Jean-François Tapray est un musicien et compositeur français né en 1737 ou 1738 à Nomeny en Lorraine, et mort à Fontainebleau (?), entre 1810 et 1819.
Jean-François Tapray est le fils aîné d'une famille de musiciens qui compte de nombreux organistes réputés, formés dès leur plus jeune âge par leur père Jean, né en 1700 à Chaumont, fameux organiste des paroisses de Nomeny, Jussey (1740), Gray (1746), et Dole (1753). À Dole, le jeune Jean-François, au talent précoce, se fait entendre sur le grand orgue nouvellement construit par Karl-Joseph Riepp, à la Collégiale Notre-Dame de Dole. En 1754, Jean-François y est nommé organiste. Après de nombreux différends avec le chapitre, Jean-François rompt le contrat en 1759. Il s'installe à Besançon en 1765 avec son épouse; il y inaugure, une fois encore, l'orgue de la Cathédrale Saint-Jean de Besançon récemment construit par le même Karl-Joseph Riepp. En juin 1770, il est demandé en tant qu'expert à Langres à la suite des travaux effectués sur les orgues de l'église Saint-Pierre. En 1772, il obtient, recommandé par Monsieur Ethis, commissaire de guerres et membre associé de l'Académie des sciences de Besançon, et précédé de sa renommée, l'illustre charge de premier organiste titulaire des orgues de l'École royale militaire de Paris, dont il ne prend officiellement les fonctions qu'à la réception, en 1773, de l'orgue construit par Adrien Lépine.
Il assure cette fonction de 1773 à 1786, date à partir de laquelle il devient « pensionné du roi ». Au cours de ces treize années, l'organiste, en plus des fonctions de sa charge, donne des leçons de clavecin à des dames de la noblesse et de la haute bourgeoisie, ou à des enfants, telle la fille du compositeur André Grétry qui le tenait en grande estime en tant que « maitre de la modulation ». À partir de 1773, Tapray s'enthousiasme pour le piano-forte; il lui consacre une Méthode et lui destine ses dernières compositions.
En 1786, sa santé s'étant détériorée, il quitte ses fonctions. Il continue à exercer à examiner et à réparer des instruments, et à enseigner le clavecin. Il continue encore à diriger des concerts, y compris pendant la période révolutionnaire. Sa première biographie, qui date de 1811, n'indique pas clairement s'il est toujours vivant. Il ne figure pas sur l'acte de décès de sa sœur Claude-Antoinette, de 1815, à Fontainebleau, ce qui fait penser qu'il était mort à cette date. François-Joseph Fétis, qui a vécu à cette époque à Paris, indique comme année de décès 1819, mais cette date n'a pas pu être confirmée non plus.
De son vivant, Tapray est loué par ses contemporains : Jean-Benjamin de Laborde, Alexandre-Étienne Choron et François-Joseph-Marie Fayolle , Grétry, Heinrich Nikolaus Gerber … en tant que « bon compositeur », organiste renommé et excellent pédagogue. Ses œuvres sont alors régulièrement citées dans les périodiques (Le Mercure de France, Le Journal de Paris, L'Avant Coureur…), accompagnées souvent d'un commentaire élogieux. Selon Catherine Gas-Ghidina, « ses œuvres accordent la primauté à l'expression, à l'émotion, corrélatives des exigences prônées par le « bon goût ». Tout à tour méditative, expressive, émouvante, tourmentée, voir dramatisée, humoristique, malicieuse, la mélodie tapayrienne, en perpétuelle évolution, illustre la sensibilité profonde de son créateur. »
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Compositeur aux dates de naissance et de mort incertaines mais qui est de la génération d'Haydn. Tapray n'est pas un compositeur jouissant d'une grande notoriété mais sa musique pour clavier est très inventive et enrichit le répertoire ainsi que le panorama musical du temps de Haydn. Il est une figure tant de la transition du baroque au classique que du clavecin au piano.
Son oeuvre la plus connue est sans conteste son set de variations sur le thème des sauvages de Rameau, une oeuvre pour la moins ambitieuse :
J-F Tapray, Variations sur le thème des sauvages:
Je dois dire que cette pièce est révélatrice d'un esprit assez génial et d'une inventivité certaine au clavier. L'usage de chromatismes pour pimenter le discours et se sortir de certaines impasses et franchement plaisant, et étonnement moderne. On imagine facilement un grand improvisateur derrière tout ça. Par ailleurs il nous offre un joli mélange, le thème donnant un côté assez ancien à la chose mais les variations apportant un caractère bien plus classique. Une interprétation au piano moderne ou pianoforte serait intéressante je pense car l'instrument joue tout de même sur notre perception.
On trouvera en outre d'autres sonates aux sonorités bien plus classiques et dans l'air du temps. Ici une sonate en la majeur superbement interprétée au clavicorde et pleine de caractère, ce type d'oeuvre est sûrement tardive dans la vie du compositeur (après 1780) :
J-F Tapray, Sonate op 11-1:
Pour finir un concerto pour orgue / clavecin qui doit faire parti des premières oeuvres publiées par ce compositeur. Court, toujours un pieds dans la musique baroque, on a des relents de Corrette ou de Handel dans cette oeuvre tout à fait charmante :
J-F Tapray, Concerto pour orgue:
Bref, un commentaire rapide pour un compositeur totalement contemporain de Haydn qui enrichira un peu l'époque.
