprit» de Haydn, même ainsi stylisé, s'apprécie.
Une remarque encore: Haydn n'aurait jamais pu entendre sa musique telle que Karajan nous la propose. Son orchestre est trop gros, trop massif, les tempi parfois un peu compassés. Mais tout s'entend et finalement - et c'est le plus important - l' «esprit» de Haydn, même ainsi stylisé, s'apprécie.
Dans les années 1780, l'effectif de l'orchestre du château d'Eszterhazà, lieu où fut composée la symphonie n° 84, quatrième des Parisiennes dans l'ordre chronologique, comportait une dizaine de violons + altos, 2 violoncelles, une contrebasse soit 13 instruments à cordes (1). A cela il faut adjoindre dans la symphonie n° 84, deux cors, deux hautbois, deux bassons et une flûte.
Dans les orchestres modernes jouant les symphonies de Mozart et Haydn figurent au moins le double d'instruments à cordes pour un nombre inchangé de bois et de cuivres. Le déséquilibre est manifeste, dans les tutti au moins. Pourtant nous sommes habitués à ce type d'effectif. La symphonie n° 40 de Mozart dirigée par Bruno Walter avec un orchestre symphonique de taille respectable est une merveille!
Adam Fischer joue les tutti avec l'orchestre au complet, dans les passages plus intimistes: second thème d'une structure sonate, trios des menuets etc..., il utilise souvent les bois accompagnés par un simple quatuor à cordes à la manière du concerto grosso baroque. C'est parfois remarquable...
(1) Caryl Leslie Clark, Haydn, The Cambridge Compagnon, 2005.
JPS1827
Messages : 213 Points : 81 Date d'inscription : 01/06/2008 Localisation : Bourg la Reine
Sujet: Re: Symphonie n°84 par Karajan Mar 22 Sep - 0:35
Personnellement, je suis tout à fait d'accord avec Pierre ; Karajan recherche la justesse, la plénitude harmonique, un caractère monumental, une certaine pâte sonore (avec un parti pris de legato qui parfois m'agace) souvent au détriment des angles et du caractère incisif des éléments rythmiques. Je le préfère dans les symphonies du 19ème siècle (n'ayant jamais été un inconditionnel).
Sujet: Re: Symphonie n°84 par Karajan Mer 26 Nov - 22:40
J'aimerais vous faire découvrir cette version de la symphonie n° 84 exécutée par Franz Bruggen, chef disparu (août 2014) depuis peu, à la tête de son orchestre du 18ème siècle, composé d'instruments d'époque.
L'équilibre vents, cordes est remarquable. La symphonie possède sous la baguette de ce chef de la gravité et en même temps de la légèreté, qualités absolument pas incompatibles. L'introduction Largo est particulièrement émouvante. L'andante est mené à un tempo allant ce qui convient parfaitement. Les cors naturels colorent magnifiquement ce mouvement. La cadence finale confiée aux bois est une merveille. Le Rondo sonate final possède la légèreté et l'humour requis, qualités n'excluant pas la profondeur notamment dans le développement.
Ayant écouté à la suite la version de Harnoncourt et la présente, j'ai trouvé Brüggen supérieur dans presque tous les mouvements. Harnoncourt est trop lourd notamment dans le menuet et son trio. Il manque d'humour dans le final.
Haydn Administrateur
Messages : 166 Points : 86 Date d'inscription : 07/08/2007
Sujet: Re: Symphonie n°84 par Karajan Dim 4 Jan - 21:54
Franz Bruggen est décédé, je n'étais pas au courant, les journaux n'en ont pas parlé du tout.. La symphonie 84 est particulièrement difficile à réussir dans son intégralité. Il faut trouver une justesse pour que la symphonie soit un ensemble cohérent mais aussi que chaque mouvement puisse être exprimé dans son sens.
Sujet: Re: Symphonie n°84 par Karajan Dim 11 Jan - 11:45
Haydn a écrit:
Franz Bruggen est décédé, je n'étais pas au courant, les journaux n'en ont pas parlé du tout..
Merci Haydn de nous rappeler au souvenir de Franz Brüggen. L'année 2014 est une triste année pour la musique baroque et classique:
Après la mort de Franz Brüggen survenue en août 2014, ce fut le tour de Christopher Hogwood en septembre, une perte immense pour la musique baroque et également pour les amoureux de Joseph Haydn puisque Hogwood était arrivé presque au bout de son intégrale des symphonies de Haydn.
Rappelons aussi que ces deux décès font suite à celui de Gustav Leonhardt survenu en 2012.