Sujet: Michel Corrette (1707 - 1795) Jeu 8 Fév - 23:49
Wikipédia : Michel Corrette est un compositeur et organiste français de la période baroque tardive, voire classique, né à Rouen le 10 avril 1707 et mort à Paris le 21 janvier 1795.
Michel Corrette quitta Rouen en 1720 pour poursuivre une formation qui avait sans doute été commencée par son père Gaspard. En 1726, il se présente au concours pour le poste d’organiste de l’église Sainte-Madeleine en la Cité ; les trois concurrents ont joué également bien, mais le poste est confié à Thoutain. Corrette gagne alors sa vie comme professeur de musique et il publie dès 1727 ses premiers recueils de sonates (flûte, violon, cuivres et aussi musette, vielle à roue qui deviennent à la mode). En 1728, il est l’un des premiers musiciens français à éditer des concertos, d’après le modèle à ritournelle de Vivaldi.
Le 8 janvier 1733, il épouse Marie-Catherine Morize, dont il aura deux enfants. À cette époque, il vient d’être engagé comme chef d’orchestre dans les foires parisiennes de Saint-Laurent (en automne) et de Saint-Germain (début février jusqu’aux Rameaux) où les théâtres qui amusaient le public avaient pris le nom d’« opéra comique ». Corrette y crée ses fameux concertos comiques : composés sur des thèmes populaires, ils servaient de divertissements dansés entre les pièces de théâtre, le plus souvent en un acte. La série des 25 concertos comiques se continuera jusqu’en 1773.
Devenu organiste de Sainte-Marie du Temple, il publie en 1737 son Premier Livre d’Orgue, qui sera suivi en 1750 et en 1756 par un Second et un Troisième Livres. Il est ainsi au service des prieurs du Temple, issus de la famille royale : successivement le chevalier d’Orléans, le prince de Conti (prieur de 1749 à sa mort en 1776) et le duc d’Angoulême. La page de titre de son Premier Livre de Noëls (1741) le présente comme organiste de la Maison professe des Jésuites, c’est-à-dire l’église Saint-Louis, où la musique était très appréciée. Le musicien quittera cette tribune en 1762, lors de l’expulsion de la Compagnie. Michel Corrette est donc un des organistes parisiens les plus en vue de Paris : il restera en poste au Temple de Paris jusqu’à ce que la Révolution française désaffecte l’église en 1791. Corrette a publié le dernier livre d’orgue de l’Ancien Régime : les Pièces pour l’orgue dans un genre nouveau (1787).
Corrette, qui occupe ces fonctions officielles d’organiste, est aussi un compositeur fécond, et l’ensemble de son œuvre nous fait mieux comprendre la pratique musicale et l’évolution du goût à Paris à son époque. Si l’on prend l’exemple de ses ouvrages pour le clavecin, on voit que son Premier Livre (1734) est encore proche de Couperin (suites de danses avec des titres), mais les huit livres suivants, intitulés Les Amusements du Parnasse (de 1749 à 1772) montrent une progression qui commence par une méthode pour débutants (Livre I) pour s’orienter vers des variations des thèmes de concertos comiques (Livre II), puis vers des transcriptions d’airs célèbres (Livre III, IV, VI), et enfin des transcriptions de marches militaires, et de romances à la mode (Livre VIII) – on remarque que les livres V et VII sont perdus. Il faut ajouter à cela de belles Sonates pour clavecin avec accompagnement de violon (1742), et des Divertissements pour clavecin ou pianoforte (1779) qui vont jusqu’à utiliser des clusters (coups canons dans le Combat naval).
Corrette fut aussi un grand pédagogue, comme en témoignent ses méthodes instrumentales. Il suffit d’en voir la liste pour comprendre qu’à l’instar des encyclopédistes, il voulait codifier et divulguer l’ensemble des pratiques musicales de son temps. Ses livres d’accompagnement (Le Maître de clavecin, 1753 et Les Prototypes, 1754) ont eu un énorme succès, si l’on en juge par le nombre d’exemplaires que l’on trouve dans les grandes bibliothèques.
Corrette organisait chez lui à partir de 1748 des concerts hebdomadaires où il se produisait avec ses élèves et des amateurs doués, tels que le prince d’Ardore ou le musicographe allemand Marpurg. Cela lui permettait aussi de vendre des partitions et de diffuser de la musique italienne dont il fut un fervent défenseur.
Corrette a obtenu des privilèges pour éditer non seulement ses propres œuvres, mais celle de musiciens de son choix et en particulier des maîtres italiens. C’est dans le cadre de ces concerts privés qu’il faisait jouer ses Concertos pour orgue ou clavecin (parmi les tout premiers concertos pour clavier en France, en 1756) et ses nombreuses sonates et concertos pour toutes sortes d’instruments, y compris la viole d’Orphée, instrument qu’il invente pour utiliser les violes délaissées en les montant avec des cordes métalliques ! (1773).
Sa musique religieuse (motets, messes, psaumes) a presque complètement disparu, sauf le Psaume Laudate Dominum, arrangé dans le Printemps de Vivaldi (1765), les III Leçons de Ténèbres (1784) et les Quatre messes à deux voix égales (1788) qui ont été éditées de son vivant.
Dans son grand âge, Corrette continue à s’intéresser aux évènements qui bouleversent son pays, et il publie des œuvres révolutionnaires qui sont hélas perdues. Il meurt à 87 ans le 21 janvier 1795.
