Bibliographie : le livre de Luigi Della Croce

Je voudrais parler ici d' un "petit" livre( depuis longtemps "de chevet" pour moi ! )  ,à mon avis fondamental, du musicologue italien Luigi Della Croce , édité en 1976 dans sa traduction française toujours chez Dereume, sur les 107 symphonies de Joseph Haydn.

Clair et concis, il aborde chaque symphonie, selon leur chronologie présumée, en quelques pages, en un texte précédé des citations musicales de chaque mouvement selon une analyse toujours pertinente toujours accessible au mélomane "de base".

--->Ce livre est précédé d' une préface de Georg  Feder, directeur de l' Institut Haydn de Cologne, celui-là même qui a co-signé l' article avec James Webster  sur l' absence de continuo, déjà évoqué précédemment. Voilà d' ailleurs ,ce qu' il dit : "il faudrait également mettre un point d' interrogation à côté de la mention "clavecin" dans la distribution car elle ne figure pas dans les sources. Ce n' est qu' à partir des symphonies londoniennes que la présence de cet instrument ( ou celle du piano-forte) est attestée."

Quelques phrases de cette préface que j' "aime bien" parce que pertinentes à mon avis :

-"C' est ainsi que la dominance de la phrase à 8 mesures, est une règle que Haydn se plaît à transgresser"
-"L' automatique et l' inhabituel, le régulier et l' unique, le continu et le progressif peuvent être étudiés tout au long des oeuvres de Haydn."
-"Sans changements brusques, Haydn introduit toujours dans ses oeuvres des innovations remarquables qui dessinent dans leur ensemble une évolution artistique suivant  une courbe ascendante."

Après une courte introduction d' un certain Marcel Doisy, puis celle de l' auteur lui-même, il y a une courte biographie en 31 pages de J. Haydn, puis 2 textes remarquables sur l' " évolution de la symphonie de Haydn et sur la " numérotation et chronologie " , ce qui ,à l 'époque , a bousculé nos habitudes.

Je vous en livre la synthèse selon Luigi Della Croce:

-Période italienne :  1757-1760 : (le style italien et la forme "ouverture " prévalent)
16 symphonies :n° 37,107,1,2,4,3,5,10,27,11,18,32,33,106,15,19

-Période baroque: 1761-1765 : ( la tendance concertante prévaut)
22 symphonies :n°6,7,8,16,17,20,25,9,12,13,14,40,36,21,22,23,24,28,29,30,31,72

-Période romantique:  1766-1772 :(style subjectif)
19 symphonies : n°34,35,38,59,26,39,49,48,41,42,43,44,45,46,47,52,51,65

-Période classique: 1773-1784 : (style objectif)
26 symphonies: n°50,64,54,55,56,57,60,61,66,67,68,69,70,75,53,62,63,71,74,73,76,77,78,79,80,81

-Période française: 1758-1789
11 symphonies écrites pour paris: n° 83,87,85,82,84,86 " Parisiennes" et n°88,89,90,91,92

-Période anglaise:1791-1795
13 symphonies écrites pour Londres
n° 96,95,93,94,98,97,"Londoniennes" (1er groupe),n°105" Concertante" et n°99,101,100,102,103,104 "Londoniennes"(2ème groupe)

--->en appendice, de courts textes truffés d' exemples musicaux, sans doute plus réservés aux musiciens avertis, sur :

A-Exemples musicaux :
-le soupir de Mannheim :motif pathétique constitué par une série de notes liées 2 par 2 descendantes par ton avec citation aussi de la 40ème de Mozart

-le motif d' attaque : segment mélodique constitué par une croche avec appogiature suivie de 2 doubles croches dans un mouvement diatonique descendant.

-le symbole de la douleur : constituée en général par une quarte (ou une quinte) descendante par demi-tons, avec exemples cités de Bach et Mozart également.

-Sturm und Drang : succession descendante des notes d' un accord, simples ou 2 à 2 avec exemples cités aussi pertinemment de  CPE Bach

-Trois brèves une longue : 5ème symphonie de Beethoven ou chez Schubert, pour montrer par plein d' exemples les racines chez Haydn.

B- la palette tonale de Haydn : avec les caractéristiques de chaque tonalité ; je vous en  livre la répartition :

23 en ré majeur
20 en ut majeur
13 en si bémol
12 en sol majeur
11 en mi bémol
8 en la majeur
6 en fa majeur
3 en do mineur
3 en ré mineur
2 en mi majeur
2 en sol mineur (tiens !)
1 en si majeur
1 en mi mineur
1 en fa mineur
1 en fa dièse mineur

: une page au hasard

Merci Benoît.
Ce livre me semble palpitant. Il me le faut absolument!
Mais il va falloir attendre car après une rapide investigation, il me semble épuisé.

