Arianna a Naxos HobXXVI.b2, Cantate pour soprano et pianoforte composée vraisemblablement en 1790 à Eszterhàza. Le texte provient d’un auteur inconnu.
Joseph Haydn tenait beaucoup à cette cantate, il en parle souvent dans sa correspondance et l’emmena à Londres où elle fut exécutée au moins deux fois avec le plus grand succès, dont une chantée par le célèbre castrat Gaetano Pacchierotti le 24 février 1791 (3). La version qui nous est parvenue est écrite pour voix de soprano avec un accompagnement de pianoforte. Haydn mentionne dans sa correspondance une version orchestrale en préparation. En tout état de cause cette version si elle a un jour existé a disparu. Une transcription pour orchestre à cordes est souvent jouée mais je n’en connais pas l’origine.
Quand Haydn compose cette cantate, il a certes cessé depuis 1784 de composer des opéras italiens mais en tant que Maitre de Chapelle à Eszterhàza, il occupe en fait le poste de Directeur Musical de l’opéra. Il doit dans ce cadre monter, réviser et diriger les opéras (essentiellement italiens) de ses collègues Paisiello, Cimarosa, Salieri, Sarti, Gazzaniga etc…et cela jusqu'au décès de Nicolas le Magnifique en septembre 1790. Il y a plusieurs représentations par semaine et les opéras différents se succèdent à une cadence vertigineuse. Ce travail est harassant. La contrepartie c’est que Haydn devient un des meilleur spécialiste de ce répertoire. L’influence de l’opéra italien et tout particulièrement de l’opéra seria est manifeste dans
Arianna a Naxos. C’est une oeuvre très concentrée, il n’y a pas de récitatif sec mais trois airs dont le premier est encadré par deux récitatifs accompagnés très expressifs, les deux airs suivants sont enchainés.
Dans Le vaste récitatif introductif en mi bémol majeur (Largo e sostenuto)
Teseo mio ben, Ariana clame son amour pour Teseo.
Dans l’air en si bémol majeur qui suit (Largo)
Dove sei mio bel tesoro, Ariana se demande où est Thésée. Cet air magnifique suscita l’admiration de Rossini. Ariana est partagée entre l’inquiétude et l’espoir et ces états d’âme sont admirablement rendus par la musique.
Teseo, Teseo, m’ascolta? (Andante puis adagio). Le ton change quand Ariana grimpe sur une falaise et voit le navire des grecs toutes voiles dehors filer vers le large avec Théseé à la proue. Le récitatif accompagné devient extrêmement dramatique lorsque Ariana réalise qu’elle a été abandonnée.
Suit un air en fa majeur (Larghetto)
A che morir vorrei d’expression mélancolique et retenue.
Mais la colère et le dépit éclatent violemment dans l’air final en fa mineur (1) (Presto)
Misera abbandonata, véritable
aria di furore à cela près qu’à la structure
aria da capo étalée et souvent redondante de l'opera seria classique fait place une extrême concision toute “haydnienne”. En quelques mesures de musique admirable tout est dit et la cantate se termine par un vrai cri de fureur
Chi tanto amai s’invola crudel e infedel (Celui que j’aimai s’envole, cruel et déloyal).
(1) Fa mineur est la tonalité utilisée par Joseph Haydn pour exprimer le désespoir le plus profond. Voir l'air d'Orfeo
In un mar d'acerbe pene dans l'Anima del Filosofo..(2).
(2)
https://haydn.aforumfree.com/t30p15-orfeo-ed-euridice-hobxxviii13(3) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988, pp. 349.