Composée par Joseph Haydn au cours de l'année 1780 ainsi qu'en témoigne une copie Ezsterhazà datée novembre 1780, la symphonie n° 62 en ré majeur présente la particularité unique d'avoir quatre mouvements dans la même tonalité (1). Elle figure, avec les n° 47 en sol majeur et la n° 75 en ré majeur, parmi les trois symphonies dont Mozart copia l'incipit en 1783 (1).
L'allegro initial est à peu de choses près identique à un des finales de la symphonie n° 53 l'Impériale (2). Il s'agit d'un morceau gai et festif, léger comme une bulle de champagne qui pourrait faire office de sinfonia ouvrant un opéra bouffe. Le second thème déroule une mélodie merveilleusement chantante. On remarque le rôle prépondérant de la flûte et la discrétion des basses qui donnent à ce morceau magistralement orchestré une sonorité à la fois brillante et transparente.
Une fois de plus le mouvement lent, allegretto, est le sommet de l'oeuvre. On a comparé ce morceau au duo Sull'aria entre Suzanna et la Contesse du troisième acte des Noces de Figaro de Mozart (3). En tout état de cause on peut facilement imaginer que ce morceau enchanteur séduisit Mozart. Tout ici est digne d'admiration: la splendeur des thèmes, la subtilité de l'orchestration avec de délicieux frottements entre la flûte et les violons. Ce morceau est une structure sonate à deux thèmes munie d'un développement. Lors de la réexposition, un contrechant nouveau, se superposant au thème initial, produit une harmonie suprême.
Le menuet, telle une danse allemande, est très rythmé. Quant au trio, c'est un laëndler dans lequel le basson, doublant le premier violon, apporte une note pittoresque.
Le finale Allegro amène une nouvelle surprise. Le thème débute mystérieusement, piano, dans une tonalité différente (septième de dominante de sol majeur) du ré majeur attendu et ce n'est quà la septième mesure que la tonalité principale est franchement affirmée. Ce thème devient de plus en plus puissant et quand plus loin il passe au basses sous les trémolos des violons, l'effet est vraiment grandiose. Une fois de plus Marc Vignal évoque Mozart qui dans sa symphonie n° 36 en ut majeur KV 425 Linz de 1783 cite presque textuellement la successions d'accords vigoureusement sabrés qui suivent le premier exposé du thème principal (1). En fait ce morceau majestueux et puissamment architecturé n'a rien d'un finale et pourrait ouvrir une symphonie. C'est donc en quelque sorte une symphonie al rovescio que Haydn nous propose. Rien n'empêche donc d'écouter cette symphonie sur l'ordinateur en inversant l'ordre des mouvements: successivement quatrième, menuet, allegretto, premier mouvement.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988, p. 1109-1110.
(2) Ce finale est le plus souvent joué mais il existe un deuxième finale pour la symphonie n° 53 moderato cappricio composé en même temps que l'introduction lente, peut-être en même temps que la symphonie n° 62 (1).
(3) Carl Ferdinand Pohl, Joseph Haydn II, Leipzig, 1882, cité dans (1).