Sujet: Re: L´ISOLA DISABITATA HobXXVIII.9 Ven 19 Déc - 14:06
Merci pour ces extraits. C'est la première fois que j'écoute l'Isola Disabitata, une "azione teatrale" dont le livret est écrit en italien, chantée en allemand. Le résultat est intéressant et la chanteuse qui joue le rôle de Costanza est excellente, Silvia n'est pas mal non plus!.
L'Isola Disabitata que Haydn qualifia modestement d'"operette" est un opéra très original composé en 1780 ayant la particularité de ne pas contenir de récitatif sec mais uniquement du récitatif accompagné.
Je ne me lasse pas d'écouter l'enregistrement Antal Dorati, excellent à tous point de vue: chanteurs et chanteuses remarquable (un prodigieux Renato Bruson) et un orchestre précis et nerveux.
Messages : 267 Points : 230 Date d'inscription : 21/08/2007 Age : 60 Localisation : Basse-Normandie
Sujet: Re: L´ISOLA DISABITATA HobXXVIII.9 Sam 20 Déc - 16:22
Voilà ce qui va intéresser Marcus ! ( Quelle chance d' être proche d' un foyer culturel !)
J' avais vu cet opéra il y a fort longtemps à Caen, avec beaucoup de bonheur :délicieux ! J' ai le souvenir d 'un dérapage incontrôlé dans un solo de violoncelle (probablement dans le quatuor final)
JPS1827
Messages : 213 Points : 81 Date d'inscription : 01/06/2008 Localisation : Bourg la Reine
Sujet: Re: L´ISOLA DISABITATA HobXXVIII.9 Sam 20 Déc - 21:32
Merci pour ces liens qui révèlent des extraits d'un opéra que je ne connais pas. C'est bien chanté, l'orchestre paraît un peu "prosaïque", mais c'est déjà bien de pouvoir écouter et voir ces scènes.
Sujet: L'Isola disabitate, Azione teatrale Sam 20 Déc - 22:25
L'Isola disabitata (Azione Teatrale), musique de Joseph Haydn, livret de Metastase, fut composée en 1779 et ne fut représentée que deux fois au théatre d'Eszterhazà au début de l'année 1780. On attribue généralement l'arrêt des représentations au départ de Barbara Ripamonte, interprête apparemment irremplaçable du rôle de Costanza. En tout état de cause, il est logique de penser que Haydn ait pu ressentir de la frustration vu la somme de travail qu'une pareille oeuvre a du lui coûter. Cette frustration transparait dans une lettre envoyée à l'editeur Artaria le 27 mai 1781: "Si seulement (à Paris) ils pouvaient entendre mon opérette "L'Isola disabitata" ou mon dernier opéra "La Fedelta premiata", je vous assure qu'aucune musique semblable n'a encore été entendue à Paris, ni à Vienne sans doute. Mon malheur est de vivre à la campagne" (1).
L'oeuvre en question n'a de l'opérette que le nom que Haydn lui donne (en raison de sa taille réduite: environ une heure et demi). En fait c'est une oeuvre essentiellement tragique présentant toutefois un dénouement heureux en forme de vaudeville. Le principe de l'unité de lieu y est respecté rigoureusement.
Synopsis. Suite à un naufrage, Costanza et sa jeune soeur Silvia ont survecu pendant treize ans sur une île déserte. D'autre part, Gernando, époux de Costanza et son ami Enrico ont été faits prisonniers par des pirates. Costanza se désespère car elle est persuadée que Gernando l'a abandonnée. Elle inscrit sur un rocher son desespoir et son intention de mourir. Gernando et Enrico, une fois libérés, reviennent sur l'île et Gernando, trouvant l'inscription de Costanza, manque s'évanouir. Enrico, croyant Costanza morte, pousse Gernando à quitter l'île; au cours de ses pérégrinations, il rencontre Silvia et a le coup de foudre pour la jeune fille tandis que l'amour germe dans le coeur juvénile de cette dernière. Pendant ce temps Costanza continue à se désespérer mais Gernando l'aperçoit; alors qu'il veut l'embrasser, celle-ci s'évanouit. Enrico ranime Costanza et lui explique la situation. Les amants et les époux tombent respectivement, dans les bras les uns des autres, tandis que le rideau tombe au milieu de réjouissances générales.
