Sujet: Joseph-Nicolas-Pancrace Royer (1703 - 1755) Mar 24 Oct - 23:04
J'ai quelques fois évoqués Rameau, et pour enrichir le contexte je propose d'ouvrir quelques pages sur d'importantes figures contemporaines très talentueuses et illustrant remarquablement l'inventivité des compositeurs français.
Pancrace Royer est de ceux-ci. Compositeur essentiellement connu pour ses pièces pour clavecin (dont l'esthétique est souvent largement en marge de la tradition) qui sont désormais pas mal enregistrées et interprétées (La Vertigo et la Marche des Scythes sont des pièces extrêmement virtuoses et modernes et rencontrent donc un certain succès auprès des clavecinistes et du public, disons que ça change de l'ordinaire), il est encore totalement oublié en tant que compositeur d'opéra. Le personnage étant revenu "à la mode" dans une certaine mesure sa page Wikipédia est bien fournie, trop pour être copiée ici, j'encourage à la lire directement : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pancrace_Royer Comme souvent à cette époque de débat intense le compositeur a été parfois sévèrement critiqué, ça ne doit pas surprendre, on trouve largement autant de jugements tout aussi violents sur Rameau ou n'importe quelle autre grande figure du moment (Mondonville par exemple dont il faudra parler par ailleurs).
Pour donner une idée de sa musique voici quelques pièces pour clavecin (les plus marquantes sans doute) et un extrait d'opéra (une chaconne) que je ne m'attendais pas à pouvoir trouver sur Youtube.
Royer - L'Aimable:
Royer - La Marche des Scythes:
Royer - La Vertigo:
Ces pièces de clavecin montrent au moins pour l'une que le pouvoir expressif de cet instrument ne doit jamais être sous-estimé (l'aimable est une pièce qui s'interprète très bien au piano ou pianoforte cela dit) et pour les deux autres qu'il peut être tout aussi foufou que le piano, voire incontrôlable, tout en étant inégalable (ce sont des pièces très en marge de la tradition du clavecin mais en même temps impossible à interpréter correctement au piano moderne, éventuellement sur un pianoforte viennois il faudrait essayer). Ce sont aussi des exemples parlants dans le sens où ils représentent bien ce qu'on peut appeler "décadent" chez Royer (ou dans l'époque en général), c'est à dire une musique parfois déjà très tournée pianoforte (comme l'Aimable) ou qu'on peut parfois juger bien trop extravagante et excessive (comme la marche des Scythes), loin de l'esthétique traditionnelle qui entourait l'instrument (se référer aux Couperin, D'Alembert et autres). Il y a un petit côté "métal" du XVIIIème siècle si on peut dire par ces excès de violence. Personnellement je trouve ça bien de pousser le clavecin dans ses retranchement et de sortir de cette idée que c'est un instrument uniquement délicat et léger avec des grandes limites sonores. Il faut parfois toucher les limites des instruments, ça enrichit le répertoire. À ce titre la fin du XVIIIème siècle a beaucoup apporté à cet instrument, notamment à travers Rameau (les Cyclopes, la Gavottes avec doubles par exemple) et Royer mais pas que, ça continue jusqu'à Balbastre qui est sûrement le dernier grand claveciniste. Ce n'est sans doute pas commun de dire ça mais Royer est probablement un compositeur qui aurait été très intéressé par le clavecin moderne tel qu'il était construit pendant une bonne partie XXème siècle (voire les enregistrements de Landowska, Puyana, Ruzickova etc...), un instrument plus métallique, plus massif, qui a été très intelligemment exploité par De Falla et Poulenc notamment.
Royer - Chaconne extraite de "Le pouvoir de l'Amour":
À ce jour je n'ai jamais eu accès à des enregistrements complets d'opéras de Royer, je ne sais pas s'il en existe. Cet extrait ne déçoit nullement cela dit. Si Royer compose à l'opéra comme au clavecin, ou inversement, il y a sûrement des choses très intéressantes (étonnantes peut être) à découvrir.
Joachim
Messages : 664 Points : 814 Date d'inscription : 20/08/2007 Age : 78 Localisation : Nord
Sujet: Re: Joseph-Nicolas-Pancrace Royer (1703 - 1755) Mar 7 Nov - 14:36
Euclide-Orphee a écrit:
ce jour je n'ai jamais eu accès à des enregistrements complets d'opéras de Royer, je ne sais pas s'il en existe.
Il existe Zaïde, Reine de Grenade :
J'avais vu ce Zaïde, Reine de Grenade en téléchargement, et comme c'est intitulé "ballet", croyant qu'il s'agissait de musique de danse orchestrale, j'ai effectué ce téléchargement.
En fait c'est un opéra avec de temps en temps un air de danse, et comme l'opéra baroque me fait toujours le même effet d'agacement, j'ai eu du mal à aller jusqu'au bout...
Mais ceux qui aiment Lully apprécieront très certainement
Sujet: Re: Joseph-Nicolas-Pancrace Royer (1703 - 1755) Jeu 9 Nov - 2:19
Peut être Royer est-il moins innovant et enthousiasmant dans ses opéras qu'il ne l'est au clavecin solo ? L'homme apparaît par moment comme un OVNI (par exemple avec la Marche des Scythes) mais la scène et la critique du public, surtout dans cette période artistiquement tendue, ne permet pas forcément autant d'extravagance. On n'est pas aussi libre sur les planches qu'en solo sur son instrument fétiche. À voir, je vais tâcher de trouver cela pour pouvoir l'écouter ! Cela fait longtemps que je veux écouter des opéras de ce compositeur.
J'ai par ailleurs pu trouver sur Deezer un enregistrement de son opéra Pyrrhus (Royer: Pyrrhus (Live Recording at La Salle des Croisades du Château de Versailles)) qui s'ajoute aussi instantanément à ma liste d'opéras à écouter.
Zaïde a une bien meilleure réputation cela dit, c'est un opéra qui, si je ne dis pas de bêtise, reçut un grand succès en son temps. Normalement une oeuvre majeur du répertoire français !