Selon le musicologue Marcel Dupré,
La fugue (de fuga, fuite) est une forme de composition musicale dont le thème, ou sujet, passant successivement dans toutes les voix, et dans diverses tonalités, semble sans cesse fuir (1).
Comme on l'a bien souvent répété, Joseph Haydn, né en 1732, plonge ses racines dans la musique baroque. On considère généralement que l'année 1750, date du décès de Johann Sebastian Bach, marque la fin de l'époque baroque. Toutefois, bien des musiciens nés à l'aube du 18ème siècle (Adolphe Hasse, Johann Gottlieb Janitsch, Carl Philip Emmanuel Bach...) ont continué à écrire dans le style baroque jusqu'en 1760 environ. Joseph Haydn se signale d'emblée par la modernité de son écriture et cela dès ses premières oeuvres (trios pour deux violons et violoncelle HobV, quatuors à cordes pour Fürnberg ou symphonies composées avant 1760). Il ne dédaigne pas pour autant le contrepoint et écrit nombre de fugues dans ses messes des années 1760 (messe en mi bémol majeur HobXXII.4 et en do majeur HobXXII.5, dans les derniers mouvements des symphonies (n° 3 en sol majeur, n° 13 en ré majeur et n° 40 en fa majeur) de la même décennie, de trios pour baryton, dans les quatreèmes mouvements des quatuors à cordes de 1772 opus 20 du Soleil (quatuors n° 3 en do majeur, n° 4 en fa mineur et n° 6 en la majeur) etc...
Comme je l'ai entendu dire par nombre de musicologues,
le contrepoint dans sa stricte application et la fugue avec ses règles et ses exigences très strictes, ont tendance à gommer la personnalité du musicien qui les utilise. Quoi de plus pénible qu'une fugue de Schubert? Je suis frappé en écoutant la sublime messe en mi bémol D 950 de 1828, du contraste existant entre l'inspiration géniale de tous les volets de cette messe et la banalité des fugues qui terminent le
Gloria (fugue
Cum Sancto Spirito) et le Credo (fugue
Et vitam venturi saeculi). Dans les oratorios de Mendelssohn si beaux, les fugues sont plutôt ennuyeuses. Il vaut mieux, par charité, ne pas parler des fugues de César Franck. Le divin Mozart n'échappe pas à cette critique. Certaines fugues de ses messes salzbourgeoises ont un caractère souvent scolaire, c'est le cas des deux grandes fugues de sa
missa longa K 262, composée en 1775. Je ne suis pas non plus un fanatique des deux grandes fugues (
Cum sancto Spirito et Hosanna in excelsis) de la messe en do mineur K 427.
Exception n° 1: Jean Sébastien Bach. Ses fugues sont admirables par leur souplesse et leur variété et procurent plaisirs des sens et de l'intellect! Celles du clavecin bien tempéré, fugue en do # mineur du premier livre par exemple, regorgent de beautés. C'est normal car le contrepoint est la langue naturelle de Jean Sébastien et des compositeurs baroques en général. La fugue (
Gloria Patri et Filio...) qui clôt le
Dixit Dominus (1707) de Georg Friedrich Haendel est particulièrement jubilatoire.
Exception n° 2: Joseph Haydn. Les fugues de la Création, des Saisons, d'
Il Ritorno di Tobia sont géniales. Elles sont pleines de vie et de dynamisme, parfois même épiques et grandioses. La musique de Haydn est si puissante qu'elle brise le carcan qui bride cette forme. Beethoven sera également capable de donner à la fugue personnalité et originalité (quatuor à cordes en do# mineur, premier mouvement, quatuor à cordes n° 17 Grande Fugue, finale de la sonate n° 17 en si bémol
Hammerklavier). Les fugues ou fugatos qui ouvrent le premier quatuor à cordes et la fameuse Musique pour cordes, percussion et célesta montrent que Bela Bartok a su comprendre le potentiel expressif de cette forme musicale.
(1)
http://www.universalis.fr/encyclopedie/fugue/