Style. Le terme d'Azione teatrale est assez vague et recouvre des spectacles variés, il fut utilisé par Gluck pour désigner son Orfeo ed Euridice; l'Isola disabitata de Haydn est essentiellement tragique avec quelques éléments (le personnage de Silvia par exemple) qui relèvent de l'opera buffa et un dénouement heureux en forme de vaudeville qui nécessita de modifier la fin du livret. Haydn manifeste ses qualités de dramaturge et son originalité en exploitant cette trame déjà utilisée par Ignaz Holzbauer, Nicolo Jomelli, Tommaso Traetta, etc...L'oeuvre se démarque de la production contemporaine par les deux points suivants:
-Haydn supprime complètement le récitatif sec. Désormais les airs sont précédés par un récitatif richement accompagné par un orchestre fourni. A l'écoute, on constate que la frontière entre récitatif et air semble s'estomper tant le récitatif anticipe souvent sur l'air. Ce procédé permet une caractérisation beaucoup plus poussée des personnages. Par exemple l'apparition de Silvia est précédée ou accompagnée par un motif léger et sautillant, seule concession à l'opéra bouffe dans une action essentiellement dramatique. L'interpénétration des récitatifs accompagnés et des airs donne à l'oeuvre une unité particulièrement satisfaisante pour l'esprit.
-l'oeuve est introduite par une sinfonia qui a la coupe vif, lent, vif de la sinfonia à l'italienne. Toutefois le contenu musical en diffère complètement. Le premier mouvement en sol mineur, précédé par une dramatique introduction lente, est un mouvement de sonate très "Sturm und Drang", munie d'un superbe développement contrapuntique (2). Ce mouvement puissant et fougeux est interrompu par un délicat allegretto très mélodieux. Le troisième mouvement est une version considérablement abrégée du premier. Cette magnifique sinfonia a le mérite de mettre le spectateur en condition pour la suite.
-Les airs sont courts et ne relèvent jamais de la forme tripartite avec da capo. Ils ont une structure plutôt bipartite, la deuxième partie consistant en une reprise variée de la première.
Hits. On distingue plus difficilement des sommets dans une oeuvre où l'effort est plutôt centré sur la recherche d'unité et où les airs sont intimement liés au récitatif accompagné.
-Gernando ayant lu l'inscription de Costanza annonçant sa mort, exprime son désespoir dans un air magnifique, n°4 (Acte II) "Non turbar quand'io mi lagno", remarquable par sa tension et par la participation d'un orchestre particulièrement actif et expressif.
-Le quartetto final n°8 est un chef-d'oeuvre vocal et instrumental. Il se déroule un peu comme un vaudeville, chaque personnage y allant à tour de rôle avec son couplet. Le quartetto débute par un imposant prélude orchestral avec trompettes et timbales, puis l'intervention de chaque voix soliste est précédée par un solo instrumental: un violon qui grimpe à des hauteurs vertigineuses pour Costanza, un violoncelle lyrique et passionné pour Gernando, une flûte légère et gracieuse pour Silvia et un basson goguenard pour Enrico. Nous avons en fait affaire à une double symphonie concertante avec les quatre solistes instrumentaux précités et quatre solistes vocaux (deux sopranos, un ténor et une basse). Cette ultime scène a le mérite, au delà de sa beauté musicale, de compléter la caractérisation des personnages.
C'est la version Antal Dorati que je connais bien. Les chanteurs sont prestigieux La voix profonde et noble de Renato Bruson fait merveille dans le rôle d'Enrico. J'aime beaucoup Luigi Alva dans le buffa et il ne me déçoit pas non plus dans le rôle plutôt sérieux de Gernando. Linda Zoghby campe une Silvia convaincante et Norma Lerer incarne avec sobriété une remarquable Costanza. L'orchestre de chambre de Lausanne dirigé par Antal Dorati exécute avec brio la sinfonia.
(1) tiré de Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988.
(2) Ce mouvement , à mon humble avis, annonce le splendide allegro, en sol mineur également, qui ouvre l'oratorio, Les Saisons (1801).
Dernière édition par Piero1809 le Lun 6 Mar - 12:55, édité 1 fois
Sujet: Re: L´ISOLA DISABITATA HobXXVIII.9 Sam 31 Jan - 11:58
Le quartetto final de l'Isola Disabitata est comme nous l'avons vu une double sinfonia concertante pour quatres solistes vocaux (Deux soprani, un ténor et une basse) et quatre solistes instrumentaux (violon, violoncelle, flûte et basson) plus un grand orchestre avec timbales.
