La numérotation de Manckiewicz est erronée dans le cas de la symphonie n° 59 en la majeur Le Feu, et dans celui de la n° 58 en fa majeur. Comme la symphonie n° 60 en ut majeur Le Distrait date de 1774-5, on pourrait croire à une date de composition voisine pour les n° 58 et 59. Il n'en est rien car les symphonies n° 58 et 59 ont vu le jour bien avant, très probablement en 1767-8. Viennent à l'appui de cette datation, des arguments stylistiques et le fait (cité déjà par Joachim) que le menuet alla zoppa de la n° 58 est pratiquement identique à celui du trio pour baryton n° 52 datant de 1767-8. Le surnom Le Feu ne fut pas donné par Joseph Haydn, il résulte du fait que cette symphonie a été utilisée comme musique de scène pour le spectacle Die Feursbrunst (l'Incendie) de Gustav Grossmann, donné à Eszterhazà en 1774 ou 1778. Contemporaine de la tragique symphonie n° 39 en sol mineur, emblématique de cette période dite "Sturm und Drang" qui débute, la symphonie n° 59 est par contre une oeuvre résolument optimiste et extravertie.
Le premier mouvement Presto 4/4 débute en fanfare par un thème très incisif qui est plutôt un rythme, le contraste est vif entre ce début tonitruant et la suite énoncée en rondes mystérieuses pianissimo. Un second thème très calme termine l'exposition pianissimo. Le très beau développement est bâti sur le thème principal et donne lieu à de vigoureuses imitations entre violons et basses.
L'andante o piu tosto allegretto en la mineur 3/4 qui comme le reste de la symphonie servit de musique de scène pour la pièce Die Feursbrunst, a une dimension théatrale évidente. Le premier thème en la mineur à la fois énergique et mélancolique illustre bien une comédie sentimentale. Un second thème cantabile en ut majeur a une grande beauté mélodique et s'apparente de près à un passage du second mouvement de la symphonie n° 60 Le Distrait. Le retour du thème initial en ut majeur est suivi par une ritournelle assez longue jusqu'aux barres de reprises. Toute cette première partie est écrite pour les cordes seules. Après les barres de reprises et une transition, le premier thème revient accompagné par une pédale de mi aux basses d'aspect assez menaçant puis brusquement c'est la surprise: le second thème plus cantabile que jamais refait surface avec un accompagnement somptueux des hautbois et des cors. Ces derniers font par la suite, une apparition très remarquée fortissimo lors de la dernière apparition du thème initial, intervention surprenante correspondant peut-être à un événement surgissant dans la pièce de théâtre..
Le thème du menuetto 3/4 est très similaire au thème de l'andante nonobstant la transposition de la mineur en la majeur. Le trio en la mineur est écrit pour un quatuor à cordes (deux violons, un alto, un violoncelle). En fait il se réduit presque à un duo des deux violons (Haydn et Tomasini?), l'alto et la basse intervenant de part en part de façon discrète. Ce menuet et son trio possèdent une certaine élégance contrastant avec le caractère agressivement populaire des morceaux correspondants de la symphonie n° 58.
L'allegro assai final, alla breve, est certainement le mouvement le plus connu des quatre. Il débute par une magnifique sonnerie de cors auxquels répondent les hautbois, se poursuit avec un passage véhément, véritable torrent de croches. Enfin un second thème très doux, joué par les deux hautbois, nous amène aux barres de mesures. Après un développement court mais au contrepoint très serré, c'est la réexposition mais à la place des cors ce sont les violons piano qui démarrent la réexposition avec un effet de surprise témoignant de l'humour inépuisable de Haydn. Les cors reviennent en force dans la coda en renouvellant leurs sonneries d'abord forte puis plus dooucement piano. Marc Vignal cite la Water Music de Haendel dans son commentaire sur ce finale (1). Deux accords de tout l'orchestre forte mettent un point final à cette oeuvre contrastée et colorée.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988.