Le Trio n° 44 en mi majeur (HobXV.28) est le deuxième des trios dédiés par Joseph Haydn à la pianiste Thérèse Jansen-Bartolozzi et composés entre 1794 et 1795. Plus intimiste que le précédent trio en ut, il se distingue par un extraordinaire mouvement central.
Le premier mouvement Allegro moderato s'ouvre par un thème calme et serein joué à la main droite du pianiste. Les doubles croches piquées de la main gauche et les pizziccati des cordes confèrent à ce thème une sonorité très originale et séduisante. Ce thème, répété une fois, joue en quelque sorte un rôle de portique. Il reparaîtra une fois encore au cours de l'exposition à la dominante mais sera suivi par une brusque modulation en sol majeur qui nous emmène très loin pas aussi loin toutefois que le retour tout à fait inattendu du thème en la bémol majeur au cours du développement. Ce dernier assez court n'est pas basé sur le travail thématique mais est plutôt une libre fantaisie utilisant plusieurs motifs notamment celui qui terminait l'exposition. La réexposition est profondément modifiée et donne lieu à une extension lyrique et passionnée d'un des motifs de l'exposition.
La première fois que j'écoutai les premières mesures de l'allegretto en mi mineur, je crus à un plagiat du mouvement lent du Concerto Italien de Jean Sébastien Bach. Toutefois au fur et à mesure que la musique s'écoulait, je réalisai l'extrême originalité de cette musique. D'abord cette ligne de basse d'allure apparemment typiquement baroque mais, présentée dans les profondeurs du clavier, prenait à l'écoute une consonance caverneuse amplifiée par le vide existant entre le soprano et la basse. Cette résonance inquiétante presque fantastique était ensuite exacerbée quand le thème passait aux basses et l'accompagnement à la main droite et au violon à l'unisson. Depuis cette audition le morceau n'a pas perdu la moindre trace de sa force et j'aime le comparer au mouvement lent en mi mineur aussi du 4ème concerto pour piano de Beethoven.
Le finale Allegro à ¾ a un thème très original, charmant et dansant. A la fin de cette première partie, la répétition quasi obsessionnelle de la première mesures de thème aboutit à un crescendo d'intensité expressive. L'intermède central en mi mineur est issu du thème initial, confié essentiellement aux cordes, il impressionne par sa véhémence et son âpreté très brahmsiennes. La reprise de la première partie s'effectue avec de menus changements. La coda très poétique évoque cette fois le Brahms doux et rêveur de la deuxièm symphonie.