Si vous avez aimé la symphonie n° 68 en si bémol, vous adorerez la symphonie n° 61 en ré majeur. Seule symphonie composée par Joseph Haydn en 1776, la n° 61 se rattache encore par son style et son ambiance aux trois symphonies n° 66, 67 et 68 de 1775. Ses quatre mouvements évoquent l'opéra ou la musique de scène. Il faut savoir qu'à cette époque la troupe théatrale de Carl Wahr, qui venait de traduire les pièces de Shakespeare en allemand, se produisit à Eisenstadt et à Eszterhazà.
Dans le premier mouvement Vivace le thème initial, introduit par un vigoureux accord de ré majeur, évoque irresistiblement l'opéra bouffe. Le second thème, très étendu, est d'abord confié aux vents et impressionne par sa beauté mélodique. Je lui trouve une parenté avec le thème principal de l'air célèbre de Donna Elvira au deuxième acte du Don Giovanni de Mozart "In quali eccessi, o Numi...". L'exposition se termine avec un rappel du premier thème. Le développement s'ouvre avec le second thème mais c'est le premier qui revient à l'assaut et donne lieu à une suite syncopée aux violons, le thème passe alors aux basses et la rentrée reproduit d'abord le début du mouvement. Le second thème à la tonique est encore plus chantant et est accompagné de la plus pittoresque façon par les cors.
Haydn nous gratifie, une fois de plus, d'un admirable adagio, d'esprit voisin de celui de la symphonie n° 68 en si bémol. Le premier thème, un cantabile aux premiers violons accompagnés par les deux bassons, est encore plus émouvant et tendu que celui de l'adagio de la symphonie n° 68. Le second thème en mineur est une mélodie d'une beauté déchirante au caractère vocal affirmé dont le lyrisme évoque la cavatine d'un opéra imaginaire. Le développement reprend d'abord le premier thème et les modulations atteignent un rare degré d'intensité. La réexposition reprend en les variant les deux thèmes de l'exposition. Cet adagio d'une beauté indicible laisse l'auditeur sous son charme.
Le menuetto Allegretto très symphonique, annonce les grands menuets de la période londonienne. Le trio est une petite valse dont la mélodie est jouée par le hautbois.
Le finale Prestissimo (indication de tempo assez rare chez Haydn) est un magnifique rondo. Le thème du refrain, a un caractère nettement humoristique, son harmonisation extrêmement brillante dans laquelle participent cors à contre temps, timbales et vents, a une coloration presque néoclassique. On croirait parfois écouter Les Biches de Francis Poulenc! Ce rondo a une structure ABACDA+coda avec A = refrain et B, C, et D = couplets. Comme ce sera souvent le cas dans les rondos de Mozart, il n'y a pas retour du refrain entre les couplets C et D. Le couplet B est un vigoureux minore d'un sentiment passionné mais non dépourvu d'humour. A chaque retour du refrain l'orchestration est plus fournie et plus brillante. Une coda endiablée termine cette étonnante symphonie.