Messe en ut majeur in tempore bello HobXXII.9
La Missa in Tempore Bello en ut majeur HobXXII.9 est composée peu après la précédente (HobXXII.10) au cours du mois de septembre 1796 et crée le 26 décembre de la même année à Vienne. Son titre in tempore bello (en temps de guerre) est authentique, il a été probablement donné par Haydn alors que les troupes françaises étaient parvenues aux portes de Vienne. La messe est très différente de la précédente. Alors que cette dernière était une prière simple et touchante, des accents guerriers retentissent tout au long de la présente messe qui est également fameuse en raison des roulements de timbales qui parcourent l’Agnus Dei et qui évoquent l’armée française. Les trompettes sont également très en dehors, elles retentissent avec force et même aggressivité tout au long de l’oeuvre. Si la messe précedente évoque souvent l’art de Schubert c’est à Berlioz que je pense dès les premières mesures de la présente messe. L’instrumentation originelle comporte le quintette à cordes, l’orgue, deux hautbois, deux clarinettes (dans l’Incarnatus est), deux bassons, deux trompettes, deux cors (dans l’Incarnatus est et dans le Qui tollis), deux timbales. Par la suite, une flûte a été ajoutée et le rôle des clarinettes et des cors fut étendu à d’autres passages de l’oeuvre.
Kyrie eleison. Une introduction Largo 4/4 ouvre le Kyrie eleison. Un hautbois inoubliable accompagne les premières mesures de ce largo. L'allegro moderato 4/4 qui suit est construit comme un allegro de symphonie. Le choeur répète inlassablement les mots Kyrie eleison (Seigneur, prends pitié), la supplication Christe eleison(Oh Christ, prends pitié) est curieusement réduite à quelques mesures.
Gloria in excelsis Deo. Vivace ¾. Morceau éclatant. L’épiseode Qui tollis peccata mundi, adagio 2/2, occupe les 2/3 de la durée du Gloria. C’est un des passages les plus impressionnants de toutes les messes de Haydn, il débute avec un magnifique solo du violoncelle puis par un solo de basse tandis que le violoncelle continue son chant dans son registre aigu. Quand le choeur intervient, l’effet obtenu est vraiment sublime et peut compter parmi les plus belles pages de Haydn. Contrairement à la tradition, il n’y a pas de fugue sur les mots Cum sancto spirito.
Credo. Allegro 4/4. C’est un fugato très dynamique qui laisse rapidement la place à l’ Incarnatus est adagio ¾ en ut mineur, un des sommets de la messe, cet adagio très dramatique est remarquable par sa beauté mélodique et le rôle très expressif des clarinettes. Un supplément de douleur accompagne les paroles Crucifixus est. La descente dans les profondeurs des basses sur les paroles sepultus est est impressionnante. Il peut sembler étonnant que Haydn traite dans le même mode mineur l’épisode de la Nativité et celui de la Crucifixion alors que ces deux épisodes sont généralement vivement contrastés. Ce parti n’est pas isolé chez Haydn et on peut penser qu’il avait ainsi la possibilité de donner une plus grande ampleur à ce passage capital de la liturgie. Explosion de joie sur les mots Resurrexit. Le Credo se termine par la magistrale fugue sur les mots Et vitam venturi saeculi qui reprend comme contrechant un motif du Gloria.
Le Sanctus relativement paisible est terminé par un Hosanna in excelsis joyeux.. Le Benedictus 6/8 en ut mineur est écrit pour le quatuor de solistes. Ce magnifique morceau tire une grande partie de sa force du rôle extrêmement dramatique des trompettes et des timbales intervenant fréquemment fortissimo dans le mode mineur.
L'Agnus dei, adagio ¾ en fa majeur est souvent le point culminant de l'émotion dans les messes de Haydn. Ici l’Agnus Dei, débute par une prière fervente du choeur. Dès le début toutefois on entend de sourds roulements de timbales, ces roulements s’intensifient puis résonnent fortissimo tandis que retentissent de violentes sonneries de trompettes alors que le choeur poursuit sa prière. Tout ce passage est absolument saisissant et probablement rien d’équivalent n’avait été entendu avant cette messe décidément hors du commun. L’explosion des fanfares guerrières juste avant les mots Dona nobis pacem (Donnes nous la Paix) a été abondamment commenté et Landon y entend les paroles “Nous exigeons la paix” de la part de la foule symbolisée par le choeur et les instrumentistes (1). On a cité à juste titre la ressemblance avec l'Agnus Dei de la Missa solemnis de Beethoven composée en 1820. En d'autres temps, Dmitri Chostakovitch s’est peut-être inspiré de ce passage dans une oeuvre profane: sa symphonie n° 7 en ut majeur Leningrad composée en 1941. L’avancée des troupes allemandes est évoquée au départ par une marche d'abord innocente jouée par une flûte, marche inexorable, de plus en plus menaçante au fur et à mesure que les armées ennemies se rapprochent de Leningrad.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard 1988, pp. 1329-31.