Les
Symphonies n° 15 en ré majeur et
n° 16 en si bémol majeur font partie des quelques vingt symphonies composées avant 1761, date de l'installation de Joseph Haydn à Eisenstadt au service du Prince Paul Anton Eszterhàzy. Toutes les deux sont remarquables à plus d'un titre. Leur instrumentation est par contre tout à fait classique: le quintette à cordes (violons, alto, violoncelle, contrebasse), un basson doublant la basse, deux hautbois et deux cors. Dans les deux oeuvres le rôle des hautbois est très réduit et ces instruments se contentent de doubler les violons dans les tutti (1,2). Dans un cadre réduit on admire la perfection de la forme et la beauté des idées.
La
symphonie n° 15 en ré majeur est en quatre mouvements, coupe assez rare dans les symphonies de cette époque fréquemment en trois mouvements. Si on admet qu'elle est antérieure à la
symphonie n° 6 Le Matin datant de 1761 (1), ce serait la première symphonie de Haydn dont le premier mouvement débute par une introduction
adagio 3/4. Cette introduction est une très belle cantilène du premier violon simplement accompagnée par les pizzicatti des autres cordes et les deux cors. La sonorité de l'ensemble est magique (3). Cet adagio est enchainé à un Presto 4/4 dont le
thème est une marche harmonique baroque à la manière de
Corelli. Ce presto comporte d'autres traits archaïques notamment un second sujet à la dominante mineure. On se trouve ici à la frontière entre deux mondes, l'époque baroque finissante et le début du classicisme. Le retour de l'adagio en fin de mouvement est également très surprenant.
Afin d'éviter d'enchainer un
adagio avec un autre mouvement lent, un
menuet en deuxième position s'imposait. Le trio, confié au quintette à cordes, consiste en respons entre le groupe des deux violons d'une part et celui de l'alto et du violoncelle d'autre part. La basse se contente d'accompagner discrètement.
L'
andante en sol majeur 2/4 est écrit pour le quintette à cordes. Au thème joué par les violons répondent de discrets échos des autres cordes. On a ici un autre exemple de cette musique minimaliste presque raréfiée typique de certaines oeuvres de jeunesse de Haydn mais également plus tardives. A la fin des deux parties de ce mouvement, on notera les syncopes caractéristiques des violons et le
murmure très poétique qui clot ce beau mouvement très calme mais non exempt de mélancolie.
Le
Presto final 3/8 comporte trois parties, une première partie avec son rythme ternaire ressemble à un
tempo di minuetto, la seconde partie est un vaste intermède très expressif dans le mode mineur chanté par le premier violon avec un très bel accompagnement du second violon et le mouvement se termine par une récapitulation à peine modifiée de la première partie, suivie d'une brève coda.
La
symphonie n° 16 en si bémol est une de mes préférées parmi les symphonies pré-Eisenstadt. Elle débute par un
magnifique allegro ¾ dont le thème chromatique est d'abord énoncé par les basses sous un accompagnement
spiccatto des violons, le thème est ensuite plusieurs fois échangé entre violons et basses. Au cours du développement et de la réexposition, le thème chromatique du début et son accompagnement sont enrichis par un nouveau contrechant des premiers violons procurant un sentiment de plénitude.
Tout au long de l'
andante ma non troppo en mi bémol majeur 2/4, également confié au quintette à cordes, un
violoncelle solo double à l'octave inférieur le chant des premiers violons avec sourdine. Haydn y expérimente des combinaisons sonores toutes nouvelles qu'il utilisera dans ses dernières symphonies (n° 88 et 102). Ce morceau paisible se déroule sans heurts. Près de 20 années plus tard Haydn obtiendra une ambiance analogue dans ses interludes et ballets de son opéra
Il Mondo della Luna.Le Finale,
Presto, 6/8, est remarquable par son rythme très dansant et son dynamisme. Strictement
monothématique, il allie comme dans beaucoup d'oeuvres ultérieures le savant et le populaire.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988, pp 822-30.
(2)
http://www.passee-des-arts.com/3-categorie-10819980.html(3) A ceux qui regrettent que le quatuor opus 3 n° 5 Sérénade" ne soit pas de Joseph Haydn mais de Roman Hoffstetter, on peut recommander ce superbe adagio.