Quatuor n° 1 en mi majeur HobIII.25. Datés de 1771, les quatuors opus 17, comme ceux de l'opus 9, sont publiés pour la première fois chez Hummel à Amsterdam (1). Quelle différence avec l'opus 9! le cadre est élargi, les idées plus chantantes et généreuses, le discours plus polyphonique. Comme dans l'opus 9, le menuet est en deuxième position.
Premier mouvement Moderato 4/4. Le thème principal possède un lyrisme et une dimension qu'on chercherait vainement dans les quatuors précédents. Il n'y a pas à proprement parler de second thème mais de brillantes ritournelles dont l'une fortissimo à la fin de l'exposition permet au premier violon de s'envoler dans le suraigu tandis que la basse résonne dans les profondeurs. L'effet sonore est d'une nouveauté saisissante. Le développement, vaste et bien architecturé, repose sur le thème principal. Au bout de quinze mesures on croit que le développement s'arrête car on assiste à une réexposition du thème principal à la tonique. Il s'agit en fait d'une des premières apparitions de la fausse rentrée, procédé adoré par Haydn et non dépourvu d'humour. Cette fausse rentrée débouche en en fait sur un nouveau développement sur le thème principal. On remarque la magnifique marche harmonique à partir du thème principal du violoncelle. La réexposition est notablement modifiée et le mouvement s'achève piano.
Menuetto. Le caractère de ce menuet est donné par de vigoureux rythmes pointés. A l'écoute de ce morceau on pense au menuetto du quatuor en la majeur K 464 de Mozart, composé près de quinze ans plus tard. Mozart a certainement connu l'opus 17 de Haydn. Il existe d'après Marc Vignal, une esquisse en mi majeur (tonalité du présent quatuor) de Mozart datant de 1782, reprenant des thèmes du premier mouvement ci-dessus et qui aurait pu devenir un des quatuors dédiés à Haydn (1). Le trio en mi mineur apporte une touche de mélancolie à un mouvement globalement serein.
L'adagio 6/8 en mi mineur est une sicilienne d'une grande beauté mélodique. Il n'est plus question ici de sérénade mais d'un mouvement de musique de chambre très profond et pathétique où les quatre instruments collaborent. La forme est celle d'une structure sonate sans développement mais avec une transition particulièrement intense. La réexposition, notablement modifiée, est remarquable par ses harmonies chromatiques.
Le finale Presto 2/4 est une structure sonate, spirituelle et énergique.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard 1988, pp 959-60.
Dernière édition par Piero1809 le Mar 5 Mai - 8:19, édité 2 fois
Allegro moderato 4/4. Le quatuor s'ouvre par une structure sonate très classique débutant par un long thème très lyrique dans lequel les quatre protagonistes collaborent efficacement. L'exposition se termine par quelques mesures pianissimo très mystérieuses. Le développement assez court est construit à partir du thème principal qui passe par des modulations expressives. Le motif pianissimo revient plus mystérieux que jamais. La réexposition est légèrement modifiée et le mouvement se termine dans la douceur. Menuetto, Poco Allegretto 3/4. Très chantant le menuet est un morceau très élégant dont la deuxième partie, très développée, est remarquable par les dissonances passagères engendrées par les retards. Le trio en re mineur est mélancolique et reste dans les mêmes nuances un peu rêveuses du menuetto. Adagio, si bémol majeur, 2/2. Le premier violon a la part du lion, les autres instruments accompagnent et ce mouvement rappelle les sérénades des opus 1 et 2. La beauté mélodique de cette partie de violon est fascinante. Au milieu du morceau, on note une succession de modulations très expressives dont Mozart s'est peut-être inspiré quand il écrivit l'andante de son quatuor n° 15 en sol majeur K 387. La réexposition est en tous points semblable à l'exposition de ce morceau de sonate sans développement. Allegro di molto 2/4. Il s'ouvre par un thème incisif et plein de vitalité et demande une grande virtuosité au premier violon. Le thème initial fait ensuite l'objet d'une marche harmonique très polyphonique. Le beau développement est très court et entièrement basé sur le thème initial qui fait l'objet d'imitations contrapuntiques très serrées. Ce mouvement final se termine par un brillant unisson. Ce final par ses dimensions et sa significations musicale a un poids comparable a celui du mouvement initial.