Joachim
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Sujet: Re: Jean-François Tapray (1737 / 1738 - 1810 / 1819) Mer 6 Juin - 21:10
Le nom de son père était Jean Taperet (1700-1770), un organiste célèbre, mais malgré mes recherche je n'ai pas trouvé à quelle date Tapeter est devenu Tapray
Tapray, bien sûr je connaissais de nom, mais je ne me souvenais plus de mes impressions à l'écoute des œuvres de ce compositeur. J'ai recherché parmi mes CD, que j'ai écoutés à la suite.
Le premier est l'intégrale de ses 6 concertos pour orgue :
Comme tu l'indiques toi-même, ces concertos sont des œuvres de jeunesse, composés en 1757 pour son frère Henri Philibert, et édités en 1758 comme "premier" opus 1 (il y aura un autre opus 1, 6 sonates pour clavecin avec un violon ad libitum datés de 1770 et apparemment il n'aurait rien composé entre ces deux dates, sauf peut-être les fameuses variations sur les Sauvages vers 1769/70, sans opus).
Ces concertos, comme on dit, pour un coup d'essai, ce fut un coup de maître, car à mon avis ils valent bien ceux de Michel Corrette. A noter que ces concertos sont les seules compositions pour orgue de Tapray qui pourtant était organiste.
Un autre CD concerne ses œuvres pour piano et instruments obligés :
On y trouve les deux quatuors opus 18, pour pianoforte, clarinette, alto et basson, le quatuor pour clavier, flûte traversière, alto et violoncelle op 19 n° 6 et la sonate en trio op 23 n° 1 pour pianoforte, violon et violoncelle.
Je pense que l'opus 18 qui joint une clarinette, un alto et un basson au piano est un ensemble instrumental unique en son genre, en tout cas je n'en connais pas d'autre. Ces quatre morceaux valent vraiment la peine d'être écoutés !
Parmi la cinquantaine de sonates pour clavier de Tapray, dont une bonne moitié avec violon ad libitum, il y en a sept sur ce CD :
On y trouve 4 sonates des opus 1 et 2 de 1770, une de l'opus 11 (1780), une de l'opus 24 (1788) et une de l'opus 28 (1800), son avant-dernier opus. En fait, les première reflètent encore le style 18ème siècle proche de Rameau, alors que les dernières se rapprochent de Haydn et même du romantisme.
Un autre CD comporte, au clavecin, les variations de Tapray sur les Sauvages de Rameau et des sonates de Schobert, Eckart, Hüllmandel ainsi que la sonates K 310 de Mozart transposée au clavecin, qui en devient presque méconnaissable... Je trouve d'ailleurs que toutes ces œuvres seraient davantage rendues au pianoforte qu'au clavecin, y compris les variations de Tapray.
Sujet: Re: Jean-François Tapray (1737 / 1738 - 1810 / 1819) Mer 6 Juin - 22:55
Merci pour ces précisions. Je n'aurais pas cru qu'un compositeur si méconnu et jugé relativement mineur puisse jouir d'une telle représentation dans divers enregistrements : c'est très intéressant à noter, tous n'ont pas cette chance (même limités en nombre ces quelques CDs offrent une vision large de ce compositeur qui a d'ailleurs la chance d'avoir traversé nombre de révolutions musicales de son vivant). Personnellement je n'ai pas écouté autant de musique de ce compositeur ! Ca vaut le coup de creuser un peu. Notamment ces quatuors m'intriguent.
Concernant nombre de sonates de la fin du XVIIIème siècle il serait toujours très instructif de les écouter sur divers instruments : clavecin, pianoforte, éventuellement clavicorde, et même piano moderne (ça vaut aussi pour Haydn par exemple dont il m'amuse de faire varier les instruments lorsque j'ai envi de l'écouter). On entend des choses différentes suivant les instruments et chacun conduit la musique dans une certaine direction. Malheureusement beaucoup de compositeurs jugés mineurs et redécouverts par des passionnés de musique ancienne (laquelle dispose en général d'un département dédié et séparé dans les conservatoires) ne sont pas interprétés sur instruments modernes. Naturellement je préfère personnellement les versions historiquement informées (et en l'occurence compte tenu de la popularité massive du clavecin en France jusqu'à la révolution il n'est pas illégitime de privilégié le clavecin au pianoforte pour la musique française classique pré-révolutionnaire) mais c'est toujours bon d'avoir différentes interprétations sous la main.
Je note que les variations de Tapray gagneraient sans doute en modernité à être interprétées sur autre chose qu'un clavecin, cet instrument leur donnant un côté somme toute très baroque alors que la musique ne l'est pas tant que ça. Il paraît accessoirement difficile de diffuser la musique d'un tel compositeur sans se permettre la largesse de le jouer au piano. En l'occurence le thème des sauvages est très populaire, les variations ont un côté chromatique un peu swingé, je suis sûr qu'il serait facile d'en faire quelque chose sur un steinway.