Les Duos pour violon et alto P 127 à 130 ou MH 335 à 338 : histoire d'une amitié
(copié-collé de mon fil établi sur le forum "Toutes les musiques du monde")
Celui qu'on appelle encore "le Haydn de Salzbourg" a toujours suscité respect et admiration chez les Mozart, à commencer par Leopold, pourtant peu tendre a l'égard de ses rivaux. Lorsque la place enviée d'organiste à la Dreifaltigkeitskirche a échappé à Leopold, celui ci écrit néanmoins à son fils, en 1778 : "les mérites musicaux de Haydn ne peuvent lui être disputés".
Les relations entre Michael avec l'enfant puis l'homme Wolfgang ont été très fraternelles et remplies d'admiration réciproque. Pourtant leurs caractères étaient très différents. Wolfgang était tourné vers le monde et cherchait à toutes fins de montrer son talent. Michael n'a presque jamais quitté Salzbourg et ne cherchait même pas à faire éditer ses oeuvres, presque toutes de commande.
L'anecdote suivante est assez connue : Michael a reçu, en 1783, de Colloredo (lui-même bon violoniste), la commande de 6 Duos pour violon et alto. Haydn se met rapidement à la tâche, en compose 4, puis une grave maladie le cloue au lit et son état l'empêche de composer. Nous ignorons de quelle maladie il s'agit mais toujours est il que Michael en a pour longtemps à se rétablir. Trop de retard l'aurait privé de salaire. Wolfgang, qui se trouvait à Salzbourg à ce moment, ayant appris la situation, s'est mis immédiatement au travail et a composé les deux Duos manquants en quelques jours. Les 6 Duos ont été livrés juste à temps, et sous le nom de Haydn. Michael, profondément touché, a pieusement conservé le manuscrit, avec lequel, plus tard, il rendit hommage à la mémoire de son ami.
Mozart, contrairement à son habitude, a omis d'écrire son nom sur les pages de couverture tant il tenait à ce qu'ils paraissent sous le nom de Haydn.
Notons qu'au niveau des tonalités, les duos de Mozart, en sol et si bémol, complètent ceux de Haydn (en ut, fa, ré et mi). Il semble que Colloredo n'a jamais eu vent de la supercherie.
Les Duos ont été publiés en 1788 chez Traeg sous le titre (en français) "6 Duos à violon è viola - les quatre premiers sont de M. Haydn, le cinquième et le sixième de Mozart".
Ce qui est dommage, c'est que les duos de Mozart sont assez connus alors que ceux de Michael sont tombés dans l'oubli.
Je les ai tous écoutés dans l'enregistrement, paru chez Hungaroton, par Barnabas Kelemen et Katalin Kokas. Je peux affirmer qu'ils ne déméritent pas face à ceux de Mozart (bien qu'évidemment, ceux de Mozart possèdent, en plus, cette touche si particulière et tendre, caractéristique de son génie).