Voici un commentaire bien tardif sur un merveilleux concert donné au couvent des Dominicains de Strasbourg
le samedi 28 janvier 2012 par:
Denis Tempo, Clarinette
Céline Froelich, violon
Clémence Schaming, violon
Françoise Coppey-Thibault, alto
Camille Boff, violoncelle
Les instrumentistes ont donné une interprétation sensible et nuancée de deux célèbres quintettes pour clarinette du répertoire: ceux de Mozart en la majeur et de Brahms en si mineur. Ces deux oeuvres appartiennent avant tout à la musique de chambre et ne sont en aucun cas des opportunités pour faire briller un instrumentiste. Les sonorités sont volontiers fondues et la clarinette n'a pas le caractère concertant que l'on trouve par exemple chez Weber. Au delà d'une réalisation impeccable au plan technique, les musiciens ont réussi à exprimer les faces cachées des compositeurs: des sourires et des larmes chez Mozart et une rêverie vagabondant vers des domaines inconnus chez Brahms.
Le quintette de
Johannes Brahms a déja été commenté:
https://haydn.aforumfree.com/t487-johannes-brahms-1833-1897Voici quelques mots concernant le quintette de Mozart:
Quintette avec clarinette en la majeur de Wolfgang Mozart K 581Des quatre mouvements c’est le premier,
Allegro que je préfère. Trois thèmes admirables: le premier en deux parties, la première en valeurs longues jouée par le quatuor à cordes, la seconde confié à la clarinette, une phrase ascendante qui jouera un rôle majeur dans le développement. Le second thème est une merveilleuse création mozartienne et l’analyse est impuissante pour exprimer la poésie émanant de cette longue mélodie flexueuse et modulante. Après un développement entièrement basé sur le premier thème et surtout sa seconde composante qui traverse, portée par chaque instrument, tout l’espace sonore, la reexposition est notablement variée avec des extensions modulantes des seconds et troisièmes thème. Tout n’est que chant ici, les thèmes eux-mêmes et les transitions ou ritournelles qui les séparent. On touche ici à l’essence du génie mozartien par la grâce et la beauté des idées mais aussi l’art inimitable avec lequel elles sont enchainées.
Dans le célèbre
Larghetto en ré majeur, de forme lied, la première partie est un chant de la clarinette richement accompagnée par les quatre cordes. On remarque la beauté de la ligne mélodique du violoncelle. La partie centrale est plus concertante et consiste en un dialogue entre la clarinette et le premier violon. Après un retour de la première partie, une coda très émouvante termine pianissimo ce mouvement, c’est une phrase mélancolique de la clarinette accompagnée par une descente chromatique, o combien émouvante, de l’alto.
Quoi de plus charmeur que le
menuetto avec ses deux trios. Dans le menuetto d’écriture est assez compacte, l’instrument soliste ajoute sa voix à l’ensemble sans presque jamais de détacher. Une touche de mélancolie parcourt ce menuet. Dans le premier trio en la mineur, la clarinette se tait. On a ici affaire à un trio typique de quatuor à cordes. Dans la seconde partie de ce trio, le sentiment dramatique s’intensifie tandis que le retour au thème initial s’accompagne d’un canon entre le premier violon et l’alto avec de troublantes dissonances. Le second trio est un laendler: la clarinette a maintenant un rôle de soliste et est accompagnée par les pizzicatos des cordes.
Le finale,
allegretto con variazioni, consiste en l’exposé d’un thème suivi de cinq variations. Ces dernières donnent l’occasion au clarinettiste de montrer tout son savoir faire, c’est ainsi que la quatrième variation en doubles croches très rapides exige de l’instrumentiste soliste une virtuosité qui était absente dans les autres mouvements. La troisième variation en la mineur est la plus intéressante de toutes. Un bon compositeur de l'époque aurait transposé le thème en mineur et basta! Mozart choisit de s'éloigner considérablement du thème tout en conservant vaguement les contours comme le fera plus tard Beethoven. Cette variation donne la première place à l’alto qui répète de manière obssessionnelle un motif tandis que la clarinette accompagne dans son registre grave. Dans ce passage, il y a une recherche de couleur sonore inédite, me semble-t-il.