La diversité des symphonies composées en 1773 (symphonies n° 50, 51, 64, 65...) contraste avec l'unité régnant dans la trilogie de 1772 (symphonies n° 45, 46 et 47). De toutes les symphonies de 1773, la plus profonde et la plus vibrante est la n° 64 en la majeur (1). S'il fallait décerner la palme de l'originalité, celle-ci reviendrait à mon avis à la symphonie n° 51 en si bémol. La tendance "Sturm und Drang" encore très présente dans la symphonie n° 64, s'estompe dans la n° 51 qui recherche des sensations nouvelles. Alors que dans les symphonies "Sturm und Drang" l'ochestration est souvent simplifiée tant la priorité réside dans l'expression des sentiments, par contre dans la n° 51 les recherches de couleurs et de timbres prennent le dessus. En particulier, les instruments à vents sont très en vue et nous offrent un festival de sonorités toujours séduisantes.
Le premier mouvement Vivace 3/4 s'ouvre avec un thème, nerveux, d'un élan extraordinaire qui d'emblée donne le ton. A cette interrogation puissante, les cordes font entendre une réponse timide avec des tenues des cors qui laissent pressentir le rôle prépondérant qu'auront ces instruments. Un motif en sol mineur surgit avec la plus grande brusquerie et est suivi par une vaste ritournelle orchestrale d'une grande rudesse consistant en imitations entre violons et basses. Un second thème très doux, partagé entre les deux groupes de violons, est introduit par les premières notes du thème initial. L'exposition se termine avec un motif descendant chanté par les deux hautbois. Le développement commence avec ce dernier motif qui est l'objet de modulations raffinées (2). Fausse rentrée du thème principal qui donne lieu à nouvelles imitations entre violons. La réexposition, amputée du début du thème initial, est entièrement refondue dans son expression. Le premier et le second sujet sont notablement rallongés. De manière inattendue le motif terminal des hautbois devient ascendant et termine de manière très poétique ce merveilleux mouvement.
Le sommet de la symphonie est sans aucun doute l'adagio qui commence par un extraordinaire solo du cor naturel qui grimpe à des hauteurs vertigineuses pour ensuite s'abimer dans d'insondables profondeurs. Les hautbois prennent la mélodie au vol et l'exposition se termine avec de dramatiques appels des cors. Les couleurs brillantes ne doivent pas faire oublier l'exceptionnelle beauté mélodique de cette exposition. L'alternance hautbois et cors se poursuit dans le développement qui se termine avec un dialogue entre les deux violons. Lors de la réexposition le cor se livre à de nouvelles acrobaties qui laissent pantois. A la fin on croit entendre un bass tuba! Qui ne connait pas cet adagio ne peut prétendre connaître Joseph Haydn!
Le délicieux menuetto est un des plus inspiré de cette période de la vie de Haydn, il comporte deux trios ce qui est exceptionnel. Dans le second trio le cor se livre à des exploits encore plus fous que dans l'adagio.
C'est un Rondo Allegro 2/4 qui termine la symphonie. Le refrain est particulièrement charmant et les cors colorent très agréablement la ligne mélodique. Le premier couplet est une variante du refrain. Le second couplet est une chant mélodieux du hautbois. Après un retour du refrain sans changement, le splendide troisième couplet débute par une explosion en sol mineur, seul vrai passage "Sturm und Drang" de la symphonie avec ses incroyables intervalles, deux octaves pratiquement, des violons. Le dernier retour du refrain un peu varié est agrémenté par les cors toujours entreprenants. Une coda pleine de feu termine ce mouvement très original.
(1) Marc Vignal a fait une analyse magistrale de la symphonie n° 64 dans: Joseph Haydn, Fayard, 1988, pp 1004-6.
(2) On notera la ressemblance entre ce motif et le thème principal de l'allegro initial de la symphonie n° 97 en ut majeur ainsi que celle du début des développements des deux symphonies.