La
symphonie d'église telle que la conçoit
Joseph Haydn possède les caractéristiques suivantes (2):
-les trois ou quatre mouvements qui la composent ont la même tonalité;
-elle débute par un mouvement lent, généralement un
adagio solennel;
-sans être forcément religieux, le contenu est plus recueilli et sérieux que dans les autres symphonies. Le premier mouvement est généralement le plus introspectif, le second mouvement libère souvent une énergie intense allant jusqu'à la violence comme pour évacuer la tension accumulée pendant le premier mouvement.
En plus des symphonies n° 5 et n° 11, les autres symphonies d'églises de Haydn sont la n° 18 en sol majeur (avant 1761), la n° 21 en la majeur (1764) (1), la n° 22 en mi bémol, Le Philosophe (1764), la n° 34 en ré mineur (1765) et la célèbre symphonie n° 49 en fa mineur, La Passion (1768), dernière
symphonie d'église de
Haydn.
Les symphonies n° 5 et n° 11 font partie des symphonies de
Haydn antérieures à l'installation à Eisenstadt au service du Prince Eszterhazy et donc antérieures à 1761. La
symphonie n° 5 en la majeur débute par un superbe
adagio remarquable par sa splendeur mélodique et par le rôle important des
deux cors altos dont les parties très difficiles se situent constamment dans le registre aigu de l'instrument.
L'
allegro frappe par son caractère sombre, heurté et ses harmonies acerbes. Le thème ressemble beaucoup, à mon humble avis, à un motif faisant partie du thème principal qui ouvre le
concerto pour piano n° 24 en ut mineur KV 491 de
Wolfgang Mozart écrit en mai 1786, près de trente ans plus tard. Le contraste est grand dans la suite de l'exposition de ce morceau entre les tutti menaçants de l'orchestre et les parties presque suppliantes confiées au violon solo. Suit un magnifique développement dans lequel le thème passe des violons aux basses puis aux cors avec de splendides modulations. La rentrée est encore plus dramatique que le début du fait d'imitations très serrées dont le premier thème est l'objet entre violons et basses.
Le trio du menuet, presque tyrolien, est un spirituel dialogue entre le hautbois et les deux cors.
Le subtil finale
presto très court (moins d'une minute 30) est une
merveille de contrepoint. Le thème est une combinaison entre une phrase descendante du premier violon et une gamme ascendante des basses qui franchit un octave. On remarque une spectaculaire marche harmonique de style baroque en trémolos des violons et en valeurs plus longues aux basses que l'on retrouvera dans plusiseurs symphonies ultérieures: n° 35 en si bémol, n° 41 en ut, n° 50 en ut et n° 56 en ut majeur.
Le plan de la
symphonie n° 11 en mi bémol majeur est strictement le même que celui de la n° 5. L'
adagio initial est un des plus longs mouvements lents des symphonies de
Haydn. En observant les reprises des deux parties du morceau, on arrive à près de onze minutes. Contrairement à l'adagio de la n° 5, les cors et les hautbois sont très discrets dans la n° 11. La longue phrase du thème est chantée par les premiers violons accompagnés par quelques accords des autres cordes nécessaires pour asseoir l'harmonie. L'impression de nudité presque d'austérité est frappante et pourrait engendrer la monotonie si les thèmes n'étaient pas aussi beaux. Après le développement et lors de la réexposition, le thème initial aux seconds violons est accompagné par un nouveau contrechant des violons dans les hauteurs engendrant une sensation de plénitude.
Comme dans la n° 5, un
allegro plein d'energie et de mouvement contraste avec le méditatif
adagio. Les hautbois très actifs donnent au thème initial une coloration caractéristique. A la place d'un second thème, on observe le retour du thème initial avec aux autres cordes un efficace contrechant. Le magnifique développement est basé sur le thème principal devenu très combattif qui passe par d'étonnantes modulations. La réexposition est profondément remaniée et le thème principal y fait l'objet d'un canon à trois voix.
Marc Vignal fait remarquer l'analogie de la première partie du menuet de la symphonie n° 11 de Haydn avec la partie correspondante du menuet de la
symphonie n° 14 en la majeur KV 114 de
Wolfgang Mozart composée en 1771 (2). L'écoute comparée des deux mouvements révèle une quasi identité qui ne saurait provenir du hasard, exemple qui montre qu'à leur retour du premier voyage en Italie,
Joseph Haydn était loin d'être un inconnu pour Mozart père et fils.
Un thème très syncopé ouvre le finale
Presto de la symphonie. Aussi incisif que le second mouvement ce
presto annonce le dernier mouvement de la
symphonie n° 49 La Passione notamment dans le superbe développement très dramatique ou le thème initial fait l'objet de jeux contrapuntiques variés, ici encore la réexposition très différente de l'exposition donne l'impression d'un développement continu.
(1)
https://haydn.aforumfree.com/les-symphonies-f1/symphonie-n-21-en-la-majeur-t242.htm(2) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988, pp 828.