Quand on écoute ce splendide morceau on pense immédiatement à la magnifique sinfonia concertante en si bémol majeur pour violon, violoncelle, hautbois et basson (symphonie n° 105) que Haydn composera plus de dix ans plus tard à Londres (1792). Pratiquement la même formation est utilisée, le hautbois remplaçant la flûte, alliage très original de deux instruments à cordes et deux instruments à vent qui donne à l'écoute une sonorité inoubliable.
Voir dans le forum Concerts et Evénements, sujet Concerts 2011, l'annonce faite par Gothmog concernant la représentation, mardi 1er mars, de l'Isola disabitata, à Paris 16ème, dans l'auditorium La Fontaine, à l'acoustique remarquable.
Sujet: Re: L´ISOLA DISABITATA HobXXVIII.9 Mar 11 Fév - 16:36
La sinfonia ouvrant l'Isola disabitata de Joseph Haydn est au programme du concert que l'Offrande Musicale, un orchestre amateur strasbourgeois, donnera fin mars.
En travaillant cette oeuvre et en l'écoutant sous différents angles, je me rends compte combien elle est belle. C'est à mon humble avis la plus magnifique ouverture de Joseph Haydn par: -ses dimensions étonnamment vastes, -ses rythmes sauvages, ses harmonies féroces qui en font un mouvement d'exception, même chez Haydn, -une intensité dramatique exceptionnelle… On peut même se demander si cette introduction n'est pas excessive vu le caractère plus apaisé de l'azione dramatica qui suit. En fait cette ouverture décrit probablement la terrible tempête responsable du naufrage du bateau dans lequel se trouvait Gernando et Costanza. Elle rejoint ainsi le groupe des descriptions que Haydn a fait des éléments déchainés: Terremoto des 7 dernières paroles du Christ, engloutissement des bacchantes dans l'Anima del Filosofo, l'Orage dans les Saisons etc…Commencée en sol mineur elle se termine dans le mode mineur, un peu comme dans la scène finale de l'Anima del Filosofo, ce qui est rare chez Haydn, éternel optimiste, qui aime bien terminer dans le mode majeur des oeuvres commencées en mineur.
Sujet: Re: L´ISOLA DISABITATA HobXXVIII.9 Jeu 24 Juil - 19:59
A écouter absolument!!!
Une admirable version de l'air de Costanza Se non piange un infelice, tiré de l'Isola disabitata de Giuseppe Haydn et chanté par Anna Bonitatibus. Anna Bonitatibus est une merveilleuse cantatrice, spécialisée dans la musique baroque et classique qui devrait être bien plus connue que d'autres plus habiles dans la communication mais sûrement moins talentueuses.
Sujet: Re: L´ISOLA DISABITATA HobXXVIII.9 Mar 17 Jan - 9:55
L'Opéra Studio, groupe émanant de l'Opéra National du Rhin, constituée de jeunes chanteurs talentueux en formation, donnera en mars 2017 L'Isola Disabitata de Joseph Haydn.
Les quatre chanteuses et chanteurs seront accompagnés par un piano à la place de l'orchestre.
Sujet: Re: L´ISOLA DISABITATA HobXXVIII.9 Mar 7 Mar - 21:44
L'Isola disabitata, Azione teatrale Giuseppe Haydn, Musique Pietro Metastasio, livret
Vincent Monteil, Direction musicale Martin Gester, Préparation musicale Chiara Villa, Mise en espace
Artistes de l'Opéra Studio Coline Dutilleul, Costanza Antoine Foulon, Enrico Camille Tresmontant, Gernando Louise Pingeot, Silvia
Tommaso Turchetta, piano
ONR, Concert apéritif, samedi 4 mars
On l'ignore généralement mais avec seize opéras italiens (dont trois comédies italiennes perdues : La marchesa Nespola, Il Scanarello et la Vedova) (1), Joseph Haydn a composé autant d'opéras que Mozart. Contrairement à des auteurs comme Giovanni Paisiello ou Domenico Cimarosa qui composaient à la chaine environ quatre opéras par an, la production de Haydn avec au mieux une œuvre par an est bien modeste mais les œuvres sont de grandes qualité. C'est le cas de l'Isola disabitata (l'île déserte) HobXXVIII.9, composée en 1779 sur un livret de Metastasio et représentée deux fois seulement au théâtre d'Eszterhàza en décembre 1779 et en mars 1780. Haydn montre qu'il avait une haute idée de L'Isola disabitata quand il écrit à son éditeur Artaria à son propos: Je vous assure que rien de comparable n'a encore été entendu à Paris, ni même à Vienne sans doute, mon malheur est de vivre à la campagne...(1,2).
