Sujet: SOURCES DU QUATUOR A CORDES Mar 28 Jan - 12:57
Selon Marc Vignal et d'autres musicologues, le quatuor à cordes serait bel et bien une invention de Joseph Haydn (1).
Le présent sujet vise à explorer les bases sur lesquelles Haydn a pu s'appuyer pour créer ce genre musical nouveau. Initié aujourd'hui, ce sujet sera enrichi progressivement.
Quand Haydn, entré au service du baron Karl-Joseph Fürnberg (1719/20-1767), écrivit ses quatuors Fürnberg opus 1 et opus 2, dont la seule dénomination authentique est divertimento a quattro, à la fin des années 1750 et plus précisément entre 1757 et 1759, il aurait pu connaître les oeuvres suivantes.
1. Les six quadri publiés par Georg Phillip Telemann en 1730 à Hambourg. Ces oeuvres comportent généralement deux dessus (une flûte traversière et un violon), une voix intermédiaire (viole de gambe ou violoncelle) et le continuo (clavier et basse d'archet ad libitum). Ils seront publiés de nouveau à Paris en 1736 et appelés quatuors Parisiens. D'esprit tout à fait baroque, ces oeuvres qui prennent souvent la forme de la suite à la française, peuvent être considérés comme une extension de la sonate en trio classique du monde baroque avec addition d'une voix de ténor, ancêtre possible de la partie d'alto.
2. A une date inconnue mais postérieure à 1715, Alessandro Scarlatti publie Sei sonate a quattro senza cembalo (six sonates à quatre sans clavecin), écrites pour deux violons, alto et violoncelle. Malgré l'absence de continuo et une instrumentation voisine (ou même identique) à celle du quatuor moderne, ces oeuvres traitées en polyphonies sévère s'avèrent assez proches de l'Art de la Fugue de J.S. Bach et semblent devoir être rattachées au passé.
3. A Paris, Louis-Gabriel Guillemain (1705-1770) compose en 1743 six sonates en quatuors opus 12 ou Conversations galantes et amusantes entre une flûte traversière, un violon, une basse de viole et la basse continue. On remarque que l'auteur utilise le terme de quatuor, mais que l'instrumentation est identique à celle des quatuors Parisiens de Telemann.
4. A la fin des années 1750, on note aussi une filiation du quatuor à cordes à partir de la symphonie, elle-même en évolution à cette époque et notamment à Mannheim où certaines compositions étaient écrites à la fois pour orchestre à cordes ou trio (quatuor) à cordes. C'est par exemple le cas des trios orchestraux l'opus 1 de Johann Stamitz composés vers 1755-6 (2).
5. Nous examinerons à part les cas de Luigi Boccherini et de Franz Xaver Richter, particulièrement intéressants.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988,pp. 801-17. (2) Allan Badley, "Description of the Opus 1 Stamitz Trios". Artaria Editions. Retrieved 25 October 2009. (3) Dans le lien suivant, on trouvera, sous forme d'une lettre de recommandation du Baron Karl Joseph von Fürnberg adressée à un employeur potentiel de Joseph Haydn datée 1758, une mise au point passionnante sur les quatuors opus 1 et 2 composés quand Haydn était au service du Baron Fürnberg. http://www.passee-des-arts.com/2-categorie-10819980.html
Dernière édition par Piero1809 le Jeu 6 Mar - 12:08, édité 6 fois
Sujet: Re: SOURCES DU QUATUOR A CORDES Ven 7 Fév - 16:03
Conversations galantes et amusantes entre une flûte traversière, un violon, une basse de viole et la basse continue de Louis Gabriel Guillemain dédiée au Duc de Chartres, prince du Sang.
C'est le titre pittoresque donné par l'auteur et qui décrit parfaitement ces six sonates en quatuor. Retenons ce terme de conversation qui caractérise très bien l'art du quatuor à cordes comme Joseph Haydn nous le montrera abondamment. A la lecture de la partition, on voit qu'il s'agit de musique essentiellement baroque, d'une conception voisine des quatuors Parisiens de Telemann bien que plus aérée, plus concertante. Dans une édition plus tardive, Guillemain précise que le clavecin n'est pas obligatoire et qu'un seul violoncelle peut parfaitement faire l'affaire ce qui constitue un pas important en avant (1). De plus, la coupe est déjà classique avec la succession de mouvements suivante dans le quatuor opus 12 n° 3 en ré mineur: Allegro moderato, Larghetto, Aria-grazioso, Allegro. Le troisième mouvement malgré sa dénomination Aria est en fait un vigoureux menuet, ce qui renforce le caractère classique du quatuor opus 12 n° 3 en ré mineur. Le menuet, appelé aussi Aria, est placé en deuxième position dans la quatuor opus 12 n° 6 en do majeur, solution qui sera adoptée dans nombre d'oeuvres classiques comme par exemple les quatuors opus 9 de Joseph Haydn et les quintettes pour deux altos K 515 et 516 de Mozart. A noter le rôle de la basse de viole, tout à fait indépendante de la basse continue. La basse de viole évolue le plus souvent dans le registre ténor de l'instrument et est notée presque tout le temps en clé d'ut3 et peut-être donc considérée comme l'ancêtre de l'alto dans le quatuor à cordes classique.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988, pp. 801-17.
