Pelléas et Mélisande à l'Opéra National de Paris
Philippe Jordan Direction musicale, Robert Wilson Mise en scène et décors, Frida Parmeggiani Costumes, Heinrich Brunke, Robert Wilson Lumières, Holm Keller Dramaturgie, Giuseppe Frigeni Co-metteur en scène, Stephanie Engeln Collaboration aux décors, Alessandro Di Stefano Chef de choeur.
Stéphane Degout Pelléas, Vincent Le Texier Golaud, Franz Josef Selig Arkel, Julie Mathevet Le Petit Yniold, Jérôme Varnier Un Médecin, Le Berger, Elena Tsallagova Mélisande, Anne Sofie Von Otter Geneviève;
Orchestre et choeur de l'Opéra national de Paris
Pelléas et Mélisande de Claude Debussy (1893-1902), poème de Maurice Maeterlinck, a été donné en direct vendredi 16 mars 2012 sur medici-tv. L’excellente prise de son permettait de profiter au mieux des performances des chanteurs et de l’orchestre. Les prises de vue remarquables permettait aussi d’apprécier le spectacle dans les meilleures conditions.
La mise en scène de Robert Wilson m’a enthousiasmé. C’est magnifique, aucun décor, aucun objet, des acteurs blanchis à la chaux à la façon des mimes (on pense aussi à des marionnettes). Un fond bleu nuit évoquant un ciel et une mer non dépourvus d’intentions menaçantes. Des stries verticales et horizontales, évoquant tantôt la forêt, délimitant tantôt d’inquiétantes zones d’obscurité ou de lumière. Aucun mobilier, rien d’extérieur mais tout à l’intérieur des coeurs et des âmes et une liberté totale pour le spectateur de s’approprier l’oeuvre à sa convenance et de faire naviguer son imagination.
Elena Tsallagova est Mélisande, celle dont Debussy rêvait peut-être (1), une Mélisande au sourire figé énigmatique. En la voyant effleurer la scène d’un pas léger, en observant sa gestuelle étrange, ses mains aux doigts curieusement disposés, sortir de sa manche comme un bouquet de fleurs sorti de son papier, je me demandais: Qu’y-a-t-il sous cette robe blanche à longue traine? Serait-il possible que Mélisande soit une extra-terrestre égarée dans la grande forêt? Une extra-terrestre certes, mais à la diction impeccable et à la voix aussi claire et pure que l’eau fraiche de la vieille fontaine. A la fin, le bras de Mélisande à la verticale pendant son agonie s’affaisse lentement. Mélisande est morte… en emportant son secret.
Les autres personnages ont tous des voix attachantes. La voix de Stéphane Degout est au dessus de tout éloge mais l’acteur manque un peu d’enthousiasme et de spontanéité, peut-être est-il bridé par un costume peu seyant? Un bémol aussi pour Vincent le Texier qui n’a pas le physique ni le caractère que l’on attribue généralement à Golaud mais qui est toutefois irréprochable vocalement et musicalement. J’ai bien aimé Julie Mathevet (Yniold) qui exprime très justement l’esprit d’enfance. Franz Josef Selig (Arkel) a une belle voix de basse profonde qui donne une grande noblesse au personnage. Anne Sofie von Otter (Geneviève) a un rôle restreint puisqu’elle se contente de lire la lettre de Golaud mais elle illumine la scène de sa présence rayonnante. Jérôme Varnier est joue avec conviction le rôle d'un berger (il ne prononce que deux mots) et du médecin.
La direction musicale de Philippe Jordan est remarquable. Le tempo est lent mais dans des limites acceptables et cela n’empêche pas l’orchestre de manifester une tension permanente. Les bois sont superbes.
En résumé une version novatrice, inventive de Pelléas qui, je l’espère, donnera naissance à un DVD.
(1) Debussy a donné le rôle de Mélisande à Mary Garden qui n’était pas mal non plus.