La
symphonie n° 47 en sol majeur forme avec la n° 46 en si majeur et la n° 45 en fa # mineur (Les Adieux) une trilogie. Toutes les trois:
- sont composées par Joseph Haydn en
1772,
-présentent des caractères "
Sturm und Drang", violemment affirmés dans la n°45, plus discrets et localisés dans les deux autres,
-sont exceptionnellement
originales, par leur coupe (n° 45), leur tonalité (n° 45 et 46), leur langage musical (toutes les trois),
-possèdent enfin un
son spécial que je ne retrouve dans aucune autre symphonie antérieures (n° 42, 44, 43, 52) ou postérieures (n° 65, 51, 64).
La symphonie n° 47 est reliée à
Wolfgang Mozart à plus d'un titre. S'il est possible que Mozart l'ait connue en 1773-4, période où il est en contact avec plusieurs oeuvres de Haydn contemporaines (symphonies n° 44 Funèbre, quatuors opus 20 en particulier), il est certain que Mozart l'a lue ou entendue en
1783, année pendant laquelle il note les incipit de trois symphonies de Haydn: la n° 75, la n° 62 toutes deux en ré majeur et la n° 47 qui nous intéresse ici.
Le thème du premier mouvement
Allegro 4/4 est inoubliable. C'est une
marche au pas cadencé jouée par les vents auxquels répondent les cordes, schéma se répètant cinq fois. Mozart ne l'oublia pas car le thème du premier mouvement de son
concerto pour piano KV 459 en fa majeur (décembre 1784), un des plus symphoniques parmi ses 27 concertos pour piano, s'en inspire très nettement. Ce point a été relevé par Marc Vignal (1,2). Le second thème en triolets joue également sur l'alternance cordes vents et les effets sonores qui en découlent. Le développement tire sa substance des deux thèmes, la transition entre les deux parties du développement consiste en répétitions du thème initial par les vents à travers des modulations expressives.
Le même passage avec les mêmes harmonies assure la transition du développement vers la réexposition dans le concerto KV 459 de Mozart. Lors de la réexposition le thème initial ainsi que les oppositions cordes vents se répétant cinq fois sont transposées en sol mineur ce qui en change complètement le sens. La palette des couleurs et des sons est d'une variété et d'une richesse absolument uniques dans ce merveilleux premier mouvement.
Haydn nous gratifie ensuite d'un
sublime poco Adagio qui commence par un thème magnifique au sentiment presque religieux présenté d'abord par les violons puis par les basses. Suivent ensuite quatre variations basées sur le même principe: le thème reste solidement ancré d'abord aux basses puis aux violons tel un
cantus firmus et l'accompagnement est variable. Dans la première variation l'accompagnement consiste en arabesques syncopées des violons richement accompagnées par les vents. Les arabesque passent esuite aux basses. Dans les deuxième et troisièms variations l'accompagnement consiste en triolets de doubles croches, puis en figurations variées plus ou moins syncopées. La dernière variation met en jeu cordes et vents unis, la
sonorité somptueuse évoque un choeur et ce sublime mouvement se termine par un rappel du début du thème
pianissimo.
Du menuetto et trio il a déjà été question dans la sonate pour piano n°41 (HobXVI.26) composée l'année suivante où ce menuet fait office de finale (3). J'avoue avoir un peu de mal à comprendre ce mouvement de structure palindromique. Cette symphonie est parfois appelée Palindrome (4).
Le
presto assai final est uns structure sonate de grande dimension. Il débute par un thème très original exposé deux fois. Ce thème est suivi d'un passage très "
Sturm und Drang" en ré mineur dont Marc Vignal a noté la parenté avec le début (premier tutti orchestral) du concerto pour piano en ré mineur KV 466 de Mozart (1). Ce passage plus véhément que jamais intervient dans le développement et encore une fois lors de la réexposition. Ce mouvement comme d'ailleurs le premier est construit autour d'une
alternance entre modes mineur et majeur, entre obscurité et lumière et c'est cette dernière qui triomphe dans la conclusion. Pour des raisons mystérieuses cette symphonie me fait penser à la 3ème symphonie en sol mineur d'
Albert Roussel.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988.
(2) Marc Vignal, Haydn et Mozart, Fayard, 2001.
(3)
https://haydn.aforumfree.com/sonates-pour-piano-f3/sonate-n-41-en-la-majeur-hobxvi26-gnial-1er-mouvement-t103.htm(4) Palindrome: mot ou groupe de mots que l'on peut lire dans les deux sens. En biologie: caractère de certaines séquences d'ADN autocomplémentaires susceptibles de former une épingle à cheveu.