LA CREATION (l'oratorio)

Voici ce qu'écrivait Joseph Richter, un spectateur viennois après la première:

« Ce jour-là [...] il y avait à Vienne un autre spectacle pour lequel notre beau monde oublia l'invasion des Russes. C'est que le fameux Haydn représentait la création du monde en musique et je ne saurais te dire, cousin, combien c'était plein, J'étais debout à la porte dès une heure, et ce n'est qu'au risque de ma vie que j'ai obtenu une petite place à la dernière rangée du quatrième étage. [...] La musique commença enfin, et tout d'un coup tout devint si silencieux, que vous auriez pu, cousin, entendre une mouche voler, et s'ils n'avaient pas applaudi souvent, vous auriez cru qu'il n'y avait personne dans le théâtre. Mon cousin, de toute ma vie, je n'entendrai plus beau morceau de musique, et même si toute la puanteur et le bain de vapeur avaient été bien pires, ça m'aurait été égal.

Depuis que le théâtre existe pareille chose ne s'était vue [...] Et ce qui m'a plu particulièrement, c'est que c'est magnifiquement écrit et cependant facile à comprendre. [N.B. La Création est considérée comme la première composition bilingue, Haydn l'ayant prévue aussi bien pour un texte anglais que pour un texte allemand.] De ma vie je n'aurais imaginé que des poumons humains, des intestins de moutons et des peaux de veaux produisent pareil miracle. La musique à elle seule décrivait le tonnerre et les éclairs, et puis cousin, vous auriez pu entendre la pluie tomber et l'eau couler, les oiseaux chanter et les lions rugir, et même les vers ramper sur le sol. En bref, je ne suis jamais sorti aussi réjoui d'un théâtre et j'ai effectivement rêvé toute la nuit de la création du monde. »

Merci pianiste.2008 d'ouvrir un fil pour La Création avec ce témoignage très vivant d'un contemporain de Haydn.
Beaucoup d'anecdotes se rapportent à ce chef-d'oeuvre et nous aurons certainement l'occasion d'en citer quelques unes.

Tout a été dit au sujet de ce chef-d'oeuvre et aussi de la référence discographique de Karajan, DG 1966.
Pour convaincre les récalcitrants, il n'est que d'écouter le final de la première partie, Die Himmel, et son fabuleux crescendo que le chef étage avec une science des nuances qui n'appartient qu'à lui. Choeurs, orchestre et solistes sont soulevés. Qui a fait mieux?

LA CREATION DE JOSEPH HAYDN

Oratorio pour soli, chœur et orchestre de Joseph Haydn.

Avec:

Gabriel, Eve Gaële Le Roi soprano
Uriel, Jan Kobow ténor
Raphaël, Adam Alain Buet baryton basse

Choeur L'Atelier des Voix
Initiative d'insertion professionnelle pour chanteurs choristes en Nord-Pas de Calais Domaine Musiques-Atelier Lyrique de Tourcoing

La Grande Ecurie et la Chambre du Roy
Direction musicale Jean Claude Malgoire

pour plus de détails:
http://www.digitick.com/la-creation-de-joseph-haydn-concert-classique-eglise-notre-dame-des-anges-tourcoing-css4-digitick-pg51-ei31733.html

Je viens enfin d' écouter la dernière version sortie de la Création,que j' ai achetée il y a quelque temps, à savoir celle de René Jacobs et...


et ...c'est vraiment une magnifique version !

J' ai beaucoup apprécié le RIAS Kammerchor,puissant et souple,précis, qui atteint des sommets.Le Freiburger Barockorchester,aux timbres instrumentaux colorés,est d' une grande finesse et plein de contrastes.Les solistes sont parfaits et chantent avec un raffinement permanent.

Les seuls petits reproches,à mes oreilles,sont le continuo au pianoforte parfois trop exubérant,des ornementations vocales parfois dispensables,un contrebasson parfois trop présent à la prise du son,mais cela n' entache pas cette lecture pleine de vie,de couleur,voire de sensualité,de fraîcheur,en tout cas enthousiasmante.

Merci Benoît pour cet avis éclairé concernant la version René Jacobs de La Création de Joseph Haydn.

J'ai hâte d'écouter ce fameux contrebasson, un instrument qu'on entend rarement lorsqu'il est présent tant il est enfoui dans la masse orchestrale.

Seul Ravel, orchestrateur génial, a su mettre en évidence le contrebasson dans Ma Mère L'Oye!

Ci-dessous, un beau texte sur La Création:

http://www.espritsnomades.com/siteclassique/haydnlacreation.html

Il est encore possible d'écouter pour quelques jours sur le site de France Musique, le concert donné le 11 février dernier à la Salle Pleyel, avec
Sandrine Piau, Soprano
Topi Lehtipuu, Ténor
Andrew Foster-Williams, Baryton-basse

Chœur de la Radio Flamande
Le Concert Spirituel
Hervé Niquet, Direction

http://sites.radiofrance.fr/francemusique/em/concert-soir/emission.php?e_id=80000056&d_id=425000137&arch=1

(sur icône "écouteurs" de (ré)écouter )

A l'écoute de La Création, on comprend que Joseph Haydn fut impressionné et influencé par les oratorios de Haendel. Lors de son premier voyage à Londres, en 1791, il avait assisté à Wetminster Abbey à un gigantesque festival à la mémoire de Georg Friedrich Haendel. Le 1er juin, on donne The Messiah. Plus d'un millier d'exécutants, avec une grande quantité d'instruments à vents, d'énormes contrebasses et des timbales, un octave plus bas que de coutume...relate Horace Walpole (1).