Cette très belle musique est magnifiquement interprétée par le Poema Harmonico.
Dernière édition par Piero1809 le Jeu 20 Fév - 10:51, édité 5 fois
Haydn Administrateur
Messages : 166 Points : 86 Date d'inscription : 07/08/2007
Sujet: Re: SOURCES DU QUATUOR A CORDES Sam 8 Fév - 1:08
Le quatuor à cordes une invention de Haydn c'est une surprise pour moi ce soir. Le quatuor comme le trio sont difficiles pour moi. Je n'arrive pas encore à apprécier ce style à sa juste valeur et je ne connais de Haydn que les tous derniers opus. Il faudrait que je creuse ça pour 2014 afin de pouvoir en parler sur les fils.
Sujet: Re: SOURCES DU QUATUOR A CORDES Sam 15 Fév - 11:04
Haydn a écrit:
Le quatuor à cordes une invention de Haydn c'est une surprise pour moi ce soir.
Le présent sujet vise en fait à évaluer cette assertion en fonction des documents et oeuvres disponibles.
Parmi ces dernières figurent les trios orchestraux de Johann Stamitz opus 1 composés à partir de 1755. Ils sont écrits à trois voix: deux violons et une basse d'archet. Ils possèdent également les particularités suivantes: -présence d'une basse chiffrée jouable par un clavecin -absence de contrepoint, style moderne se démarquant du style baroque en usage chez certains maîtres comme Carl Philipp Emmanuel Bach. -second thème très bref dans le mode mineur dans les mouvements extrêmes, trait typique des symphonies primitives; -coupe en quatre mouvements comportant la suite: vif, lent, menuet et trio, vif, adoptée généralement durant l'ère classique; -le terme de trio orchestral suggère que les deux parties de violon étaient au minimum doublées;
Il s'agirait bien d'une genre en formation, évoluant soit vers la symphonie moyennant l'addition de cors et de hautbois soit vers la musique de chambre par addition d'un alto et suppression des doublures. Ces oeuvres me semblent toutefois plus proches des symphonies de Joseph Haydn antérieures à 1761 que de ses divertimentos a quattro opus 1 et 2. En février 1766, François Joseph Gossec dédie au Chevalier de Saint-George six trios pour deux violons, basse et deux cors ad libitumDont les trois premiers ne doivent s'exécuter qu'à trois personnes et les trois autres à grand orchestre selon la dédicace (1). Cette oeuvre historiquement importante confirme que la frontière entre musique de chambre et musique d'orchestre était encore floue. Un successeur plus lointain de ces oeuvres me semble être la série de trois divertmentos pour orchestre à cordes K 136-8 que Mozart composera en 1771 à Salzbourg.
En tout état de cause cette musique est très belle. On peut en juger dans le présent enregistrement.
(1) Michelle Garnier-Panafieu, Un contemporain atypique de Mozart. Le Chevalier de Saint-George, YP Editions, 2011.
Dernière édition par Piero1809 le Mar 15 Juil - 10:18, édité 2 fois
Sujet: Re: SOURCES DU QUATUOR A CORDES Lun 17 Fév - 9:55
Le challenger de Joseph Haydn le plus sérieux pour le titre de Père du quatuor à cordes est probablement Luigi Boccherini (1).
En 1760, Boccherini écrit 6 trios opus 1 pour deux violons et violoncelle. La partie de violoncelle dont l'ambitus est étendue, est bien distincte d'une partie de basse continue et l'ensemble s'affranchit presque totalement de l'emprise baroque et relève nettement du nouveau style "galant".
En 1761, Boccherini compose une série de 6 quatuors à cordes, son opus 2, appelés nommément quatuors, comportant deux violons, un alto et un violoncelle et possédant trois mouvements: vif, lent, vif. Ces quatuors sont remarquables et sonnent aussi de façon presque classique. On notera la présence d'une fugue terminant un des quatuors, réminiscence du baroque ou volonté d'affirmer le caractère savant du genre du quatuor à cordes. Le quatuor n° 3 en ré majeur renferme un admirable mouvement lent faisant chanter les quatre instruments et bien distinct des sérénades, privilégiant le premier violon, des mouvements lents de Haydn dans ses quatuors à Fürnberg. On notera toutefois que dans une édition de 1767, ces quatuors de Boccherini portèrent le nom de Sei sinfonie ossia quartette (six symphonies ou bien quatuors), montrant qu'à cette époque la distinction entre orchestre et quatuor n'était pas toujours faite, amalgames qui ne furent plus possibles après 1770 car Joseph Haydn avait entre temps composé son opus 9 (1769) (2).
La question posée est la suivante: Les premiers quatuors de Boccherini étant antérieurs à l'opus 9 de Haydn (1769-70) qui sont selon leur auteur ses véritables premiers quatuors, l'antériorité des oeuvres de Haydn ne peut être prise en compte que si on considère que les divertimenti a quattro de ce dernier, composés vers 1757, sont de véritables quatuors à cordes.
