La symphonie n° 80 en ré mineur fut composée en 1784. Elle fait partie, avec les symphonies n° 79 en fa et n° 81 en sol, d'une série de trois très rapidement publiées en 1785 par Artaria.
Le premier mouvement
Allegro spiritoso débute de la manière la plus spectaculaire qui soit par un
thème dramatique cantonné aux basses sous des trémolos rageurs des violons (1). Le
second thème, joué par le premier violon doublé par la flûte au dessus des pizzicatis des basses, offre un vif contraste par son caractère franchement
humoristique. Dans le magnifique développements, les deux thèmes vont s'opposer sans cesse, le second passe par des modulations lointaines qui le changent complètement; de moqueur, il devient inquiet et semble poser une question; la réponse appartient au premier thème, encore plus véhément et agité, qui va donner lieu à des imitations entre violons et basses et passer par les
modulations les plus hardies. La réexposition est tronquée du double exposé du premier thème,
initiative géniale car ce motif avait atteint un tel degré d'intensité dans le développement que sa répétition pure et simple aurait pu sembler presque mièvre en comparaison. Toute la fin du morceau est en ré majeur et ce mouvement se termine avec le second thème plus ironique que jamais.
Encore un superbe
adagio (si bémol majeur). Les symphonies se succèdent et ne se ressemblent pas, on reste confondu par l'inventivité du compositeur dont l'
imagination est inépuisable. Le premier thème d'abord piano est très beau et les
rythmes lombards lui donnent un caractère très original, il est répété forte. La suite donne la chair de poule: des
gruppettos (2) descendants précèdent un
nouveau thème admirable chanté par les premiers violons doublés par la flûte au dessus des sextolets des seconds violons et des altos. Ce passage débouche sur le second thème proprement dit qui oppose d'abord les violons aux basses puis donne lieu à un canon entre ces deux groupes. Le développement débute avec le premier thème transposé en mineur, rapidement suivi par le second thème donnant lieu à des imitations entre violons et basses, puis par l'épisode si expressif accompagné par des sextolets. A partir de là, la réexposition très abrégée s'effectue sans modification notables mis à part une très belle coda reservée aux vents..
Le
menuetto est en ré mineur, épisode purement symphonique sans caractère dansant. Le ravissant trio est un laëndler remarquable par son
ambiguité tonale. La ligne mélodique est franchement en ré majeur tandis que l'accompagnement joue un la dièze, sensible de si mineur.
Le finale
Presto (ré majeur) débute piano avec un
thème très syncopé joué "
flautendo" par les violons qui, selon moi, a un
caractère "turc" prononcé. Les sonorités étranges et exotiques abondent dans cette exposition monothématique. L'orchestration très subtile donne une grande importance aux instruments à vents et notamment à la flûte. Le développement basé sur le thème unique frappe par sa
hardiesse harmonique, ses dissonances, ses chromatismes. Ce magnifique morceau plein d'humour quelque peu grinçant met un point final à une symphonie particulièrement contrastée et originale.
(1) Ce début me fait penser à celui du concerto pour piano n° 20 en ré mineur KV 466 de W.A. Mozart de février 1785. Cantonné aux basses sous les tenues syncopées des violons, l'allure générale du thème de Mozart (très différent au note à note) a, à mon humble avis, un air de famille avec celui de Haydn.
(2)
http://it.wikipedia.org/wiki/AbbellimentoArticle incontournable sur les ornements (en italien).
En français, on peut consulter:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Gruppetto_(ornement_mélodique)