Après l'extra terrestre trio en sol mineur (HobXV.1), il nous faut revenir sur terre avec le
trio n° 10 en la majeur (HobXV.35). La coupe de ce trio est identique à celle de la plupart des trios précédents (deux mouvements vifs encadrant un menuet) mais le contenu est assez différent. La ligne de basse, les nombreuses imitations entre violon et clavier, le rythme très régulier, me semblent très
baroques. Sur la base d'une ressemblance avec la
sonate en mi bémol (HobXVI.45),
Marc Vignal suggère 1765 comme date de composition de ce trio. Dans le premier mouvement
Cappriccio, Allegretto, on est abasourdi par l'activité inlassable du clavier. Quand le second thème apparaît, le contraste est grand entre le
déferlement de doubles croches du clavier et la
ligne mélodique simple, pure et entrecoupée de soupirs du violon. Après un développement assez long basé sur le thème principal, la réexposition est fortement écourtée et modifiée mais le très beau second thème reparaît pour notre plus grand plaisir. Le Menuet est dansant et élégant et la dernière phrase est répétée un octave plus bas avec un effet très poétique. Pendant tout le
menuet, le violon double constamment la main droite de l'exécutant au clavier. Le trio en la mineur apporte une touche de mélancolie. Celle ci est vite chassée dans le dynamique finale
Allegro, forme sonate à deux thèmes. Le thème principal donne lieu à des imitations assez serrées entre clavier et violon. Dans le développement, l'omniprésent thème principal est d'abord présenté en majeur et revient en mineur avec une expression troublante. Lors de la rentrée, le thème principal est exposé en mineur de façon inattendue et s'enchaine immédiatement au second sujet qui termine très brillamment l'oeuvre. Ce
finale original, dynamique et spirituel est mon mouvement préféré.
Selon Marc Vignal (1), le
trio n° 11 en fa (HobXV.2) est une version pour clavier, violon et violoncelle d'un original pour
baryton, réalisée par
Joseph Haydn entre 1767 et 1771. Sa coupe est voisine des autres trios, il en diffère par un finale adagio avec quatre variations (c'était aussi le cas avec le trio n°2 en ut (HobXV.C1). L'organisation des mouvements est très similaire à celle des trios précédents. Haydn revient au
double exposé thématique (1) dans le premier mouvement,
Allegro moderato, mais cette fois c'est le violon qui présente en premier le thème. Le violon se taille d'ailleurs la part du lion dans ce mouvement et le clavier accompagne. Le style général est beaucoup moins serré, plus aéré que dans les oeuvres précédentes, il est principalement
axé sur la beauté mélodique. Le développement commence avec le premier thème présenté sous différentes tonalités, la suite du développement avec ses échanges pathétiques entre violon et basses du clavier est remarquable. Le
menuet très dansant est suivi par un trio confié au clavier et accompagné par les pizzicatti des cordes de façon pittoresque. Dans le finale,
Adagio convariazioni, le beau thème est joué par le violon. La première variation est confiée au clavier, mais dans la seconde variation, le violon et le clavier se partagent équitablement la vedette. La troisième variation est pleine d'humour en raison de ses amusants
rythmes lombards (2). Dans la dernière variation le violon joue à l'unisson avec le clavier et tout s'achève dans une ambiance paisible et sereine.
Voilà une belle conclusion pour cette série des onze trios de "jeunesse".
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988.
(2)
http://www.musicologie.org/sites/l.html