Quand La Création fut donnée en mars 1799 au Burgtheater de Vienne devant la famille impériale, un total de 400 exécutants se pressaient sur la scène. Ce fut unimmense succès qui inaugura le début d'une carrière triomphale dans toutes les capitales du monde.

Marc Vignaj, Joseph Haydn, Fayard, 1988, pp 367 et sequentes.

Voici un DVD original de la Création dirigée par Christopher Hogwood et l'Academy of Ancient Music..
L'exécution de l'oeuvre dans une cathédrale alterne avec un film animalier relatant les étapes de la Création.

Les interprètes, choeurs, solistes: Emma Kirby, Anthony Rolfe-Johnson et Michael George et l'orchestre sont remarquables.

Naxos annonce la sortie d'un nouveau DVD (et Blu-ray) de La Création:

https://www.naxos.com/catalogue/item.asp?item_code=NBD0080V
https://www.naxos.com/SharedFiles/pdf/rear/2.110581r.pdf#

J'ai réussi à mettre la main sur une information que je cherchais depuis longtemps ...
Le chevalier Neukomm a donné des tempi pour ce fameux oratorio de Haydn, dont il affirme représenter la volonté de l'auteur pour l'avoir vu travailler au jour le jour durant la composition de l'oeuvre (Neukomm était son élève favori paraît-il) puis l'avoir dirigé devant lui. J'ai enfin pu en trouver la trace dans un article à défaut d'avoir pu trouver l'édition d'origine.
Dans le tableau Sa représente Salieri (dont la première utilisation du métronome fraîchement inventé aurait été d'annoter certains passages de l'oratorio de Haydn), Ne sont les tempi donnés par Neukomm, les autres sont des chefs-d'orchestre de notre époque.
Il existe des réductions de l'oratorio de Haydn, notamment la version pour piano de Czerny, ou celle de Neukomm directement (peut être plus difficile à trouver), il peut donc être amusant d'essayer ses tempi qui ne sont pas toujours respectés par nos chefs.

Spoiler:

A vrai dire le sujet du tempo chez Haydn est un merveilleux sujet de recherche !

Merci pour ce document très intéressant.
Vraiment les indications métronomiques de Neukomm sont passionnantes car il est avec Salieri celui qui été le mieux à même de comprendre les indications de Joseph Haydn.
Dans les deux versions de 1990, on constate des tempos systématiquement plus rapides. Il serait intéressant de connaître celui des adeptes des exécutions historiquement informées d'aujourd'hui jouant sur instruments d'époque.

La mode est actuellement aux exécutions de plus en plus rapides. Le Kyrie eleison du Requiem de Mozart est exécuté presto alors que la partition indique un simple allegro. Il est devenu une course de vitesse entre chefs alors que les paroles Seigneur Prends pitié du sujet et la réponse du contre-chant O Christ prends pitié, exigent un minimum de solennité.

Si je précise le nom de tous les chefs-d'orchestre cités :

Sa = Salieri
Ne = Neukomm

Kr = Krauss
Hr = Horenstein
Ka = Karajan

No = Novello
Wi = Willcocks
Ma = Marriner

Ra = Rattle
Hg = Hogwood

Il y a donc bien des versions sur instruments d'époque dans la comparaison (dans la catégorie early music).

Au passage point intéressant : les indications de Novello (1858) sont significativement plus lentes.
La tradition britannique d'interprétation de la musique religieuse semblait être friande de tempi très modérés, car on retrouve aussi ça dans les timings donnés par George Smart au début du 19ème siècle, qui ne mettait rien de moins que 50 minutes pour jouer la 1ère partie de la Création (35-40 minutes en comparaison chez Hogwood, Karajan etc...) alors qu'à côté de ça les durées qu'il donne pour les symphonies de Haydn, Beethoven etc... sont tout à fait similaires aux enregistrements actuels.
William Crotch vers 1800 donne aussi des tempi très modérés pour des extraits du Messiah de Handel.

Notons que de nombreuses sources d'époque légitiment le fait de jouer la musique religieuse plus lentement ce qui est assez compréhensible, mais on n'entend bien peu cette distinction aujourd'hui qui semblait très marquée en Grande Bretagne.
Dans son traité de 1752 Quantz parle du tempo et dit que les français ont gardé une tradition de mouvement modéré pour les pièces rapides ce qui les différencient des allemands.
Vraisemblablement d'un pays à l'autre à l'époque il y avait des traditions bien différentes.
Il semblerait que la tradition germanique privilégie des tempi plus rapides.

Concernant le requiem de Mozart les indications de Neukomm dans son Libera me, qui reprend plusieurs thèmes du requiem, sont précieuses de ce point de vu là. La version que j'ai partagée sur sa page dédiée suit, je crois, à peu près ces indications qui ne sont pas lentes, et sont potentiellement assez proches de ce qui se faisait à Vienne au moment de la mort de Mozart (sachant que Neukomm étudiait avec Haydn à ce moment là).