Pour moi, il ne fait aucun doute que les divertimenti à Fürnberg sont en fait d'authentiques quatuors à cordes préclassiques, malgré leur coupe en cinq mouvements de type divertimento, et l'invention du quatuor reviendrait donc à Haydn. Toutefois il me faut convenir que l'opus 2 de Boccherini est peut-être le plus proche du quatuor classique tel que nous l'entendons maintenant et que donc, bien qu'il ne soit pas le premier chronologiquement à avoir composé des quatuors à cordes, Boccherini a eu une intuition de génie.
Sujet: Re: SOURCES DU QUATUOR A CORDES Mar 18 Fév - 10:09
On a la chance de disposer d'une superbe version des six quatuors de l'opus 2 de Luigi Boccherini par le quatuor Alea et édité par le label Stradivarius.
Sujet: Re: SOURCES DU QUATUOR A CORDES Jeu 20 Fév - 23:43
Petit retour en arrière avec Georg Phillip Telemann (1681-1767). Avec ses quatuors Parisiens, il jette un véritable pavé dans la mare! En 1730 sont publiés : 6 quadri pour flûte traversière, violon, viole de gambe, clavecin En 1738 paraissent chez un éditeur parisien: 6 Nouveaux Quatuors en six suites pour la mâme formation, appellation rédigée en français composés à l'occasion d'un séjour de huit mois à Paris en 1737 et 1738 (1). Les titres de chaque morceau constituant la suite sont rédigés en français. Par exemple pour la suite n° 6 en mi mineur, on a successivement: Prélude, Gay, Vite, Gay, Gracieusement, Modéré.
Ces oeuvres peuvent être vues comme une extension de la sonate en trio. Aux deux voix de soprano (le violon et la flûte traversière) et à la basse chiffrée (le clavecin) de la sonate en trio, s'ajoute la viole de gambe. Cette dernière, loin de doubler la basse, est totalement indépendante et fonctionne avec un ambitus très étendu couvrant trois octaves. Elle est notée en clé de fa et surtout en clé d'ut3 et donc peut être considérée comme une voix de ténor, ancêtre possible de l'alto dans le quatuor à cordes.
Toutefois ces oeuvres sont profondément baroques autant pour le fond que pour la forme. La coupe revêt en effet l'allure d'une suite de danses (bien que les titres ne sont pas donnés, on reconnait les Ouvertures, Allemandes, Courantes, Menuets etc… de la suite) et la suite n°6 en mi mineur se termine par une Chaconne grandiose qui sert de conclusion pour la série tout entière. La suite n°2 en la mineur est également très spectaculaire et se termine par une grande Passacaille solennelle. Le contrepoint règne en maître et ces oeuvres servirent de modèle à une école d'Allemagne du nord conservatrice qui fustigea violemment les initiatives viennoises et le quatuor Haydnien en particulier.
Ces Nouveau Quatuors en six suites sont d'une richesse d'invention époustouflante!
Sujet: Re: SOURCES DU QUATUOR A CORDES Ven 21 Fév - 22:50
Les six quatuors à cordes de Franz Xaver Richter (1709-1789) opus 5 furent composés aux alentours de 1757 et sont donc probablement les contemporains des divertimenti a quattro de Joseph Haydn. Ils présentent les caractères suivants:
-écrits pour deux violons, un alto et un violoncelle, ils manifestent une volonté d'indépendance des quatre instruments. L'alto et le violoncelle se voient confier des mélodies importante et ont des traits souvent difficiles à jouer. L'écriture est souvent contrapuntique mais ne dédaigne pas non plus des passages concertants. L'absence de continuo est attestée par un témoignage de Dittersdorf rapporté par Griesinger: Nous nous attaquames à six nouveaux quatuors de Richter que Schweitzer avait reçus. Il tint la partie de violoncelle, moi de premier violon, mon frère de second violon, mon frère cadet d'alto. (1). -ils comportent trois mouvements vif, lent, vif, succession tout à fait classique. -l'inspiration n'a presque plus rien de baroque et est presque classique. Les harmonies sont souvent audacieuses, parfois presque romantiques (trio du menuetto terminant le quatuor en la majeur). La musique est profondément différente de celle que Joseph Haydn composait à cette époque, elle s'apparenterait plus, à mon humble avis, à ce que Haydn composera quelques quinze années plus tard dans ses quatuors de l'opus 20, l'andante (en sol mineur) du quatuor en si bémol majeur ressemble à certains passages du quatuor opus 20 n° 2 de Haydn en sol mineur également.. Le quatuor en si bémol majeur se termine d'ailleurs par une fugue anticipant les fugues somptueuses terminant 3 des quatuors de l'opus 20. -en tout état de cause ces quatuors sont absolument remarquables et à découvrir d'urgence pour ceux qui ne les connaissent pas. -une analyse du quatuor opus 5 en la majeur figure dans le lien (2).