La division des symphonies en périodes est excellente même si dans le détail, on peut avoir des différences d'appréciation.
Par exemple, je mettrais les symphonies n° 56 en do majeur et n° 64 en la majeur dans la période romantique. Les mouvements lents de ces deux-là sont proprement stratosphériques!

La symphonie n° 88 a certes était écrite pour Paris mais son style n'est rien moins que Parisien. Le premier mouvement étonnamment austère, le second sublime, aimé de Brahms, le troisième viennois penchant vers l'Europe Centrale et un finale Rossinien me semblent bien constituer un miracle que seul Haydn pouvait faire.

Je vais encore lire ton post-passionnant!
Bonne fin de dimanche

Ce livre est malheureusement introuvable...
Luigi Della Croce a écrit d'autres livres, sur les symphonies de Mozart et sur celles de Beethoven. J'ai celui qu'il a écrit sur les 33 symphonies de Boccherini. Je l'ai en italien, que je pratique couramment. Je ne sais pas s'il a été traduit en français. Le livre concernant Haydn est épuisé aussi en italien... J'ai un peu cherché sur ebay, sans succès...

Ce livre doit en effet être très intéressant.

Une petite chose m'étonne, quand tu écris :

Citation :

Période romantique: 1766-1772 :(style subjectif)
19 symphonies : n°34,35,38,59,26,39,49,48,41,42,43,44,45,46,47,52,51,65

Période romantique chez Haydn entre 1766 et 1772 ?

Ne devrait-on pas écrire Période pré-classique ? Il s'agit peut-être d'une erreur de traduction ?

Je pense qu' il faut prendre le mot " romantique " dans le sens du mouvement " Sturm und Drang "  donc plutôt pré-romantique , qui s' adresse aux sentiments de l' auditeur, ou du lecteur pour ce concerne la littérature avec les " souffrances du jeune Werther " de Goethe à la même époque , d' où l' idée de style subjectif; après , cette classification de synthèse vaut ce qu' elle vaut...

Je suis ravi par ce livre. Par rapport au monument de Marc Vignal, parfois un peu intimidant, il apporte une vision différente et assez complémentaire. On pourra toujours discuter sa classification des symphonies en périodes. Je comprends qu'on puisse être surpris par la dénomination romantique pour les symphonies de la période Sturm und Drang qui inclut la symphonie n° 43 dite Mercure qui à mes oreilles n'a rien de romantique (ni de Sturm und Drang).
Par contre la n° 44 Funèbre est indiscutablement Sturm und Drang mais est-elle romantique pour autant? Rien n'est moins sûr à mon avis. Je suis d'accord avec Benoït la mention romantique relève de considérations littéraires.
Le Romantisme existe chez Haydn mais plus tard. Par exemple son trio HobXV.14 en la bémol majeur (1790) sonne très romantique à mes oreilles. On peut en dire autant pour nombre d'oeuvres Londoniennes comme sa prodigieuse sonate pour piano n° 61 en ré majeur (1795) qui me fait penser à Schumann.

Je suis totalement d' accord avec toi Piero : autant la sonate pour piano N° 59 est pour moi l' apogée d' un " classicisme triomphant ", autant les suivantes et la N° 61 effectivement se projettent vers l' avenir et que dire de l' " audace " novatrice  du début de la N° 60,si bien mise en lumière par Emmanuel Ax  dans le documentaire de Phil Grabsky dont j' ai parlé récemment.

Mince , je suis Hors Sujet !! nous sommes dans les symphonies ! désolé

Benoît a écrit:

Je suis totalement d' accord avec toi Piero : autant la sonate pour piano N° 59 est pour moi l' apogée d' un " classicisme triomphant ", autant les suivantes et la N° 61 effectivement se projettent vers l' avenir et que dire de l' " audace " novatrice  du début de la N° 60,si bien mise en lumière par Emmanuel Ax  dans le documentaire de Phil Grabsky dont j' ai parlé récemment.

Mince , je suis Hors Sujet !! nous sommes dans les symphonies ! désolé

Tu n'es pas du tout hors sujet. Tes propos sont dans la continuité du post précédent. Lr premier mouvement de la sonate n° 60 est un monument. Nulle part ailleurs Haydn n'a poussé aussi loin l'élaboration thématique et la technique pianofortiste avec ses prodigieuses nuances (passages su una corda). Je trouve à ce mouvement un caractère symphonique et parfois il m'arrive de souhaiter entendre des instruments à vents qui pourraient en exprimer les multiples couleurs.