La Symphonie n°75 en ré majeur fut composée probabement fin 1779 ou début 1780. Les circonstances et la date de sa composition sont discutées par Marc Vignal (1).
Cette symphonie est l'une des trois de Haydn dont Mozart nota l'incipit en 1783. Elle dut probablement l'impressionner car on trouve des échos indiscutables de cette oeuvre dans plusieurs de ses compositions (36 ème Symphonie Linz KV425, 38ème symphonie Prague KV504, 41ème symphonie Jupiter KV551 et surtout trio en sol majeur KV 564).
L'introduction lente Grave frappe par son éclat et sa puissance. Jamais auparavant Haydn nous avait gratifié d'une introduction aussi grandiose. Le Presto (4/4) qui suit débute par un beau thème asymétrique se terminant par trois puissants accords. Ce thème brillant et fier ainsi que la tonalité de ré majeur confèrent au mouvement un dynamisme extraordinaire et une sonorité éclatante. Le développement combine les trois premières mesures du thème avec les trois accords terminaux de la façon la plus naturelle. Ensuite un passage canonique entre violons et basses me rappelle le développement du premier mouvement de la symphonie Jupiter de Mozart (1788). La réexposition diffère profondément de la première partie et nous offre un nouveau et magnifique travail thématique sur le premier sujet.
Le deuxième mouvement Andante en sol majeur est un thème varié. Le thème, très émouvant, est de nature hymnique. A propos d'un concert à Londres en 1792 où cette symphonie fut programmée, Haydn rapporte dans son carnet: "cet Andante fit une profonde impression sur un clergyman anglais qui, en entendant ce mouvement, tomba dans la plus profonde mélancolie, car la nuit précédente il avait rêvé cet Andante comme annonçant sa propre mort. Il a immédiatement quitté la compagnie pour se mettre au lit. Aujourd'hui, Mr Barthelemon m'a annoncé la mort de ce pasteur protestant" (1). Dans la troisième variation, le thème est chanté par un violoncelle solo. La sonorité de ce passage est envoutante.
Cet Andante fit probablement aussi grande impression sur Mozart qui utilisera le même thème dans l'Andante de son trio pour piano, violon et violoncelle en sol majeur KV 564 de 1788. Comme chez Haydn l'exposé du thème est suivi de cinq variations. A ma connaissance cet emprunt de Mozart n'avait jamais été relevé jusqu'ici.
Après un menuet alerte et rondement mené, le Finale est un rondo (Vivace) d'une grande concision. Il fait alterner refrain et couplets de la façon la plus classique. Les deux couplets sont dans le mode mineur et leur expression est énergique et passionnée. Le dernier retour du refrain donne lieu à une grande et brillante coda.
Bref une magnifique symphonie remarquable par sa brièveté et sa concentration qui mériterait d'être jouée bien plus souvent.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988, pp1105 et seq.