Sujet: Re: SOURCES DU QUATUOR A CORDES Lun 24 Fév - 11:17
Paru le 10 juillet 2010, un enregistrement très intéressant appelé "Naissance du quatuor à cordes" Au programme: Alessandro Scarlatti: sonata a quattro n° 4 en ré mineur (après 1715) Giovanni Battista Sammartini: Sinfonia per archi en sol majeur J-C 39 (antérieure à 1740) Wolfgang Mozart: Quatuor n° 1 en sol majeur K 80 (1770) Luigi Boccherini: Quatuor n° 1 opus 2 en do mineur G 159 (1761)
La sonata a quattro d'Alessandro Scarlatti débute par une fugue austère dans laquelle les quatre voix sont conduites avec beaucoup d'habilité. L'instrumentation 2 violons, alto, violoncelle évoque le quatuor à cordes classique, toutefois la partie d'alto qui ne descend pas plus bas que le sol2, suggère que la voix originelle était un troisième violon comme c'était généralement le cas dans la période baroque et que la voix d'alto dans la partition jouée ici résulte de la transcription plus tardive d'une oeuvre écrite pour trois voix indéterminées (flûtes, violons?) et une basse.
La sinfonia per archi en sol majeur J-C 39 de Giovanni Battista Sammartini (1700-1775) fait partie du groupe des symphonies pour cordes seules de la jeunesse du compositeur. Composée sans doute entre 1730 et 1740 (1), c'est une oeuvre qui plonge encore ses racines dans le monde baroque; très proche encore des sinfonie per archi d'Antonio Vivaldi comme par exemple la sinfonia en sol majeur RV 149 datant de 1740, elle sonne aussi bien, jouée par un quatuor à cordes comme c'est le cas ici ou le petit orchestre à cordes muni d'un clavecin pour lequel elle a été probablement écrite.
On passe tout naturellement du minuetto de la sinfonia de Sammartini au premier quatuor à cordes de Mozart (1770), cette dernière oeuvre, composée à Lodi lors de son premier voyage en Italie, est beaucoup plus tardive et n'entre donc pas en ligne de compte dans la recherche des Sources du quatuor à cordes. Sa présence dans ce disque s'imposait, la transition étant idéale entre Sammartini et son admirateur, le jeune Mozart.
Les quatuors opus 2 de Boccherini ont fait l'objet d'un exposé plus haut.
(1) The Symphonies of J.B. Sammartini. Vol I The early symphonies. Edited by Bathia Churgin. Cambridge: Cambridge University Press, 1968.
Sujet: Re: SOURCES DU QUATUOR A CORDES Ven 28 Fév - 20:21
Il faut maintenant nous arrêter sur la série des dix huit concertini a quattro de Giovanni Battista Sammartini. Il s'agit de quatuors probablement conçus pour une flûte traversière, deux violons et un violoncelle que l'on joue parfois avec deux violons, un alto remplaçant le troisième violon et le violoncelle. Selon Georges de Saint Foix, ils auraient été composés en 1767 ou 1768 (1). Ils sont composés de trois mouvements avec la coupe vif, lent, vif, toutefois le premier mouvement peut être un un adagio, suivent ensuite deux mouvements vifs dont un menuetto. Cette musique est plutôt homophone avec un premier violon (ou la flûte) qui jouent un rôle prépondérant, les trois autres accompagnent. L'inspiration est résolument "moderne", voire galante et la partie de violoncelle, plutôt simple; est bien écrite pour cet instrument et ne saurait être remplacée par une basse continue. On peut noter que le terme de concertino a été utilisé par Joseph Haydn pour désigner ses quatuors HobXIV pour clavier, deux violons et un violoncelle composés entre 1760 et 1764 (2). Quels que soient les mérites de ces concertino a quattro de Sammartini, leur date de composition est nettement plus tardive que celle des Divertimenti a quattro de Haydn.
Sujet: Re: SOURCES DU QUATUOR A CORDES Mer 5 Mar - 23:37
Les quatuors opus 1 du Chevalier de Saint-George
Les quatuors Fürnberg de Joseph Haydn furent rapidement diffusés en France et en 1764, une édition Parisienne (Chevardière) fit connaître les divertimenti a quattro opus 1 n° 1 à 4, aux amateurs. Le genre du quatuor à cordes trouvait un terrain fertile en France, nous avons signalé plus haut les quatuors de Louis-Gabriel Guillemain (Conversations galantes et amusantes, 1743) comme de possibles ancêtres de ce genre musical.
Parmi les compositeurs de quatuors français ou ayant séjourné en France: François-Joseph Gossec (1734-1829), François Devienne (1757-1803), André Grétry (1741-1813), Giuseppe Maria Cambini (1746-1825)…., il faut faire une place à part au Chevalier de Saint-George (1745-1799) (1) qui composa trois séries de 6 quatuors soit dix huit en tout. Les premiers quatuors de ce musicien, son opus 1 (six quatuors en do majeur, mi bémol majeur, sol mineur, do mineur, sol mineur et ré majeur) sont composés en 1773, date de la composition des quatre derniers des six quatuors Milanais K 155-160 de Wolfgang Mozart (1772-1773). L'année précédente Joseph Haydn avait publié ses six quatuors du Soleil opus 20.
