Le 19 février 2011, 20h, à la salle André Malraux de Geispolsheim
Le Temps de Mozart par Le Parlement de Musique (Directeur
Martin Gester)
Programme du concert
C.P.E. BachSonate en mi mineur pour flûte et basse continue Wq 124
Adagio-Allegro-Menuetto con variazioni
F.X. RichterTrio en sol majeur pour clavier, violoncelle et flûte
Andante-Giga:andante
W. MozartSonate en la majeur pour clavier et Flûte K1 305
Allegro molto-Tema con variazioni: andante grazioso
F. DanziFantaisie pour flûte et violoncelle en ré majeur
F.J. HaydnTrio en ré majeur pour clavier, violoncelle et flûte HobXV.16
Allegro-Andantino piu tosto allegretto-Vivace Assai
Interprètes
Marjorie Pfister, Flûte
Emilia Gliozzi, violoncelle
Martin Gester, clavecin
Musicien de transition entre le style baroque et classique comme son frère ainé Wilhelm Friedmann, Carl Philip Emmanuel Bach n'a pas la renommée qu'il mérite, au vu de la grandeur de son oeuvre et de son influence sur les maîtres du classicisme, Joseph Haydn et Wolfgang Mozart et ceux du romantisme naissant, Beethoven en particulier. Dans sa présentation du concert, Martin Gester a souligné l'admiration que Haydn éprouvait pour le Bach de Hambourg. Il est clair que la musique de Haydn avec ses brusques sautes d'humeur porte les traces évidentes de l'influence de CPE Bach. On pense communément que l'influence de ce dernier sur Mozart est plus faible. Pourtant Carl de Nys dans une magistrale analyse a montré tout ce que Mozart doit à Carl Phillip Emmanuel et à Wilhelm Friedmann (1). Rappelons en outre que Mozart dirigea à Vienne en 1788 et 1789, Les Israélites dans le Désert et l'Ascension de Notre Seigneur Jesus Christ, deux oratorios de Carl Phillip Emmanuel et, point peu connu, que le thème magnifique du Recordare Pie Jesu du Requiem K1 626 est identique à un thème intervenant dans le premier mouvement de la sinfonia en ré mineur Falck 65 de Wilhelm Friedmann.
La sonate pour flûte et basse continue Wq124 a été composée par C.P.E. Bach en 1737 (2). C'est donc une oeuvre de jeunesse très marquée par le style baroque alors à son apogée. Le trio en sol majeur de Richter est bien plus typique du style de transition entre baroque et classicisme naissant. C'est une transcription pour flûte traversière de la sonate K1 305 pour piano et violon de Wolfgang Mozart qui a été exécutée ensuite. Composée à Mannheim en 1778, juste avant le voyage à Paris, elle se distingue par l'égalité parfaite entre le clavier et le violon. Indubitablement le trio en ré majeur de Haydn constituait le point culminant du concert. Il fait partie, avec les trios HobXV.15 et 17, d'une série composée en 1790 et prévue pour la flûte ou le violon
ad libitum. L'utilisation du clavecin est parfaitement légitime puisque le manuscrit de Haydn indique cembalo et non pianoforte. On peut rappeler ici qu'un important solo de clavecin figure dans le finale de la symphonie n° 98 datant de 1792. On remarque d'emblée que le thème de l'allegro est identique à celui de la sonate pour deux pianos K1 448 dans la même tonalité de Mozart! Après une première partie détendue et aimable, le vaste développement contraste avec l'exposition par sa tension et ses harmonies acerbes. L'andantino en ré mineur d'une grand charme mélodique est déjà un intermezzo préromantique. Le vivace final est un rondo. Un refrain joyeux parcourt le mouvement et est interrompu par trois couplets. Le couplet central dans le mode mineur a un net parfum d'Europe centrale. Une brillant unisson des trois instruments met un point final à ce magnifique trio.
Marjorie Pfister, comme elle le rappela elle-même, jouait sur une copie de flûte du 18 ème siècle. L'écriture violonistique de Mozart, utilisant principalement le medium de l'instrument et assez peu son registre aigu, pouvait créer des difficultés à l'exécutante. Malgré cela Marjorie Pfister a donné une lecture harmonieuse et sensible de cette belle sonate et en particulier du beau thème varié terminal. Toutefois c'est dans le trio de Haydn que les grandes qualités de la flûtiste ont pu s'exprimer pleinement, notamment dans le nostalgique andante. Emilia Gliozzi a su faire valoir la magnifique sonorité de son instrument, usant d'un vibrato discret, elle a interprété Bach et Richter avec sensibilité et élégance. Martin Gester, en montant ce programme généreux, et en le commentant avec pédagogie, a pu faire profiter l'auditoire de sa connaissance profonde de ce répertoire.
(1) Carl de Nys, Mozart et les fils de J.S. Bach, Colloque du C.N.R.S., Paris 1956, pp 91-115.
(2)
http://www.uquebec.ca/musique/catal/baccp/baccp.html