Sujet: Jean-Frédéric Edelmann (1749 - 1794) Jeu 7 Juin - 23:04
Biographie rapide :
Jean-Frédéric Edelmann [Johann Friedrich] est un claveciniste, pianiste et compositeur français alsacien, né à Strasbourg le 5 mai 1749 et décédé à Paris le 17 juillet 1794. Après des études secondaires au gymnase protestant et de droit à l’université de Strasbourg, Edelmann s’installa vers 1774 à Paris où il vécut un temps chez le baron Bagge. Il acquit rapidement de la renommée comme compositeur dans le style italien ainsi que comme professeur de clavecin et de piano ; Méhul et Jean-Louis Adam (père d’Adolphe Adam) comptèrent parmi ses élèves. Il était l'ami de Gluck.
Retourné à Strasbourg en 1789, Edelmann fut nommé gouverneur du département du Bas-Rhin. À la suite de diverses intrigues, son frère Geofrey Louis et lui furent guillotinés à Paris le 14 juillet 1794 (22 Messidor An II) en raison de leur appartenance à la faction jacobine.
À part cinq œuvres lyriques dont deux opéras et un oratorio (perdu) ainsi que des pages pour clavecin (dont 2 concertos), il a surtout composé de la musique instrumentale dont plusieurs pièces (op. 9, 14 et 15) pour clavecin, deux violons et alto que l’on peut considérer comme les balbutiements du quatuor avec piano.
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Compositeur talentueux et au destin tragique ! La révolution aura résolument fait du mal à la musique en France (une remarque bien ciblée et bien courte de vue qui n'occulte pas les avancées par ailleurs mais je note qu'entre les têtes coupées, les exilés et la musique révolutionnaire d'état ce n'est la période la plus reluisante sur le plan artistique)
Nous sommes encore dans un registre très axé sur la musique au clavier, mais la musique d'Edelmann, au style résolument classique et ayant adopté tous les codes du genre (forme sonate), est très inventive et ne déçoit pas ! Elle jouit en outre de tout le charme de l'époque.
Par ailleurs il est intéressant de découvrir l'environnement musical que Mozart a pu connaître à Paris lorsqu'il effectua son voyage et qu'il s'y trouvait en 1778 (les sonates récemment publiées d'Edelmann, 1775, 1777 et 1778 devaient alors être en vogue), notamment au moment de la mort de Voltaire (contre lequel il entretenait une petite rancoeur pour ne pas l'avoir reçu à Ferney lorsqu'il était, petit, en tourné avec son père et que la famille passait par Genève). Mozart a pu être au contact de la musique d'Edelmann qu'il a même, semble-t-il, interprété en concert, ce qui peut nous indiquer qu'il l'avait en grande estime (ce qui n'est pas peu dire d'un homme qui avait parfois la critique facile vis à vis de ses contemporains).
Pour se faire une idée voici un large recueil de sonates interprétées au clavecin :
Diverses sonates pour clavecin:
Les différentes sonates commencent à : op 2-1 : 0:00 op 1-6 : 6:52 op 2-2 : 20:08 op 1-3 : 34:22 op 1-4 : 44:33 op 2-6 : 55:35 op 2-3 : 1:05:29
Naturellement on peut tout à fait envisager cette musique interprétée sur pianoforte même si je crois (à vérifier) que ses sonates sont publiées comme "sonates pour clavecin" dans un pays somme toute encore un peu réticent dans les années 1770 (*). Cela lui donne sans doute un caractère plus nuancé :
Sonate op 5-4 interprétée au pianoforte:
Notons que cette sonate date de 1777 : quel caractère et quelle fougue pour l'époque ! De Beethoven avant l'heure, tout simplement prodigieux.
(*) Ayant évoqué Voltaire plus tôt je me permets de joindre cette remarque acerbe (comme d'habitude) de l'intéressé concernant le pianoforte : « Ces couplets sont assez bons… pour un pianoforte qui n'est qu'un instrument de chaudronnier en comparaison du clavecin » (Correspondance avec la marquise Mme du Deffand, 8 décembre 1774) Naturellement ce n'est là l'avis que d'un homme ! Mais cette phrase étant chronologiquement proche des publications d'Edelmann et du voyage de Mozart c'est toujours bon à prendre pour jauger du goût de l'époque.
Merci beaucoup pour ce texte passionnant sur Edelmann. Je vais donc écouter ces sonates pour clavecin. Je note que ses quatuors avec clavecin sont instrumentés avec deux violons, la basse et le clavecin, comme les quatuors de Johann Schobert, décédé en 1769. et vous donnerai mon avis sur ces oeuvres très séduisantes apparemment!.
Joachim
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Sujet: Re: Jean-Frédéric Edelmann (1749 - 1794) Mar 12 Juin - 13:26
Voici en effet un compositeur qui mériterait de revenir à l'attention des labels. Je ne connais que 3 CD qui lui sont consacrés : deux de sonates interprétées par Sylvie Pecot-Doucatte, dont un au clavecin (sonates de l'op 1 et 2) et un au pianoforte de sonates des op 6, 8 et 10, plus tardives, probablement pensées davantages pour le pianoforte en plein essor et non pour la clavecin.
Un autre CD est consacré à ses 4 quatuors opus 9 pour clavecin, 2 violons et alto
Ces oeuvres sont en 3 mouvements curieusement tous intitulés en français (au lieu de l'italien habituel).
Autre curiosité : quoique ayant été composés en 1781, ils ont un charme "rétro", ils font plus penser à Schobert qu'à Haydn par exemple, c'est à dire que je les verrais bien plutôt composés vers 1760/65.
Sujet: Re: Jean-Frédéric Edelmann (1749 - 1794) Jeu 14 Juin - 8:34
Merci Joachim pour ce quatuor avec clavier que j'ai écouté avec plaisir.
Rien à voir avec Joseph Haydn en effet qui à la même époque écrivait des oeuvres plus denses, au style bien plus serré. J'utilise à dessein des termes objectifs d'appréciation afin de ne pas tomber dans la formule simpliste: Haydn c'est mieux qu'Edelmann! Avec ce dernier on est à fond dans le style galant, notamment dans le mouvement lent avec ses airs d'ariette française. Mais Edelmann est dans cette oeuvre un mélodiste hors-pair et sa musique me fait penser au Mozart antérieur à Idomeneo.
Il me faut encore écouter ses sonates pour clavier et notamment celles dont Euclide-Orphée nous a vanté les qualités novatrices.