L'écoute de la série de l'opus 1 du Chevalier de Saint-George permet de dégager les points suivants: -la facture est résolument moderne, il n'y a pas de basse continue et le violoncelle a un rôle propre, il complète l'harmonie et participe efficacement à la conversation entre les quatre instruments; -la coupe comporte deux mouvements; -les premiers mouvements adoptent la structure sonate à deux thèmes bien individualisés. Le thème principal est souvent long et très chantant; -le mode mineur fréquemment employé confère à ces oeuvres un caractère souvent mélancolique et parfois passionné. -le style généralement homophone donne au premier violon la part du lion qui rappelle que Saint-Georges fut un grand violoniste.
Ces quatuors sont très intéressants et tiennent une place notable dans l'histoire de ce genre musical (2), ils mériteraient d'être plus connus.
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Sujet: Re: SOURCES DU QUATUOR A CORDES Ven 7 Mar - 12:14
Voici une très intéressante étude sur l'origine du quatuor à cordes.
De mémoire, il me semble que seuls Boccherini et Haydn, qui ne se connaissaient pas, et à peu près en même temps, ont "inventé" le quatuor à cordes tel que nous le connaissons, en quatre mouvements. Les autres compositeurs s'étant limités à deux ou trois mouvements. En France, il ne faut pas oublier Pierre Vachon et Dalayrac. Vachon a composé une trentaine de quatuors (dont les 6 quatuors concertants opus 11), Dalayrac 36 quatuors hélas complètement inconnus. Pour l'un et l'autre, les quatuors sont en 2 ou 3 mouvements, alors que les 18 quatuors de Saint George sont tous en 2 courts mouvements (la plupart des quatuors ne dépassent pas les 10 minutes).
Joachim
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Sujet: Sources du quatuor à cordes Ven 7 Mar - 12:58
Piero1809 a écrit:
On m'a fait remarquer sur facebook l'importance de l'école française dans la genèse du genre du quatuor à cordes. Gossec, Grétry, Devienne y ont joué un grand rôle mais surtout le Chevalier de Saint-Georges qui pour certains serait le père du quatuor moderne.
Joachim nous a parlé avec enthousiasme de ce musicien talentueux dans le sous-forum compositeurs et musiciens. Je prépare maintenant un petit exposé sur les quatuors à cordes de Joseph Boulogne, Chevalier de Saint-Georges qui figurera dans la rubrique Sources du quatuor à cordes.
Grétry a composé 6 quatuors opus 3 Gossec, 12 quatuors, opus 14 et 15 (dans l'op 14 le premier violon peut être remplacé par une flûte) Saint George, 18 quatuors op 1, WoO et 14
Par contre, je ne sais pas si Devienne a composé de "vrais" quatuors à cordes, à moins que pour certains de ses 24 quatuors concertants (op 16, 62, 66 et WoO), composés pour flûte et trio à cordes, on puisse remplacer la flûte par un violon ?
On peut y ajouter des compositeurs majeurs en quatuors : Vachon, Jadin, Dalayrac, Breval, Davaux, Guénin, Rigel.
La France des Lumières (puis révolutionnaire) a bénéficié d'une foison de compositeurs de symphonies et musique de chambre, qu'on a bien oubliés, je me demande bien pour quelle raison ?
Sujet: Re: SOURCES DU QUATUOR A CORDES Mer 2 Avr - 12:05
Joachim a écrit:
On peut y ajouter des compositeurs majeurs en quatuors : Vachon, Jadin, Dalayrac, Breval, Davaux, Guénin, Rigel.
La France des Lumières (puis révolutionnaire) a bénéficié d'une foison de compositeurs de symphonies et musique de chambre, qu'on a bien oubliés, je me demande bien pour quelle raison ?
Merci beaucoup Joachim pour ces informations toujours précises. Il apparait chaque jour plus évident que l'école française du quatuor à cordes s'est montrée très active dans ce domaine. Force est de constater toutefois que la plupart des compositeurs cités ont écrit leurs quatuors à cordes bien après les premiers composés par Joseph Haydn. Comme le sujet traité ici Sources du quatuor à cordes met l'accent sur les pionniers dans ce genre musical, je vais me limiter dans ce qui suivra aux musiciens susceptibles d'avoir participé à la création de ce genre.
Toutefois on aura l'occasion de reparler de tous ces remarquables compositeurs de quatuors français dans un autre cadre. J'ai écouté récemment un quatuor à cordes de Hyacinthe Jadin qui m'a beaucoup plu!
Dernière édition par Piero1809 le Jeu 3 Avr - 8:34, édité 2 fois
Sujet: Re: SOURCES DU QUATUOR A CORDES Mer 2 Avr - 12:18
Giuseppe Maria Cambini (1746-1825)
Quand Giuseppe Maria Cambini arrive en France, sans doute en 1773, il a à son actif de nombreuses oeuvres de musique de chambre et parmi ces dernières, d'intéressants quatuors pour hautbois, violon, violoncelle et clavecin dont la structure et l'instrumentation sont voisins de ceux des quatuors de Louis-Gabriel Guillemain que nous avons examinés plus haut. La présence d'une basse continue et certaines réminiscences baroques excluent ces oeuvres du cadre que nous nous sommes fixés.
