La
symphonie n° 1 en ré majeur n'est peut-être pas la première composée par
Joseph Haydn. Bien d'autres symphonies parmi la vingtaine écrites avant 1761, date d'installation de Haydn à Eisenstadt, au service du Prince Eszterhazy, pourraient revendiquer ce privilège. Comme beaucoup de symphonies de cette époque, elle est en trois mouvements à la manière d'une ouverture d'opéra italien (1,2). Toutefois la dimension opératique me semble absente du contenu de l'oeuvre, bien plus autrichien qu'italien. En tout état de cause, cette symphonie constitue un
magnifique portique pour entrer dans l'univers du compositeur. L'impressionnant
crescendo qui ouvre le premier mouvement
Presto 4/4 de l'oeuvre et aboutit à un
fortissimo de tout l'orchestre, est peut-être unique dans toutes ses symphonies. Après un
premier thème aussi brillant et extraverti, le second thème dans le mode mineur, comme c'est souvent le cas dans ces symphonies pre-Eisenstadt, est au contraire très discret. A la fin du développement les cors interviennent
fortissimo et marquent le point culminant du morceau.
L'
andante en sol inaugure une série de mouvements, nombreux dans les symphonies de "jeunesse", basés sur un rythme de marche lente. Ce remarquable mouvement est basé sur un thème unique débutant par l'accord parfait de sol majeur (re,si,sol,sol à l'octave). Ce motif sera répété constamment pendant tout le morceau dans des tonalités et des arrangements instrumentaux différents. Les cors et les hautbois fort actifs dans le premier mouvements se taisent ici et ce paisible mouvement acquiert une intimité qui le rapproche de la musique de chambre. Si le premier violons jouent le plus souvent la mélodie, on note de belles imitations entre premiers et seconds violons.
Le presto final 3/8 est remarquable par les
appogiatures narquoises de son thème principal qui apportent une pointe d'humour typiquement "haydnienne" ainsi que les oppositions entre quatuor à cordes et tutti.
Cette symphonie comme la symphonie n° 3 (3) et ses voisines composées après 1757 et avant 1761 est très courte mais cet ensemble possède une
diversité merveilleuse. Ainsi la
symphonie n° 2 en ut majeur est radicalement différente et regarde encore vers le passé alors que la n° 1 était résolument "moderne". Le premier thème a une allure presque
"vivaldienne" (4) et cet aspect est encore plus marqué dans le développement. Comme dans la symphonie précédente, le second thème, dans le mode mineur, apporte une touche de mélancolie.
L'
andante qui suit écrit pour les cordes seules ressemble au mouvement lent de la symphonie précédente mais lui est supérieur par ses émouvantes incursions dans le mode mineur et la
poésie qui l'imprègne. Le premier violon joue constamment une mélodie très ornementée, sobrement accompagné par les croches isolées des autres cordes.
Le finale
Presto ¾ est un
rondo. Le refrain est en soi un minuscule morceau de sonate, le premier couplet aux cordes seules est plutôt méditatif, le second couplet démarre de manière insouciante mais oblique rapidement vers les tons mineurs. Le dernier retour du refrain aboutit à une conclusion vigoureusement scandée par les cors.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988, pp. 819-30.
(2) On peut lire un très intéressant commentaire sur les symphonies pre-Eisenstadt de Haydn, assorti d'une lettre imaginaire envoyée par Joseph Haydn à Porpora.
http://www.passee-des-arts.com/3-categorie-10819980.html(3)
https://haydn.aforumfree.com/les-symphonies-f1/symphonie-n-3-en-sol-majeur-t229.htm(4) Antonio Vivaldi (1678-1741) mourut à Vienne dans l'indigence. "Six petits chanteurs accompagnèrent ses funérailles parmi lesquels on imagine volontiers le petit Joseph Haydn agé de neuf ans" (1).