Stabat Mater HobXXbisOn a longtemps pensé que ce
Stabat Mater était une œuvre de 1771, or une lettre de
Joseph Haydn découverte en 1957 nous apprend que cette œuvre a été composée en 1767. Elle est donc contemporaine de la
Missa in honorem Beatissimae Virginis Mariae HobXXII.4 et aussi de l’opéra
Lo Speziale. D’une durée supérieure à une heure c’est l’une des plus vastes œuvre religieuse de Haydn, l’autre étant la messe en ut majeur
Missa Sanctae Caeciliae HobXXII.5. Il est écrit pour quatuor de solistes, grand chœur, orgue et un orchestre comportant en plus des cordes (avec altos), deux hautbois et deux cors anglais.
Le
Stabat Mater est une séquence (pièce liturgique de la liturgie catholique romaine) composée au treizième siècle et attribuée au franciscain Jacopone da Todi. Le texte de la séquence évoque la souffrance de Marie lors de la crucifixion de son fils Jésus-Christ (1). Le texte utilisé par Haydn possède des particularités qui ont été soulignées (2).
Les
Stabat Mater sont nombreux au cours du 18ème siècle baroque italien, ceux de Giovanni Baptista Pergolese, Antonio Vivaldi, Alessandro Scarlatti sont justement célèbres. Ce type de musique religieuse devient plutôt rare au cours de l’ère classique. Le magnifique
Stabat Mater de Tommaso Traetta appartient à cette dernière période mais c’est en fait une œuvre essentiellement baroque d’esprit. En 1780, Luigi Boccherini a composé un beau
Stabat Mater pour soprano et quintette à cordes (deux violons, un alto, un violoncelle et une contrebasse). Toutefois il n’y a aucune commune mesure entre le Stabat Mater de ce charmant musicien et le chef-d’œuvre de Joseph Haydn. Ce dernier compte en effet pour une de ses œuvres les plus profondes de la période allant jusqu’à 1770 (2).
Stabat mater dolorosa Largo en sol mineur. Après une longue introduction orchestrale très dramatique, le ténor entonne la mélodie principale. L’intervention du chœur est impressionnante et l’atmosphère créée annonce les Sept dernières Paroles du Christ composés presque 20 ans plus tard. Sur un plan général on ne peut qu’admirer la magnifique alliance entre le chœur et le soliste qui règne dans ce morceau ainsi que dans d’autres passages de l’œuvre.
O quam tristis Larghetto en mi bémol majeur pour alto. Dans ce morceau, le ton est moins désespéré et l’alto développe d’amples volutes. Ce morceau par son caractère rappelle des passages d’œuvres plus tardives de Haydn, on pense parfois à
l’Anima del Filosofo. La sonorité particulière de ce morceau est due à de nombreux chromatismes et à la présence de deux cors anglais qui remplacent ici les hautbois.
Quis est homo…Lento en ut mineur. Magnifique chœur très dramatique qui se poursuit par un fugato lent pourvu d’un magnifique accompagnement des violons.
Quis not posset en fa majeur pour soprano. Le ton est plus serein et centré sur la beauté mélodique. La partie de soprano assez virtuose comporte de belles vocalises.
Pro peccatis suae gentis Allegro ma non troppo en si bémol majeur pour basse. Très bel air très dynamique contrastant avec le tempo plutôt lent des morceaux précédents.
Vidit Suum Dulcem Natum. Lento e Maestoso en fa mineur pour ténor. Episode particulièrement émouvant qui évoque le désespoir de la Mère à la vue des souffrances de son Fils. On notera les interventions très rudes des violons.
Eia mater, fons amoris.... Allegretto en ré mineur pour chœur. Magnifique chœur ardent et dynamique.
Sancta mater. Larghetto en si bémol majeur pour soprano et ténor. Episode beaucoup plus serein que ce qui précède. La soprano débute puis vient le ténor enfin les deux chanteurs unissent leurs voix dans une très belle conclusion.
Fac me vere. Lagrimoso en sol mineur pour alto. Séquence particulièrement dramatique traduisant un accablement profond. Les hautbois dans l’aigu ont un rôle très expressif.
Virgo virginum plaeclara. Andante en mi bémol majeur pour quatuor de solistes et chœur.
Un des sommets de l’œuvre. Cette admirable épisode commence par un fugato des solistes: successivement la basse, le ténor, l’alto, et la soprano entrent en jeu avec ferveur puis le chœur fait son apparition de façon saisissante qui rappelle les interventions du chœur dans les moments cruciaux des Passions de Jean Sébastien Bach. Les cors anglais qui remplacent les hautbois donnent à cet épisode un coloris troublant.
Flaminis ne orci succendat. Presto en ut mineur pour basse. Un air typiquement
Sturm und Drang d’une violence étonnante qui emporte tout sur son passage.
Fac me cruce. Moderato en ut majeur pour ténor. Contraste vivement par sa douceur avec ce qui précède.
Quando corpus. Largo en sol mineur pour soprano, alto et chœur, magnifique déploration d’une expression déchirante. Un des sommets de l’œuvre.
Paradisii Gloria pour soprano et choeur (alla breve en sol majeur). Le fugato plein d’espérance, quasi jubilatoire qui termine l’œuvre est entrecoupé de vocalises plus profanes du soprano solo. Ce morceau rappelle beaucoup le Dona nobis pacem de la Missa HobXXII.4 contemporaine dans laquelle un fugato sur un thème très semblable est interrompu par les volutes d’un brillant solo de l’orgue.
(1)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Stabat_Mater(2) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988, pp. 874-6.