Les premiers vrais quatuors à cordes (deux violons, alto, violoncelle) de Cambini, appelés quatuors concertants T 7-12 (1), sont composés en 1774 à Paris. Ils sont le plus souvent en deux mouvements, un allegro suivi d'un thème varié comportant généralement une variation adagio et une variation dans le mode mineur quand le mode principal est majeur. Ce sont des oeuvres typiquement galantes, généralement homophones avec une partie de premier violon prépondérante, pouvant être remplacée par une flûte.
Cambini est un compositeur extrêmement prolifique et il écrira plus d'une centaine de quatuors. Les plus connus sont les quatuors T 169-174 dédiés à Monsieur de Lacépède, célèbre biologiste, zoologiste et excellent musicien, devenu sénateur et très temporairement Grand Maître de l'éphémère Université Impériale en 1815 pendant la période des Cent Jours. Ces quatuors sont écrits entre 1804 et 1806 dans un style bien plus polyphonique que bien des quatuors précédents, ils sont extrêmement intéressants et agréables à écouter pour eux-mêmes à condition qu'on ne cherche pas à les comparer avec les quatuors n° 7, 8 et 9 Rasumovsky de Beethoven contemporains. Il y a en effet un monde entre le charmant musicien italien et le génial créateur de formes et d'harmonies musicales absolument neuves.
(1) Classification de Dieter Lutz Trimpert (2) Cambini rencontra Wolfgang Mozart à Paris en 1778, ce dernier l'accusera d'avoir intrigué pour empêcher l'exécution de sa symphonie concertante K 297b pour hautbois clarinette, cor et basson.
Sujet: Re: SOURCES DU QUATUOR A CORDES Mar 8 Avr - 18:41
François-Joseph Gossec (1734-1829) Pour plus de détails concernant la vie et la production de ce compositeur quasiment contemporain de Joseph Haydn, voir (1). (1) http://fr.wikipedia.org/wiki/François-Joseph_Gossec
Les premiers quatuors à cordes (6 quatuors opus 14) de Gossec remontent à 1769. Dans cette série, le premier violon peut être remplacé par une flûte. La série suivante: les six quatuors opus 15 sont de vrais quatuors à cordes écrits spécifiquement pour deux violons, un alto et un violoncelle, ils datent de 1772 et sont donc contemporains des quatuors opus 20 Soleil de Joseph Haydn. En deux mouvements (comme le sont également les quatuors de Saint Georges), ils font preuve d'élégance et sont très agréables à écouter. Le quatuor opus 15 n° 6 en la majeur comporte deux mouvements. Le premier mouvement est une structure sonate classique à deux thèmes dont le deuxième est dans le mode mineur. Le développement est construit autour du premier thème et comporte d'amusantes appoggiatures au violoncelle. La fin du développement, d'abord très dramatique, amène avec beaucoup de naturel la réexpédition très voisine de la première partie. Le deuxième mouvement est un court rondo 2/4 dont le refrain est bâti sur un thème de marche. On peut écouter le quatuor en la majeur n° 6 de l'opus 15 interprété par l'Apollon Musagète Quartett:
Joachim
Messages : 664 Points : 814 Date d'inscription : 20/08/2007 Age : 78 Localisation : Nord
Sujet: Re: SOURCES DU QUATUOR A CORDES Ven 11 Avr - 10:52
A la même date, Pierre Vachon écrivait ses "Six Quatuors à deux violons, alto et basse", opus 2 (ou 6 dans une autre édition), dédiés à Mr le Comte de Guines, ainsi que son "Deuxième Livre de Six Quatuors", opus 7, dédiés aussi au Comte de Guines - ce Comte qui a dédaigné Mozart lors de son voyage à Paris.
Dommage que chez les français il manque presque toujours le mouvement lent entre l'allegro et le rondo. Pourquoi cette habitude ? Je n'ai pas la réponse.
Chez Vachon, il faut attendre certains quatuors de l'op 5 (1775) et les 6 de l'opus 11 (1784) pour trouver les 3 mouvements.
Sujet: Re: SOURCES DU QUATUOR A CORDES Lun 12 Mai - 12:07
Hyacinthe Jadin
Pour plus de renseignements concernant Hyacinthe Jadin, on peut consulter un article passionnant publié dans Passée des Arts (1). Ce musicien naquit en 1776 et mourur en 1800 à l'âge de 24 ans. A l'écoute de ses quatuors on mesure l'étendue de la perte pour la musique de cette mort prématurée. De six ans plus jeune que Beethoven, il n'aura probablement pas eu la possibilité d'écouter les œuvres de jeunesse de ce dernier, par contre on le sent pénétré de l'oeuvre de Haydn et Mozart. On sait en effet que celle de Haydn était largement diffusée en France et qu'une édition des quatuors opus 1 de Haydn fut publiée chez Chevardière en 1764 !
Hyacinthe Jadin me ravit par son style très original. C'est merveilleux de découvrir un esprit nouveau qui s'embarrasse fort peu de considérations formelles et nous gratifie à chaque instant d'émotions profondes.
