La Pescatrice, opera bouffe en deux actes de
Niccolo Piccinni d'après un livret de Carlo Goldoni, fut crée le 9 janvier 1766 au théâtre Capranica de Rome. Cet opéra, un des cent trente composés par
Piccinni, fut très bien accueilli et fut repris quelques années plus tard à Vienne, à Florence, Milan, Venise, Naples et Gènes (1).
Bien qu'il ne fit pas partie du répertoire d'Eszterhazà il est possible que Joseph Haydn s'en inspira pour composer son opéra Le Pescatrici (1770).
Piccinni fut un des compositeur d'opéras les plus souvent représenté à Eszterhazà sous la baguette de
Haydn:
La Cecchina (1775), l'
Astratto (1778),
La Schiava riconosciuta (1781) donnèrent lieu à de nombreuses représentations. Toutefois il est établi que
Le Pescatrici de
Haydn est bien plus proche de l'opéra homonyme de Ferdinando Bertoni (1752) (2,3) que de l'opéra bouffe de
Piccinni.
Argument. Licone et Silvia, fille adoptive de Licone, tous deux pêcheurs, échouent sur un rivage suite à une violente tempête. Ils sont recueillis par Dorilla , intendante du château de Castelfranco dont le propriétaite, le Comte de Castelfranco, est le fils d'un usurpateur qui s'est emparé du domaine en chassant son proprétaire légitime ainsi que sa fille qui était un enfant au moment des faits. Licone sait que sa fille Silvia est en fait l'héritière authentique et potentiellement une marquise et reconnait dans le Comte le fils de l'usurpateur. Le comte de son côté a le coup de foudre pour la belle Silvia. Licone ameute les pêcheurs des environs pour dénoncer la tromperie commise autrefois et parvient à rétablir sa fille dans ses droits. Le comte réalise qu'il a tout perdu, son toit, son domaine et même Silvia mais Dorilla l'encourage à courtiser la séduisante pêcheuse car cette dernière serait en effet secrètement amoureuse du Comte. Ce dernier fait profil bas et arrive à convaincre Silvia de la sincérité de son amour pour elle. Deux unions, celles de Silvia et le Comte d'une part et de Dorilla et Licone d'autre part, sont scellées dans l'allégresse.
Le livret est une version très simplifiée du livret utilisé par Bertoni et
Haydn car il ne comporte que quatre personnages au lieu des huit présents chez Bertoni et
Haydn. Ce livret a le mérite de concentrer l'action autour de quatre personnages très bien caractérisés: la douce, modeste et astucieuse Silvia, Licone, le père courageux et aimant, Dorilla, la servante intrigante et Le Comte, prototype du noble arrogant et sûr de lui, du moins au début de la pièce.
Le style.
L'opéra consiste en une succession d'airs et de récitatifs secs. Les ensembles: un prologue et de deux courts finales d'actes, sont très peu importants. Cette structure très simple, demandant peu de moyens, ne nuit pas au bon déroulement de l'action dramatique en raison de la grande qualité des airs, de leur vocalité, de la richesse de leur invention mélodique, de leur concision et de la délicatesse de l'orchestration. A ce propos
Piccinni utilise avec audace les instruments à vents: hautbois, bassons, trompettes prennent une part active à l'action dramatique, en soulignant un trait ou en donnant un sens différent aux paroles chantées. La musique généralement homophone utilise presque tout le temps le mode majeur, les modulations, peu nombreuses, ne s'écartent guère du ton principal, caractéristiques constantes dans la musique d'opéra italien de l'époque. Il est donc probable que
Joseph Haydn suivit d'autres modèles pour son opéra
Le Pescatrici qui comportent de nombreux ensembles et choeurs. Outre Bertoni, Christoph Willibald Gluck qui avait dès 1762 accompli sa réforme de l'opéra, fut probablement une source d'inspiration pour
Haydn.
Les sommetsAu premier acte:
L'air de Dorilla "
Non sentite che al levante...", Dorilla essaye de persuader Licone et Silvia de rester au château. L'accompagnement de cet air, consistant en une roulade ascendante des violons, répétée de manière obstinée, est particulièrement original.
L'air de Licone, "
Se mai qualcun venisse...", très simple, sans vocalises, a un caractère populaire, Licone met en garde Silvia contre la méchanceté des hommes.
L'air de Silvia "
Un amante rispettoso..."relève de l'opéra seria avec ses belles vocalises napolitaines. C'est un air très brillant avec trompettes.
L'air de Dorilla "
Chi vuol vedere la statua..." très court dans un tempo très rapide est presque murmuré.
L'air remarquable de Licone "
Colla mia Silvia..." est un témoignage touchant d'amour paternel quand il dit: "
tu sei la regina di questo cor..."(tu es la reine de mon coeur).
Le finale d'acte est très court mais concentré et à la fin reprend l'air de Dorilla
Chi vuol vedere la statua.
Le
deuxième acte débute avec un charmant duo entre Licone et Silvia. "
Ecco qui la vera erede..." (Voici la vraie héritière...)
La scène n° 4 comporte un récitatif accompagné et un air du Conte "
Gia sono un ombra pallida..."tout à fait dignes de figurer dans un opéra seria. Le comte n'est plus qu'une ombre pâle dont l'esprit est envahi par des esprits maléfiques. L'accompagnement est magnifique avec ses trompettes éclatantes. La partie vocale est périlleuse avec une tessiture constamment aigue, des vocalises et de nombreux mélismes.
L'air de Licone "
Quando è l'alba la mattina..." a un caractère pastoral. Licone évoque la beauté de la nature et la belle vie au grand air du pêcheur.
Le finale de l'acte II est aussi très court, il débute par un merveilleux motif orchestral qui, en donnant la réplique à Licone et au comte de façon très libre et variée, fait presque office d'un personnage à part entière.
(1) Guido Tartoni, La Pescatrice, Incisione Bongiovanni, 1988.
(2) Rebecca Green, Representing the Aristocracy in Haydn and his world, Edited by Elaine Sisman, Princeton University Press,1997.
(3) Pour avoir une idée du style de Bertoni, on peut écouter son opéra Orfeo. Lire également:
https://haydn.aforumfree.com/haydn-directeur-musical-de-l-opera-d-eszterhaza-f12/orfeo-ferdinando-bertoni-1725-1813-t374.htm