Quatuor n°3 en mi bémol majeur HobIII.27 C'est, à mon humble avis, un des plus beaux quatuors de la série.
Andante grazioso 2/4. Un thème suivi de quatre variations ouvre le quatuor. Le thème admirablement harmonisé a peut-être inspiré Mozart lorsqu'l composa les variations contenues dans ses quatuors Viennois (premier mouvement du quatuor en do majeur K 170 datant de 1773). La première variation consiste en une broderie de triolets de doubles croches sur le thème, jouée par le premier violon. Dans la seconde variation le premier violon s'écarte du thème dans une magnifique envolée lyrique tandis que les autres instruments jouent un accompagnement très subtil. La troisième variation, en grande partie en triples croches au premier violon, suggère que les instrumentistes que Haydn avait à sa disposition, avaient des capacités techniques de premier ordre. Dans la quatrième variation et dernière variation, le thème réapparait au premier violon pratiquement inchangé et c'est le violoncelle qui se distingue avec un accompagnement très riche.
Menuetto Allegretto 3/4. Le thème est remarquable par son asymétrie bien caractéristique de Haydn qui se devait bien d'être original! Ce menuet frappe par son élégance et se distingue aussi par une discrète couleur d'Europe centrale. Le remarquable trio a le caractère d'un laendler autrichien et sa sonorité envoutante est vraiment riche et moelleuse.
Adagio 3/4. Le mouvement lent se recueille dans la tonalité de la bémol majeur. Les quatre instruments collaborent à parts égales et ce mouvement acquiert une profondeur nouvelle. A la fin de la deuxième exposition du thème principal, les modulations deviennent très hardies et on atteint la tonalité très éloignée de sol bémol mineur! L'exposition s'achève avec une gamme du premier violon qui atteint des hauteurs inhabituelles. Ce mouvement qui est en fait une structure sonate sans développement, a inspiré peut-être Mozart dont le magnifique adagio en la bémol majeur également du divertimento K 563 de 1788 possède, à mon humble avis, des similitudes marquées avec ce morceau. La réexposition très variée possède une profondeur accrue du fait de modulations nouvelles. La fin du morceau, pianissimo est très émouvante. Ce magnifique mouvement doit figurer parmi les grands mouvements lents de la production de Haydn.
Allegro molto 4/4. Un mouvement endiablé conclut le quatuor. Le thème joyeux et dynamique, une fois exposé est repris dans un brillant canon par les quatre instrumentistes. L'énergie déployée est telle que parfois on entend un orchestre à cordes. Le magnifique développement polyphonique et d'une constante énergie est digne des plus belles oeuvres de Haydn (1).
Attention chef d'oeuvre!. On dit souvent que la source d'inspiration principales de Mozart écrivant sa fameuse série de six quatuors dédiés à Joseph Haydn furent les quatuors de l'opus 20 et de l'opus 33 de ce dernier. C'est ignorer que Mozart connut également l'opus 17 et qu'il s'en inspira peut-être d'avantage que des quatuors précités dans la série des six quatuors dédiés à Haydn et aussi dans celle des trois quatuors Prussiens de 1789-90. Ce quatuor en do mineur de Joseph Haydn nous en apporte la preuve car il y a une ressemblance troublante entre le début de ce quatuor et celui du quatuor en fa majeur K 590 composé en 1790, près de vingt ans plus tard.
Moderato 4/4. Le thème initial est très long, il débute par deux blanches qui lui donnent une solide assise. Ces deux blanches vont d'ailleurs jouer un rôle de premier plan dans le mouvement entier et tout particulièrement à la fin du développement. Les sentiments exprimés ici sont tellement forts que les soucis de forme apparaissent secondaires, le développement de cette structure sonate est en effet court (30 mesures environ) et relativement peu élaboré; ce mouvement consiste en fait en un chant continu des quatre instruments culminant dans une coda extrêmement dramatique. Jamais à cette date Haydn n'avait composé une conclusion aussi intensément expressive. Fin pianissimo.
Menuet Allegretto do majeur 3/4. Après un menuet volontiers rustique et vigoureusement scandé par le violoncelle, le trio en do mineur est une plainte déchirante débutant de façon abrupte. Les harmonies chromatiques, les syncopes et les retards accentuent le caractère douloureux de la deuxième partie du trio.