Le quatuor en do majeur opus 3 n°1 est une œuvre passionnante, très personnelle de plus. C'est dans cette oeuvre que le style du compositeur se révèle le plus clairement. Le premier mouvement Allegro moderato débute par un chant très étendu du premier violon d'une grande beauté mélodique aux élans déjà romantiques. Le développement est remarquable par l'apreté de ses harmonies, il est élaboré à partir des deux thèmes de l'exposition. Une coda très prenante est basée sur le thème initial. L'adagio est très profond et toujours d'une grande simplicité. En son centre un passage très violent contraste avec le calme de toute la première partie. Le menuetto et l'admirable trio en do mineur qui suit, chanté éperdument par le violoncelle, sont très séduisants. Le menuetto me rappelle celui du quintette en do majeur K 515 de Mozart. On remarque que Hyacinthe Jadin n'utilise pas le terme de scherzo, terme que Joseph Haydn avait inauguré dans sa série de l'opus 33 en 1782. La fantaisie la plus débridée éclate dans le finale Presto de ce quatuor où surgit une citation textuelle du finale de la symphonie n°82 l'Ours, clin d'oeil plein d'humour à un musicien de deux générations son ainé.
Autre clin d'oeil, le Largo initial du quatuor en mi bémol majeur opus 2 n°1 est très voisin de l'introduction du quatuor les Dissonances K 465 de Mozart (1), mêmes batteries de croches du violoncelle et harmonies chromatiques semblables. L'allegro moderato qui suit 4/4 est une structure sonate épanouie dans laquelle on remarque un magnifique deuxième thème d'une ardeur toute romantique. Le mouvement lent Adagio 2/4 moins concentré que celui du quatuor précédent donne aux quatre instruments le temps de chanter de belles mélodies. Le menuetto très classique est dans la lignée de ceux des quatuors de Mozart et Haydn. Le mouvement final Allegro 2/4 termine l'oeuvre dans la gaité. C'est une structure sonate avec un très beau développement sur le premier thème tandis que le second thème apparaît dans le mode mineur ce qui le métamorphose.
Il est clair que le quatuor en do dans sa totalité et les deux premiers mouvements du quatuor en mi bémol témoignent d'une sensibilité toute préromantique. Pour illustrer ces propos j'ai choisi de donner la référence d'un CD du quatuor Mosaïques (2).
Sujet: Re: SOURCES DU QUATUOR A CORDES Jeu 15 Mai - 14:36
Louis-Emmanuel Jadin (1768-1853)
Le frère ainé de Hyacinthe Jadin a traversé lui, apparemment sans dommages, une époque troublée (Ancien Régime, Révolution, Terreur, Directoire, Empire, Restauration). Il fut toutefois mis à la retraite en 1830 par la Monarchie de Juillet. Il est le compositeur d'un grand nombre d'opéras mais ne négligea pas pour autant la musique instrumentale. Il est l'auteur de deux séries de quatuors à cordes, la première série (1789) est une oeuvre de jeunesse, la seconde (1814) appartient à la maturité du compositeur.
Le quatuor opus 2 n° 2 en fa mineur fut composé en 1814. A cette époque Beethoven avait révolutionné ce genre musical avec ses quatuors n° 7 à 9 (Razumowsky), n° 10 (Les Harpes) et n° 11 (Serioso), ce dernier en fa mineur également, datant de 1811. Si Beethoven bouleverse la forme et l'harmonie, notamment dans son quatuor n° 11 d'une hardiesse harmonique étonnante, rien de tel chez Jadin qui reste très classique pour la forme et le fond.
Le quatuor de Louis-Emmanuel Jadin est beaucoup plus lyrique que ceux de son frère Hyacinthe, à tel point que le premier thème du premier mouvement semble tout droit sorti d'un drame romantique. La conclusion de l'exposition est une merveilleuse petite phrase musicale que Marcel Proust aurait aimée. Autre caractéristique de ce premier mouvement, la place prépondérante du premier violon, prima donna, chargée des effusions lyriques les plus expressives. Le menuetto, appellation curieuse à une époque où le scherzo s'imposait dans la musique de chambre, fait office de deuxième mouvement, renouant avec une ancienne tradition. Pas de plaisanterie dans ce mouvement mais une mélancolie très prenante surtout dans le trio, sorte de valse triste. Le troisième mouvement adagio, très court, est très profond et recueilli. Le mouvement final toujours en fa mineur termine l'oeuvre dans une ambiance exaltée et préromantique.
Ce quatuor au charme prenant et coloré apportera de grandes satisfactions à ses auditeurs.
J'ai été très dérouté par le diapason utilisé par l'excellent quatuor Les Mosaïques, intermédiaire me semble-t-il, entre 415 et 440 Hz. A noter que les instrumentistes de ce quatuor utilisent des instruments de la fin du 18ème siècle.
Sujet: Re: SOURCES DU QUATUOR A CORDES Mar 24 Juin - 13:03
Qui est l'inventeur du quatuor à cordes ?
La réponse à cette question dépend des critères utilisés pour définir le quatuor à cordes :
1. Quatre instruments à cordes solistes : deux violons, un alto et un violoncelle. 2. Pas de basse chiffrée : pas de clavecin doublant la basse d'archet par exemple. 3. Jeu égal des quatre instruments participant à une conversation. Style résolument moderne contrastant avec les derniers soubresauts du Baroque, encore actif en France et en Allemagne du Nord. 4. Quatre mouvements : avec le menuetto en deuxième ou troisième position..
