En 1784, Wolfgang Mozart eut l'occasion d'écouter des quatuors tous nouveaux composés par Ignaz Pleyel (1757-1831), élève de Joseph Haydn. Dans une lettre à son père (24 avril 1784), il manifesta son enthousiasme: Tâchez de vous procurer les quatuors de Pleyel, ils en valent la peine. Ils sont très bien écrits et très agréables; vous y reconnaitrez d'ailleurs tout de suite son maître. Bonne et heureuse chose pour la musique, si Pleyel était en état, avec le temps, de nous remplacer Haydn.
Marc Vignal pointe une certaine naïveté de Mozart car selon lui, c'est Beethoven (et non pas Pleyel qui fera fortune en fondant la fameuse marque de pianoforte) qui vingt ans plus tard pourra prétendre à l'honneur de "remplacer" Joseph Haydn.
A mon humble avis, je ne crois pas à la naïveté de Mozart. Ce dernier était en train d'achever sa série des six quatuors dédiés à Haydn, oeuvre qu'il terminera l'année suivante, tiendra en très haute estime et que Joseph Haydn lui-même louera dans des termes autrement plus flamboyants que ceux utilisés par Mozart pour Pleyel. De plus Mozart, contemporain de Pleyel à quelques mois près, pouvait aussi légitimement prétendre à l'honneur de succéder à Haydn. En proposant modestement Pleyel à cet honneur insigne, Mozart en fait se place habilement aux yeux de son père comme le challenger le plus sérieux au titre de plus grand compositeur de son temps.
Quand Mozart décède en 1791, plus personne ne peut contester la suprématie de Joseph Haydn dans le monde musical en général et dans celui du quatuor à cordes en particulier surtout après la parution des six quatuors de l'opus 76 en 1797. Ce n'est que dix ans plus tard que Beethoven relèvera le défi avec ses trois quatuors opus 59 Razumowski, n° 7, 8 et 9, en fa majeur, mi mineur et do majeur respectivement.