Adagio 3/4 en mi bémol majeur. La structure de cet adagio (A, A', B, A") est curieuse et ressemble à l'aria baroque avec da capo. Une première partie A est ensuite répétée avec une riche ornementation (A'). On peut remercier Haydn d'avoir écrit avec une précision millimétrée les divers types d'ornements ce qui nous donne de précieuses indications sur la manière de varier et d'interpréter sa musique. L'écriture de la partie de premier violon est acrobatique avec des passages dans l'extrême aigu et surtout une foule de doubles cordes très périlleuses. Dans la partie centrale c'est le violoncelle qui a la partie la plus expressive et dramatique. Enfin la dernière partie A" est une récapitulation très condensée de la première partie.
Allegro 2/2 en do mineur. Il débute avec la plus grande énergie avec un sujet de fugue alla breve au premier violon qui appelle immédiatement des contrepoints des trois autres instruments. L'exposition se termine au relatif majeur avec des figurations du premier violon dans l'extrême aigu. Le développement entièrement basé sur le sujet initial est relativement court (moins de 30 mesures) tant Haydn est pressé de retrouver l'élan initial plus énergique que jamais de ce mouvement. La réexposition ne consiste pas en effet en une simple transposition dans la tonalité de do mineur de l'exposition mais est complètement transfigurée dans l'expression, les sauvages doubles cordes arrachées par le premier violon puis le second violon semblent indiquer que le compositeur est en proie à un accès de fureur (1) d'intensité exceptionnelle. Après un passage piano lourd de menaces, cet étonnant mouvement se termine par une coda fortissimo absolument déchainée.
(1) Ce quatuor me semble inspiré par l'opéra seria et ce mouvement final me fait penser à l'aria di furore qui clôt parfois le premier ou le deuxième acte de ce genre musical. (2) Les deux codas qui terminent les mouvements extrêmes de ce quatuor sont remarquables. Un an plus tard Wolfgang Mozart terminera ses premiers et quatrièmes mouvements des symphonies K 130, 133 et 134 par des codas développées et significatives.
Sujet: Re: LES QUATUORS OPUS 17 Mer 22 Avr - 23:07
Quatuor n° 5 opus 17 en sol majeur HobIII.29
Après les deux magnifiques quatuors n° 3 en mi bémol majeur HobIII.27 et n° 4 en do mineur HobIII.28, une détente s'imposait. C'est probablement ce que Joseph Haydn voulait en plaçant après le quatrième quatuor en do mineur, celui n° 5 en sol majeur HobIII.29 que nous examinons maintenant. Ce quatuor est en effet plus léger et plus bref que les deux précédents mais tout aussi élaboré sinon encore plus. La tonalité de sol majeur lui confère un caractère joyeux et ensoleillé.
Moderato 4/4. Le premier mouvement est une structure sonate classique à deux thèmes. Le thème initial est remarquable par des nombreux rythmes lombards (1), il est suivi par un canon très serré associant le second violon, le violoncelle et l'alto. Le second thème piano a une tournure inattendue, il est suivi par un passage en triolets de doubles croches tout en doubles cordes d'une terrible difficulté d'exécution. Encore un défi à relever par Luigi Tomasini (né à Pesaro en 1741- décédé à Eisenstadt en 1808), premier violon au service du prince Eszterhazy! Le développement est plus long que l'exposition, on y remarque un beau travail tout en syncopes sur un motif énoncé lors de l'exposition.
Après un menuetto rustique utilisant volontiers l'écriture canonique, le trio en sol mineur, joué constamment piano par le violoncelle, montre un visage inquiet qui contraste avec l'insouciance du menuet.
Adagio 3/4 en sol mineur. L'adagio du quatuor en do mineur HobIII.28 ressemblait à une aria d'opera seria, avons-nous dit plus haut. Ici nous avons affaire à une véritable scène dramatique. Ce mouvement s'ouvre par une courte introduction plaintive, sorte de lamento suivie par un beau récitatif accompagné très développé s'achevant par un point d'orgue et laissant la place à la véritable aria en si bémol majeur. Le premier violon a le rôle de la prima donna et se livre à un chant très ornementé qui se continue avec un retour de l'introduction. Le récitatif reprend ses droits avec un discours très fragmenté interrompu par des points d'orgue dramatiques. Le mouvement s'achève avec un retour de l'aria cette fois en sol mineur. Fin pianissimo très émouvante.