Si on se contente des deux premiers critères, alors les Divertimenti a quattro opus 1 Hob III.1,2,3,4,6 de Joseph Haydn sont, dans l'état de mes connaissances les premiers quatuors à cordes composés. Ils furent composés à partir de 1757, rappelons-le (1). Comme une incertitude concerne la date de naissance de la série des remarquables six quatuors de l'opus 5 de Franz Xaver Richter publiés en 1768 mais peut-être composés en 1757 (2), on doit considérer que l'antériorité revient à Joseph Haydn sous réserves de nouvelles données concernant les quatuors de Richter. L'opus 2 de Luigi Boccherini (1761) est écrit pour deux violons, alto et basse mais porte sur le frontispice de l'édition originale la mention pour orchestre à cordes. On sait que le genre musical du quatuor à cordes devint très populaire en France mais les premiers quatuors à cordes écrits par des musiciens français datent de 1772 et sont donc bien postérieurs à ceux de Haydn.
Si on considère les trois premiers critères, l'opus 1 de Haydn est également antérieur à tous les autres œuvres des compositeurs considérés dans les post précédents. En effet mis à part plusieurs mouvements lents de type sérénade (chant du premier violon accompagné de pizzicati des autres instruments), les mouvements rapides des Divertimenti a quattro l'opus 1 montrent une participation active et hardie des quatre instruments.
C'est le critère n° 4 qui est le plus restrictif. Les divertimenti a quattro de l'opus 1 de Haydn sont en cinq mouvements dont deux menuets et de ce fait s'apparentent au divertissement autrichien comme leur nom l'indique, ceux de Richter et de Boccherini possèdent trois mouvements. Les quatuors de l'opus 9 Hob III.19-24 de Joseph Haydn, qui eux datent de 1768, sont en quatre mouvements avec un menuetto en deuxième position et seraient donc les premiers véritables quatuors à cordes. Joseph Haydn les appelle encore divertiment a quattro, appellation qui perdurera jusqu'à l'opus 50 de 1787 !. Notons que parmi les quatuors composés en France, ceux de François-Joseph Gossec (opus XV) et de Pierre Vachon (opus VII) pour les plus anciens (1772), sont généralement en deux mouvements et que les quatuors composés en 1773 par le Chevalier de Saint George (opus I) et en 1772-3 par Wolfgang Mozart (quatuors Milanais K 155-160)) sont respectivement en deux et trois mouvements.
Quels que soient les critères considérés, les quatuors Fürnberg de Haydn ont été composés largement avant ceux de ses contemporains les plus actifs dans ce genre musical. Ils firent rapidement sensation en Autriche et dans d'autres pays dont la France. Connus très précocément des amateurs (éditions parisiennes en 1764 de l'opus 1 chez l'éditeur La Chevardière), ils inspirent les compositeurs contemporains. Une décennie plus tard, le choc provoqué par l'opus 20 Hob III.31-36 composé par Haydn en 1772 amène Mozart à composer en 1773 ses six quatuors Viennois K 168-173. L'opus 33 Hob III.37-42 datant de l'année 1782 est en partie à l'origine de la fameuse série des quatuors de Mozart dédiés à Haydn (1782-85). En 1782, Ignace Pleyel fait paraître une série de quatuors directement inspirés de ceux de son maître Haydn. Nous avons vu récemment combien les magnifiques quatuors opus 2 et opus 3 de Hyacinthe Jadin, qui eux datent de la toute fin du 18ème siècle, étaient tributaires de leur modèle Haydnien !
Evidemment nous sommes bien conscients du fait que le quatuor à cordes n'est pas apparu par génération spontanée, que la genèse de sa forme moderne telle que nous l'avons définie plus haut fut lente et son évolution progressive et qu'elle est certainement le fruit d'une démarche collective. Il est donc pas impossible que ce genre musical ait été conçu par des contemporains de Joseph Haydn maintenant oubliés. En tout état de cause, la puissance créatrice et l'instincts novateur de Haydn ont d'emblée fait un classique d'une œuvre au départ expérimentale, et c'est évidemment elle que la postérité a retenue.
Sources Bibliographiques: 1. Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, pp. 801-817, 1988. 2. Michelle Garnier-Panafieu, le quatuor à cordes au temps de Mozart: trajectoires et spécificités, dans Cordes et clavier au temps de Mozart, Thomas Steiner Ed., Peter Lang S.A., Berne 2010.
Dernière édition par Piero1809 le Mar 15 Juil - 14:32, édité 1 fois
Il s'agit du commentaire d'une série de concerts intitulés: Naissance du quatuor à cordes, donnés par The Emergence Quartet consacrés à des oeuvres servant de jalons dans la genèse du quatuor à cordes, thème développé dans ce sujet.
Le programme comporte des oeuvres de Georg Friedrich Telemann, Johann Friedrich Fasch, Franz Xaver Richter et Joseph Haydn, oeuvres d'un intérêt considérable compte tenu du sujet qui nous intéresse.
Nous reviendrons sur cet article, une fois connues les oeuvres interprétées.