On a ici un habile illustration du thème de l'île déserte, très à la mode au Siècle des Lumières et de l'opposition entre le monde sauvage et le monde civilisé. Les sources d'inspiration sont inconnues bien que ce livret ait servi plusieurs fois à des prédécesseurs ou contemporains comme Giuseppe Bonno, Tommaso Traetta, Ignaz Holzbauer, Nicolo Jommelli...
Les analogies nombreuses existant avec Mozart, notamment la ressemblance du quatuor vocal final avec le finale de l'Enlèvement au Sérail (tous deux sont des vaudevilles) ne sauraient étonner pour des œuvres nées sur le même terreau mais l'oeuvre a des accents qui n'appartiennent qu'à Haydn. Lors de la création sous la direction du compositeur, les interprètes furent les suivants : Barbara Ripamonti, une mezzo réputée, Costanza ; Luigia Polzelli, soprano, Silvia ; Andrea Totti, ténor, Gernando et Benedetto Bianchi, basse, Enrico.
C'est une version pour quatuor vocal et accompagnement de piano qui a été donnée à l'ONR. On sait qu'en 1802, Haydn remania son ouvrage pour l'éditeur Artaria et qu'il le raccourcit notablement!. A cette occasion il effectua aussi une réduction pour piano de la partie orchestrale. Je ne sais pas si c'est la réduction de Haydn qui a été utilisée pour l'occasion présente mais en tout état de cause on peut dire que le procédé est légitimé par Haydn lui-même. Une mise en espace simple et efficace de Chiara Villa mettait sur le devant de la scène les outils du quotidien : cordages, filets et les produits de la cueillette posés sur des tapis de feuillage de palmiers et de canne à sucre; les quatre chanteuses et chanteurs et le pianiste faisaient le reste pour faire vivre l'intrigue. Des dialogues parlés en français ont été intercalés pour rendre l'action compréhensible. La mise en espace et les acteurs chanteurs ont mis l'accent sur deux points : la nature est bonne et généreuse, elle pourvoit aux besoins de l'humanité. Dans ce cadre idyllique, l'amour pourra être donné de surcroît... La situation dramatique au départ, a des aspects comiques qui sont mis en valeur par le personnage de Silvia qui n'ayant pas connu la civilisation et ses mirages, fait preuve d'une fraicheur réjouissante.
L'impression générale est celle d'un spectacle de grande qualité avec des protagonistes remarquablement engagés. Coline Dutilleul (mezzo soprano) dans le rôle de Costanza a fait preuve de remarquables qualités vocales dans l'air magnifique : Se non piange un infelice..., son timbre de voix est chaud et velouté, la projection est superbe et l'intonation parfaite. Le rôle de Silvia est appraremment plus léger, pourtant ce personnage a beaucoup de sagesse et Louise Pingeot (soprano) lui a donné de la profondeur grâce à son talent de comédienne et sa vivacité. Camille Tresmontant (ténor) a charmé l'auditoire par sa belle voix bien timbrée, aisément projetée et beaucoup de sensibilité ; il s'affirma tout particulièrement dans l'air splendide, Non turbar quand'io mi lagno....Enfin Antoine Foulon (baryton-basse) donna à Enrico prestance, humanité, et élégance. Quand les quatre chanteurs unirent leurs voix lors de la conclusion on a pu mesurer leur puissance vocale, les rendant capables d'aborder les quatuors vocaux les plus périlleux du répertoire. Connaissant bien la version orchestrale de cet opéra, j'ai pu apprécier l'habilité de la transcription pianistique et surtout l'intelligence de l'exécutant Tommaso Turchetta qui réussit parfaitement à mettre en valeur les motifs les plus importants de l'opéra.
La salle était pleine à craquer et le public applaudit avec enthousiasme tous les protagonistes de cette azione teatrale
(1) Sept airs pratiquement complets subsistent de la Marchesa Nespola. (2) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988, p. 1036-46. (3) Cet article est une version abrégée d'un compte rendu publié dans Odb-opéra. http://www.odb-opera.com/viewtopic.php?f=6&t=18548