La 38ème sonate en fa majeur (HobXVI.23) fait partie d'un groupe de six sonates pour clavier, en ut , mi, fa, ré, mi bémol et la majeur, publiées en 1774 mais composée en 1773. Ces sonates, d'une facture très moderne, contrastent avec les précédentes de 1770-1, celles en la bémol majeur (HobXVI.46) et ut mineur (HobXVI.20), en particulier, par un caractère plus aimable, plus facile et plus populaire.
La sonate en fa est une des plus jouées de J.Haydn, ce qui s'explique, selon Marc Vignal (1), par son "écriture très pianistique et son bel équilibre d'ensemble" mais les autres sonates du groupe sont toutes intéressantes, surtout la sonate en ré (HobXVI.24) qui est , à mon avis, la plus remarquable des six avec son époustouflant finale, une Bagatelle de Beethoven avant la lettre. La dernière sonate en la majeur (HobXVI.26), très différente des cinq autres, se caractérise par un splendide et vaste premier mouvement d'une grande profondeur. Ce mouvement exceptionnel est suivi par deux morceaux dont un finale microscopique de 26 mesures consistant en un simple exposé de thème, preuve que Haydn, dans ses compositions les plus élaborées, gardait parfois une plaisanterie en réserve!
La sonate en fa présente aussi l'intérêt d'avoir probablement inspiré Mozart dans sa sonate en fa majeur KV 270 composée à Munich en 1775. La remarquable sonate de Mozart présente des analogies frappantes avec celle de Haydn; son Adagio en fa mineur à 6/8 sur un rythme de Sicilienne est directement dérivé de l'Adagio à 6/8, en fa mineur également de la sonate de Haydn.
Le premier mouvement, Moderato, de forme sonate est construit autour d'un thème énergique, la suite est une extension du thème dans un registre plus chantant. Le développement est d'abord bâti sur le thème initial, il se poursuit avec un passage chromatique très séduisant qui valut à son auteur des accusations de plagiat d'oeuvres de Carl Phillip Emmanuel Bach, tout à fait injustes, car de tels passages fantaisistes, très fréquents dans les sonates de Haydn, témoignent simplement de son admiration pour le Bach de Hambourg.
L'Adagio en fa mineur déroule un thème mélancolique très étendu sur un rythme de Sicilienne; par la suite, le thème est repris au relatif majeur, mais on reste dans un climat très cantabile et rêveur. On notera que l'essentiel de cet émouvant morceau se déroule dans des nuances piano et contraste vivement avec les mouvements qui l'entourent.
Le finale Presto à 2/4 est une structure sonate strictement monothématique bâtie sur un thème dynamique et incisif. Le développement, bref, mais très concentré consiste en jeux contrapuntiques sur le thème principal. Le morceau est d'une grande harmonie et offre à cette sonate une conclusion annonçant par sa mâturité et son éclat, les sonates ultimes de la période Londonienne.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988.