L'arbore di Diana de
Vicent Martin i Soler, troisième
dramma giocoso né de la collaboration du musicien espagnol et du librettiste Lorenzo da Ponte, fut crée à Vienne au Burgtheater le 1er octobre 1787 à l'occasion du mariage de l'Archiduchesse Maria Teresa avec le Prince Anton Clemens de Saxe. Au même moment Don Giovanni de Wolfgang Mozart était représenté à Prague. Des trois opéras de
Martin i Soler composés pour Vienne, c'est
l'Arbore di Diana qui obtint le plus de succès ce qui est justice car cet opéra est remarquable en tous points.
Joseph Haydn monta l'oeuvre à Eszterhazà en 1789 et l'Arbore di Diana fit l'objet de nombreuses représentations interrompues par le décès du Prince Nicolas Esterhazy en septembre 1790. Contrairement à son habitude, Haydn ne semble pas avoir effectué de changement dans cet opéra.
Résumé (auteur du résumé: Lorenzo Da Ponte). La chaste Diane, déesse de la chasse, possède dans son jardin un arbre enchanté. Lorsque les nymphes de la déesse (Britomarte, Cloé et Clizia) passent sous l'arbre, les fruits de ce dernier s'éclairent et font retentir une belle musique si les nymphes sont chastes en pensées et en actions. Dans le cas contraire, les fruits deviennent noirs et tombent brutalement sur les malheureuses produisant des blessures en rapport avec la gravité de leurs crimes. L'Amour (Cupidon) ne peut admettre une telle loi faisant outrage à sa divinité, aussi entre-t-il dans le jardin sous un déguisement féminin, provoque l'amour du gardien de jardin, Doristo, et le convainc de séduire les nymphes, l'une après l'autre. De plus l'Amour introduit le bel Endimione avec pour mission de susciter l'intérêt puis l'amour de la chaste Diane. La déesse d'abord très hostile voit ses résolutions s'affaiblir, une fois touchée au coeur par un trait lancé par le berger. Le prêtre du culte de Diane, sentant qu'il y a anguille sous roche, demande aux servantes du culte de passer sous l'arbre magique et, soit pour la forme, soit pour étalonner la mesure, demande la même chose à la déesse. Cette dernière, sachant qu'elle va être découverte, ordonne de couper l'arbre. Alors l'Amour paraît sur un nuage rayonnant et proclame que le jardin de Diane est devenu
le Palais de l'Amour (3).
Ce texte fit scandale lors de sa parution, on y vit avec raison une incitation à l'érotisme, voire à la débauche. Mais les admonestations de censeurs rigoureux n'empêchèrent pas le succès de l'opéra dans sa version originale et surtout dans sa traduction allemande.
Le style. Dans un article très intéressant (1), Leonardo Waisman fait un parallèle entre la Flûte Enchantée de Mozart et
l'Arbore di Diana et voit beaucoup de points communs entre ce dernier et la féérie du salzbourgeois. Par contre, contrairement à Dorothea Link (2), Waisman ne voit aucune ressemblance avec
Cosi fan Tutte. En tout état de cause,
l'Arbore di Diana est une grande réussite dramatique et musicale: l'action ne faiblit jamais, les récitatifs secs et accompagnés sont de grande qualité, les airs sont souvent extrêmement courts sauf ceux qui font progresser l'action dramatique, les ensembles sont très nombreux mais relativement brefs, en somme nous avons là un opéra très concentré, sans temps morts et d'une grande qualité musicale. Par dessus tout on admire l'orchestration. Cette dernière est plus variée et plus riche que dans le
Burbero di buon Cuore. Bien qu'aucun instrument concertant ne se détache, tous les vents et les cuivres collaborent pour obtenir une couleur orchestrale souvent chatoyante et très personnelle. Ajoutons pour finir une petite touche folklorisante espagnole et la fête sera complète.
Les sommetsActe I
-Scene 2. Air de l'Amour "
Se il vuoi saper, io sono Amor..." Très élégant, à l'image de tout l'opéra.
-Scene 3. Air de Doristo "
Da parte gli scherzi..."Bel air de type
basso buffo dans lequel Doristo manifeste son intérêt très vif pour Diane et ses nymphes.
-scène 4. Air d'Endimione "
Lieti e amorosi i rai..."Magnifique air très lyrique et plein de ferveur, trop court malheureusement.
-scène 7. Air de l'Amour "
Si dice qua e la..."Peut-être le plus célèbre de l'opéra entier. Se grave instantanément dans la mémoire. Humour et élégance superlatives. Une petite touche discrète hispanisante donne un charme supplémentaire.
-scène 8. Magnifique quartetto Endimione, Silvio, Doristo, Diana "
Che sorpresa è questa mai?" avec des sonorités moelleuses des vents.
-scène 8. Récitatif accompagné et air de Diana "
Sento che Dea son io..."Grand air napolitain avec da capo, très opera seria. Air de bravoure avec très belles vocalises.
-scène 9. Air de Silvio "
Quel piacer prova..."Encore un air célébrissime.
-finale de l'acte I, scènes 10-14. Splendide finale avec une progression dramatique étonnante assortie d'une accélération du mouvement impressionnante. Diana, touchée en plein coeur par un trait venu d'Endimione nous émeut avec un très émouvant solo "
O Dio, mancar mi sento..."
Acte II
-scène 2. Magnifique quartetto Endymione, Silvio, Doristo et Diana (une basse, deux ténors et une soprano), un des sommets de la partition.
-scène 4. Air de Clizia "
Come faro?" Encore un hit célébrissime de l'opéra. A Diana qui lui demande de la venger en tirant un trait de son arbalète, Clizia répond qu'elle est incapable de faire du mal à quiconque. Orchestration d'une délicatesse et d'une subtilité admirable.
-scène 9. Air de l'Amour. "
Cessate di spargere". Encore un air à succès avec un très bel accompagnement du hautbois.
-scène 9. Recitatif accompagné "
Miseri dove sono..." et grand duetto "Che voce, O dei!" de Diana et Endymione.
-scène 14. Récitatif accompagné "
Cessa, cessa mio core" et air "
Teco porta, o mia speranza" de Diana. C'est le point culminant de l'opéra. Les sentiments contraires agitent le coeur de Diana mais l'amour va finalement triompher. Air très émouvant. Mozart n'est pas loin!
-scène 17. Finale de l'acte II. Très véhément sur les paroles "
Pentito, smarrito, si prostra...", cet ensemble culmine avec une impressionnante tempête "
Guarda, guarda, già il cielo s'oscura...". Finalement l'Amour triomphant apparaît sur un char rayonnant et nomme Doristo gardien du temple......de l'Amour!. Diana admet sa défaite:
Je viens, déjà vaincue, dieu puissant, à toi la palme, à ton service chaque âme et chaque coeur seront soumis.
(1)
http://www.mundoclasico.com/2009/documentos/doc-ver.aspx?id=0015772(2) Dorothea Link, “L'arbore di Diana: a Model for Così fan tutte.” In Wolfgang Amadè Mozart: Essays on his Life and Work, ed. Stanley Sadie, 362-73. Oxford: Oxford University Press, 1996.
(3) Le Palais de l'Amour, roman de Jack Vance, écrit en 1967.