Presto 2/4. C'est une structure sonate très concentrée construite sur un thème unique, motif rythmique composé de cinq croches et d'une noire. Ce thème est exposé par les deux violons et entrecoupé par une courte figuration à caractère humoristique de l'alto puis du violoncelle. Ce motif joue un rôle important dans le développement construit principalement sur le thème initial. On retrouve dans ce mouvement la virtuosité du premier mouvement.
On ne peut qu'être émerveillé devant la fantaisie et la variété de l'inspiration de Joseph Haydn dans cette série de quatuors.
Dans la lignée du quatuor précédent en sol majeur, ce quatuor est remarquable par son dynamisme et son optimisme. Avec un quatrième mouvement magnifique, il offre une belle conclusion au cycle tout entier.
Presto 6/8. Il s'ouvre avec un thème au caractère populaire affirmé qui va s'imposer tout au long de l'exposition. Cette dernière, remarquable par son caractère très modulant, s'achève par un thème nouveau issu du thème initial, présentant une analogie frappante avec un passage (même motif, même harmonisation) du menuetto du quatuor en do majeur K 465 de Wolfgang Mozart, sixième de la fameuse série dédiée à Haydn. Cette analogie ainsi que d'autres relevées dans plusieurs quatuors de cette série, révèlent que l'opus 17 a été une importante source d'inspiration pour Mozart. Le développement assez court est entièrement bâti sur le thème initial. La réexposition est profondément différente de l'exposition.
Menuetto 3/4. C'est un agréable morceau dansant et élégant. La dissonance sur la quatrième note du thème descendant du menuet apporte un charme imprévu à la mélodie. Le trio dans la même tonalité donne la part principale au premier violon qui déroule d'harmonieuses volutes toutes en triolets.
Largo 4/4 en sol majeur. Il débute comme un air de ténor dans un opéra seria avec une longue tenue du premier violon. La suite ressemble plus à un petit concerto pour violon et cette première partie se termine par une cadence appellant une improvisation du soliste, puis par tout un passage en doubles cordes d'exécution très difficile. La deuxième partie reprend les thèmes de la première en la variant notablement par des modulations mineures très expressives. On retrouve à la fin la cadence notablement enrichie par des trilles grimpant dans les hauteurs et le mouvement se termine avec les étonnantes doubles cordes du premier violon transposées à la tonique. La beauté mélodique de ce mouvement est fascinante.
Presto 2/4. C'est à mon humble avis le morceau le plus intéressant et novateur. Il débute par un thème de fugato exposé successivement par les quatre instrumentistes. On note ensuite un intéressant passage du premier violon contenant des bariolages dont l'effet sonore est séduisant (1), ces bariolages sont suivis par un épisode sauvage possédant une intense couleur tzigane. Le développement est une extension du fugato de départ avec des contrepoints annonçant ceux des parties correspondantes des finales des symphonies n° 44 funèbre (1771) et n° 82 l'Ours (1786). Une courte coda pianissimo termine en beauté ce magnifique mouvement, l'oeuvre ainsi que le cycle des quatuors opus 17.
(1) Bariolages. Dans le cas présent on fait résonner la même note très rapidement avec alternativement une corde à vide (par exemple La) et sa voisine immédiate (Ré) en troisième position. Ce procédé entraine de subtiles dissonances et a été employé par Haydn à plusieurs reprises: menuetto de la symphonie n° 28 (1765), finale du quatuor en ré majeur opus 50 n° 6 (1787). (2) La partition est consultable ici: http://javanese.imslp.info/files/imglnks/usimg/7/77/IMSLP05105-Haydn_-_Op._17__No._6.pdf
Dernière édition par Piero1809 le Mar 5 Mai - 8:23, édité 1 fois
L'interprétation de l'opus 17 par le quatuor Buchberger est exemplaire. On peut être reconnaissant au premier violon de jouer des improvisations tout à fait appropriées au style de Haydn après les points d'orgue des cadences.