Michel Corrette, qui a été injustement méconnu, tient une place unique dans la musique du xviiie siècle français. Il aura été à la fois le serviteur des plus grands personnages de l’État (les prieurs du Temple au xviiie siècle sont des princes de sang) et un artiste qui s’intéresse à la chanson populaire et aux émois de la population (par exemple, en 1783, il célèbre le premier vol aérien avec la cantate Le Globe volant !). Il est à la fois un défenseur du répertoire français (vaudevilles, airs à la mode) et un propagateur de la musique italienne. Toujours à l’affût des nouveautés de la vie musicale parisienne, il en saisit le meilleur et il en fait son bien, avec une gaîté inaltérable et un humour plein d’esprit. Bien que savant et même érudit, il compose une musique agréable qui apparemment n’a d’autre prétention que d’être bien composée et de vouloir plaire à ces amateurs de plus en plus nombreux qui veulent jouer de la musique : à cette époque l’art n’appartient plus seulement aux professionnels mais devient accessible aux nombreux dilettantes, issus aussi bien de la noblesse, de la bourgeoisie que de nouvelles classes moyennes. Avec Michel Corrette, nous retrouvons une musique heureuse et joyeuse, tout à fait dans l’esprit du siècle de Louis XV.
---------------
Riche description de ce compositeur qui, sans doute, est celui qui a le plus anticipé le tournant à venir de la musique, et qui a vécu assez longtemps pour le voir concrétiser. Quelle chance incroyable que d'être né en pleine période baroque et de mourir à un âge qui aurait permis d'écouter l'intégralité des oeuvres de Mozart ! Corrette est véritablement un compositeur populaire, à bien des égards assez italianisant, léger, dans tous les cas assez ingénieux et souvent très rigolos. A ce titre une comparaison avec Haydn n'est pas absurde : intégration de thème populaire, blagues musicales, il y a sans doute psychologiquement des points communs entre les deux hommes. Toutefois Corrette n'avait pas le degré de sophistication d'un Haydn, sa musique reste souvent un peu superficielle. Face à une telle longévité il peut être intéressant de juger de l'évolution chronologique du compositeur, avec une approche qui somme toute converge de plus en plus vers le classicisme. Corrette pourrait être considéré comme un précurseur du classicisme à bien des égards, notamment par la simplification de l'écriture et la fibre populaire de ses mélodies (et emprunts). Un vent de légereté comparativement à la massive musique de l'opéra et de la chapelle royale.
Michel Corrette - Les étoiles; Les giboulées de Mars, Livre de pièces pour clavecin, 1734:
Michel Corrette - Concerto pour orgue op 26-1, sol majeur, 1756:
Michel Corrette - Les délices de la Solitude (sonates pour viole d'orphée), 1766:
Michel Corrette - Concerto comique 24, 1773:
Joachim
Messages : 664 Points : 814 Date d'inscription : 20/08/2007 Age : 78 Localisation : Nord
Sujet: Re: Michel Corrette (1707 - 1795) Jeu 15 Fév - 13:53
Citation :
Corrette est véritablement un compositeur populaire, à bien des égards assez italianisant, léger, dans tous les cas assez ingénieux et souvent très rigolos. A ce titre une comparaison avec Haydn n'est pas absurde : intégration de thème populaire, blagues musicales, il y a sans doute psychologiquement des points communs entre les deux hommes. Toutefois Corrette n'avait pas le degré de sophistication d'un Haydn, sa musique reste souvent un peu superficielle.
Je souscris entièrement à ton affirmation.
Comme tu l'as souligné, il a écrit entre autres 25 concertos comiques sur des chansons populaires, à instrumentations variées, le plus célèbre étant le N° 7, sur "j'ai du bon tabac"
Le titre de ce recueil "Musiques utiles aux mélancoliques" est bien choisi ! On y trouve successivement :
1- Les Voyages du Berger Fortuné aux Indes Orientales: Concerto III pour la Musette. 2- Les Amusemens d'Apollon chez le Roi Admète: Sonata IV op.25 pour Clavecin et un dessus. 3- La Naissance de la Musette: 2° Cantatille avec Symphonie. 4- Les Sauvages et La Furstemberg. 5- Malbrough, Ariette Nouvelle. 6- Le Carillon Des Morts. 7.- 6me Fantaisie.
Et dans un tout autres registre, cette messe pour le temps de Noël :
Sujet: Re: Michel Corrette (1707 - 1795) Ven 16 Fév - 0:21
Tant qu'on est sur le concertos comiques il est intéressant de noter que le thème de Rameau dit des "Savages" a été réutilisé par Corrette :
M. Corrette, concerto comique N°25:
Et j'ajouterais à cela que ce thème fut aussi utilisé par Jean François Tapray (1738-1819) :
J-F Tapray, Variations sur les thèmes des Sauvages de Rameau:
A vrai dire encore aujourd'hui le succès de cette mélodie est au rendez-vous.
Je trouve que sous des airs innocents Corrette est un compositeur plein de ressources. Son écriture religieuse et ses concertos pour orgue montrent d'ailleurs une facette plus rigoureuse du personnage (niveau écriture j'entends). Sa messe pour Noël est extrêmement élégante.
J'encourage vivement à se plonger dans l'intégral de ses concertos pour orgue, du moins pour ceux que ça intéressent (personnellement j'adore les concertos pour orgue, et en un sens je vois en Corrette, de part son écriture efficace, un habile descendant de Handel).