Si l'on écoute les symphonies de
Joseph Haydn dans l'ordre de leur numérotation on sera surpris par la
symphonie n° 72 en ré majeur, surtout si l'on écoute ensuite la n° 73 La Chasse également en ré majeur. Toutes les deux ont un caractère cynégétique affirmé pourtant elles diffèrent du tout au tout par le style ce qui est normal puisque dix huit années les séparent probablement; en effet la N° 72 daterait de 1763 alors que la n° 73 fut composée en 1781 (1). La date de 1763 est rendue plausible par le fait que la
symphonie n° 72 est, au plan formel, la copie conforme de la
symphonie n° 31 Appel du Cor de 1765; les deux oeuvres ont en commun la même tonalité de ré majeur, la même coupe en quatre mouvement avec un thème varié en guise de finale, la même instrumentation avec 2 hautbois, 1 basson, 4 cors, une flûte et le quintette à cordes avec un violon, un violoncelle et une contrebasse concertante.
Le premier mouvement
allegro 2/4 de la symphonie n° 72 a fière allure, il débute par un puissant accord asséné par tout l'orchestre suivi par une phrase des cordes piano; c'est sur ce contraste qu'est bâtie la dynamique de ce mouvement. Cette intrada est suivie par des gammes ascendantes et descendantes des quatre cors qui font étalage de leur virtuosité. Après les gammes les cors nous gratifient d'improbables octaves brisés au caractère sans doute parodique. Le développement est une élaboration magistrale du thème principal, il conduit directement aux traits de virtuosité des cors et le thème principal reparaît à la fin de la réexposition. Ce mouvement dont la construction est originale se termine par une brillante péroraison à laquelle les cors collaborent de toutes leurs forces.
L'
andante 2/4 en sol 6/8 donne à la flûte et au violon soliste des rôles prépondérants, le violon commence une phrase que continue la flûte ou le contraire mais c'est la flûte qui a toujours le dernier mot. Cet andante au caractère paisible est un régal pour l'oreille.
Le menuetto
Allegretto est rustique à souhait, la fin des deux parties est caractéristique avec un double écho des cors par deux. Le trio est confié aux instruments à vents: hautbois, cors et un basson très actif.
Le finale
Andante 2/4 est un thème varié. Le thème est exposé par les violons tandis que les autres instruments,
continuo compris, marquent discrètement le rythme par des accords, accompagnement qui subsistera dans toutes les variations sauf la sixième. La première variation est confiée à une flûte virevoltante. La seconde variation est une interprétation très inspirée, quasiment lyrique du thème par le violoncelle. La troisième aussi très mélodieuse est jouée par un violon solo. La quatrième, exécutée par le
violone (contrebasse au 18ème siècle) sonne très distinctement malgré le registre très grave de l'instrument. La cinquième est jouée par les hautbois et les cors. La sixième réunissant vents (hautbois, basson, deux cors) et cordes est magnifique par sa sonorité pleine et harmonieuse, le thème y est transfiguré. Le rythme passe à 6/8 et le tempo devient
Presto, l'orchestre est au complet avec les quatre cors pour conclure d'une façon rappellant un peu
la Tempesta de la symphonie n° 8 Le Soir.
La période comprise entre mai et septembre 1765, seul moment où l'orchestre de Haydn comptait quatre cors (2), est très probable pour la composition de la
symphonie n° 31 en ré majeur Appel du Cor. Bien plus développée que la symphonie n° 72, elle garde toutefois le même aspect
divertimento caractérisé par d'importants solos instrumentaux dans chaque mouvement. Le premier mouvement
Allegro 3/4 débute par une éclatante fanfare des quatre cors. La fanfare des cors est suivie par des sauts d'octaves du premier cor, sortes d'
appels qui marquent de leur sceau ce mouvement. On retrouvera ces
appels dans le second menuetto de la sérénade en rémajeur KV 320 dite Cor de Postillon de
Mozart à la différence près que les parties de cor sont bien moins virtuoses chez Mozart. Dans ce mouvement au caractère symphonique affirmé, le second thème survient juste avant les barres de reprises comme ce sera souvent le cas dans maintes oeuvres ultérieures de Haydn. Le développement débute avec les fanfares du début dans des tonalités mineures mais s'oriente rapidement vers le second thème qui fera l'objet d'une élaboration digne des grandes symphonies à venir. On remarque tout particulièrement à la fin du développement un passage dans lequel le second thème, réduit à ses deux premières mesures, est sans cesse modulé par le premier violon piano et accompagné par les batteries des autres cordes, les violoncelles dans leur registre aigu et sans les contrebasses (3). Comme dans la symphonie n° 72, la réexposition omet le premier thème qui reparaîtra à la fin du morceau qui s'achèvera comme il avait commencé par de brillantes fanfares.
Dans L'
adagio en sol majeur 6/8 au rythme de sicilienne, plusieurs solistes alternent: un violon, un violoncelle et deux cors (sur les quatre). Chaque solo est accompagné par les pizzicatos des cordes et interrompu par des unissons forte de tout l'orchestre. Les solos de cors sont particulièrement acrobatiques. Le tout est magnifiquement fondu de sorte que cet adagio est un des plus profonds parmi les mouvements lents de cette époque. Avant les barres de reprises le thème principal remanié revient
pianissimo deux fois avec une harmonisation chaque fois différente, passage sublime préfigurant les moments les plus intenses des quatuors à cordes à venir.
Le menuetto est remarquable par son caractère symphonique et son allure viennoise. Une petit développement commence dans la seconde partie. Dans le trio qui est un laendler, le premier cor monte jusqu'au mi suraigu, partie qui devait probablement être jouée par les cornistes fraichement recrutés en mai 1765 Franz Stamitz et Joseph Dietzl (2).
Comme dans la symphonie n° 72, le finale
Moderato molto 2/4 est un thème varié. Le thème avec ses syncopes et la variété de ses rythmes porte indubitablement la marque de
Joseph Haydn. La première variation appartient aux hautbois et aux cors, les cordes accompagnent. Le violoncelle solo règne avec une grande virtuosité dans la seconde variation. C'est au tour de la flûte avec ses sauts d'octaves et ses arabesques de nous ravir dans la troisième variation. La quatrième variation est confiée aux quatre cors. Le premier cor nous éblouit par sa démonstration de haute voltige, il grimpe jusqu'au fa# suraigu. Comme tout ce passage doit se jouer
piano voire
pianissimo, on se demande comment cela était possible avec des cors naturels! Le violon solo est aux commandes dans la cinquième variation puis l'orchestre au complet dans la sixième qui reprend le thème sans changements et enfin le violoncelle de nouveau dans la septième qui s'enchaine à un joyeux finale
presto se terminant par les fanfares du début scellant ainsi un chef-d'oeuvre et peut être la fin d'une époque (1).
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988.
(2)
http://en.wikipedia.org/wiki/Symphony_No._31_(Haydn)(3)
http://imslp.info/files/imglnks/usimg/9/9c/IMSLP21880-PMLP50273-Haydn-Symphony_No.31.pdf